REJET du pourvoi de :
- X... (Yves),
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 12 mars 1982, qui, pour fraude fiscale et passation d'écritures inexactes ou fictives, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 8 000 francs d'amende, à des mesures de publication et d'affichage et a reçu l'administration des Impôts dans son intervention.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 1649 septies, 1741 et suivants du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs,
" En ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité de la procédure ;
Aux motifs d'une part qu'il n'est pas dénié que le 23 septembre 1977, vers 10 heures du matin, X...était absent lorsque le vérificateur s'est présenté de manière inopinée, 13 et 15, rue de la Neva, au siège de la société Euro Conseil ; que le vérificateur s'est alors rendu 11, rue Laugier, à Paris, 17e, où était tenue la comptabilité, