STATUANT SUR LES POURVOIS FORMES PAR :
- L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR PUBLIC,
- X... TOUSSAINT,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE FORT-DE-FRANCE (CHAMBRE CORRECTIONNELLE) EN DATE DU 10 AOUT 1982 QUI, DANS UNE PROCEDURE SUIVIE CONTRE X... DU CHEF DE BLESSURES INVOLONTAIRES, A STATUE SUR LES INTERETS CIVILS ;
VU LA CONNEXITE JOIGNANT LES POURVOIS ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
DE L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES L. 470 ET L. 471 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE, 1 ET 3 DE L'ORDONNANCE DU 7 JANVIER 1959, 1382 DU CODE CIVIL, 515 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;" EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE IRRECEVABLE EN LA FORME L'INTERVENTION DE L'ETAT TENDANT A OBTENIR REPETITION DES PRESTATIONS VERSEES A LA DEMOISELLE Y... ET ALLOUE A CELLE-CI L'INTEGRALITE DE L'INDEMNITE DE DROIT COMMUN MISE A LA CHARGE DU TIERS RESPONSABLE ;
" AUX MOTIFS QUE REGULIEREMENT ASSIGNE DEVANT LE PREMIER JUGE, L'AGENT JUDICIAIRE A DECLARE N'AVOIR PAS DE CREANCE A FAIRE VALOIR ;
QU'AYANT ETE MIS HORS DE CAUSE SUR SA DEMANDE, IL N'A PAS INTERJETE APPEL ;
QU'IL NE PEUT DONC ETRE FAIT DROIT A SA DEMANDE QUI CONSTITUE UNE DEMANDE NOUVELLE EN CAUSE D'APPEL ;
" ALORS, D'UNE PART, QUE L'ETAT QUI ETAIT PARTIE DEVANT LE PREMIER JUGE ETAIT FONDE, BIEN QUE NON APPELANT, A INTERVENIR DEVANT LES JUGES DU SECOND DEGRE, SAISIS PAR LES APPELS DU TIERS RESPONSABLE ET DE LA PARTIE CIVILE, AFIN D'OBTENIR LE REMBOURSEMENT DES DEPENSES OCCASIONNEES DEPUIS LE JUGEMENT ;
QUE LA COUR NE POUVAIT DONC DECLARER SA DEMANDE IRRECEVABLE POUR LE TOUT SANS RECHERCHER SI LES SOMMES RECLAMEES N'ETAIENT PAS POUR PARTIE RELATIVES A DES DEPENSES POSTERIEURES AU JUGEMENT ;
" ALORS, D'AUTRE PART, QUE ET A SUPPOSER QUE, MIS HORS DE CAUSE PAR LE PREMIER JUGE, L'ETAT N'AIT PU INTERVENIR EN CAUSE D'APPEL, IL S'EN EVINCE QUE LA COUR ETAIT IRREGULIEREMENT SAISIE DE L'ACTION CIVILE SUR LAQUELLE ELLE NE POUVAIT DONC STATUER MAIS DEVAIT RENVOYER LES PARTIES A SE POURVOIR DEVANT LA JURIDICTION CIVILE ;
" ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE X..., RECONNU COUPABLE DE BLESSURES INVOLONTAIRES SUR LA PERSONNE DE LA JEUNE EVELYNE Y..., ELEVE D'UNE CLASSE PREPARATOIRE A L'APPRENTISSAGE, AU COLLEGE MIXTE DE RIVIERE-PILOTE, A ETE, PAR UNE DECISION DEFINITIVE, DECLARE ENTIEREMENT RESPONSABLE DES DOMMAGES RESULTANT DE CET ACCIDENT ;
QUE LES JUGES D'APPEL, APRES AVOIR CONSTATE QUE LES SERVICES DE L'EDUCATION NATIONALE AVAIENT PRIS EN CHARGE LES FRAIS MEDICAUX, LES FRAIS D'HOSPITALISATION, LES FRAIS DE TRANSPORT ET LA REPARATION DES CONSEQUENCES DE L'INVALIDITE DONT LA JEUNE FILLE DEMEURAIT ATTEINTE, EN DEDUISENT QUE " L'EXISTENCE D'UNE CREANCE DE L'ETAT, SUBROGE DANS LES DROITS DE LA VICTIME CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1ER DE L'ORDONNANCE DU 7 JANVIER 1959, EST CERTAINE " ;
ATTENDU QUE SI LA COUR A VISE A TORT L'ORDONNANCE DU 7 JANVIER 1959 QUI CONCERNE LES RECOURS EXERCES AU CAS OU LA LESION SUBIE PAR UN AGENT DE L'ETAT EST IMPUTABLE A UN TIERS ET QUI, EN SON ARTICLE 6, RESERVE EXPRESSEMENT L'APPLICATION DES REGLES PREVUES PAR LE LIVRE 4 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE, ELLE N'EN A PAS MOINS AFFIRME A JUSTE TITRE L'EXISTENCE D'UNE CREANCE DE L'ETAT DES LORS QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE L. 416 DUDIT CODE LES ELEVES DES ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE BENEFICIENT DE LA LEGISLATION SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET QUE L'ETAT QUI, SELON LES DISPOSITIONS DU DECRET N° 46-2959 DU 31 DECEMBRE 1946, PREND EN CHARGE LES PRESTATIONS ET INDEMNITES SERVIES A CES ELEVES, EST FONDE A EXERCER CONTRE LE TIERS RESPONSABLE DE L'ACCIDENT LE RECOURS PREVU A L'ARTICLE L. 470 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE ;
ATTENDU QUE, POUR DECLARER NEANMOINS IRRECEVABLE COMME FORMEE POUR LA PREMIERE FOIS EN CAUSE D'APPEL, LA DEMANDE DE L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, LES JUGES OBSERVENT QUE CELUI-CI, REGULIEREMENT ASSIGNE EN PREMIERE INSTANCE, A DECLARE N'AVOIR AUCUNE CREANCE A FAIRE VALOIR ET A CONCLU A SA MISE HORS DE CAUSE, QUI A ETE EFFECTIVEMENT PRONONCEE PAR LE TRIBUNAL ;
ATTENDU QU'EN CET ETAT IL EST VAINEMENT FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR MECONNU LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 515 DU CODE DE PROCEDURE PENALE AUTORISANT LA PARTIE CIVILE A DEMANDER UNE AUGMENTATION DES DOMMAGES-INTERETS POUR LE PREJUDICE SOUFFERT DEPUIS LA DECISION DE PREMIERE INSTANCE ;
QU'EN EFFET, CETTE FACULTE N'EST OUVERTE QU'A LA PARTIE CIVILE OU INTERVENANTE QUI, MEME NON APPELANTE, N'A PAS CESSE D'ETRE EN CAUSE ;
ATTENDU QUE LE DEMANDEUR NE SAURAIT DAVANTAGE INVOQUER LA VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE L. 471 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE DES LORS QUE, REGULIEREMENT APPELE EN DECLARATION DE JUGEMENT COMMUN, IL A LUI-MEME CONCLU PAR ERREUR A SA MISE HORS DE CAUSE ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;
MAIS SUR LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
DE L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, REPRIS PAR X..., ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES L. 470 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE, 1ER DE L'ORDONNANCE DU 7 JANVIER 1959, 1382 DU CODE CIVIL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;" EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, APRES AVOIR DECLARE IRRECEVABLE L'INTERVENTION DE L'ETAT, A ALLOUE A LA VICTIME L'INTEGRALITE DE L'INDEMNITE DE DROIT COMMUN MISE A LA CHARGE DU TIERS RESPONSABLE, TOUT EN CONSTATANT QUE L'ETAT AVAIT PRIS EN CHARGE LES FRAIS CONSECUTIFS A CET ACCIDENT ET NOTAMMENT LES CONSEQUENCES DE L'INVALIDITE DONT LA VICTIME RESTAIT ATTEINTE ;
" ALORS QUE LA VICTIME NE POSSEDE LE DROIT DE DEMANDER REPARATION DU PREJUDICE CAUSE QUE DANS LA MESURE OU CE PREJUDICE N'A PAS DEJA ETE REPARE ;
" QU'AINSI, EN PRESENCE DE LA DEMANDE DE L'ETAT, FUT-ELLE IRRECEVABLE, LA COUR NE POUVAIT, APRES AVOIR CONSTATE QU'IL AVAIT PRIS EN CHARGE LES FRAIS CONSECUTIFS A L'ACCIDENT ET NOTAMMENT LES CONSEQUENCES DE L'INVALIDITE DONT RESTAIT ATTEINTE MLLE Y..., ALLOUER A CELLE-CI L'INTEGRALITE DU PREJUDICE DE DROIT COMMUN, SANS DEDUIRE LE MONTANT DES PRESTATIONS SERVIES ET RECLAMEES PAR L'ETAT, AYANT DEJA REPARE LES CONSEQUENCES DE L'INVALIDITE, FAISANT AINSI BENEFICIER MLLE Y... D'UNE DOUBLE INDEMNISATION POUR LE MEME PREJUDICE ;
ET SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PROPOSE PAR X... ET PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 1ER DE L'ORDONNANCE DU 7 JANVIER 1959, DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;
" EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, STATUANT SUR LES CONSEQUENCES D'UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION AU COURS DUQUEL LA DEMOISELLE Y... A ETE BLESSEE, A FIXE LE PREJUDICE TOTAL A LA SOMME DE 2231 014 FRANCS ET COMPTE TENU DES SOMMES VERSEES A TITRE DE PROVISION, QUI S'ETAIENT ELEVEES A 922 500 FRANCS, A CONDAMNE LE SIEUR X... A PAYER A LA VICTIME LA SOMME DE 1 398 214 FRANCS ET A DECLARE IRRECEVABLE, EN LA FORME, L'INTERVENTION DE L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, QUI N'AVAIT PRESENTE AUCUNE DEMANDE EN PREMIERE INSTANCE ET DEMANDAIT POUR LA PREMIERE FOIS EN APPEL LE REMBOURSEMENT DE PRESTATIONS SE MONTANT A 2 416 500 FRANCS ;
" ALORS QUE SI LE PRINCIPE DU DOUBLE DEGRE DE JURIDICTION NE PERMETTAIT PAS A LA COUR D'ACCUEILLIR EN APPEL LA DEMANDE DU TRESOR, CELLE-CI NE POUVAIT, EN L'ETAT DE CETTE DEMANDE, QUE SURSEOIR A STATUER SUR LES DROITS DE LA VICTIME ET SUR L'INDEMNITE, QUI LUI SERAIT DUE JUSQU'A CE QUE LE TRESOR PUBLIC AIT FAIT STATUER SUR LE MONTANT DE SA PROPRE CREANCE SELON UNE PROCEDURE REGULIERE ;
" VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARTICLE L. 470 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE QU'EN CAS D'ACCIDENT DU TRAVAIL IMPUTABLE A UN TIERS, LA REPARATION DES DOMMAGES QUI EN DECOULENT EST ASSUREE TANT PAR LES PRESTATIONS SOCIALES QUE, S'IL Y A LIEU, PAR L'INDEMNITE COMPLEMENTAIRE MISE A LA CHARGE DE L'AUTEUR DE L'ACCIDENT DANS LA LIMITE DU PREJUDICE FIXE PAR LE JUGE CONFORMEMENT AUX REGLES DE DROIT COMMUN, SANS QU'IL PUISSE EN RESULTER POUR LA VICTIME NI PERTE NI PROFIT ;
ATTENDU QU'APRES AVOIR EVALUE A 2 321 014 FRANCS LE PREJUDICE SUBI PAR LA DEMOISELLE Y..., L'ARRET ATTAQUE A CONDAMNE X... A PAYER L'INTEGRALITE DE CETTE SOMME A LA PARTIE CIVILE ;
MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, SANS RECHERCHER DANS QUELLE MESURE LES PRESTATIONS SERVIES PAR L'ETAT CONTRIBUAIENT A LA REPARATION DU DOMMAGE, LA COUR D'APPEL A MECONNU LE PRINCIPE CI-DESSUS RAPPELE ;
D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE FORT-DE-FRANCE EN DATE DU 10 AOUT 1982, SAUF EN CELLES DE SES DISPOSITIONS PAR LESQUELLES IL A DECLARE IRRECEVABLE L'INTERVENTION DE L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR ET EVALUE LES CHEFS DE DOMMAGE DE CARACTERE PERSONNEL ;
ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION PRONONCEE, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE FORT-DE-FRANCE AUTREMENT COMPOSEE.
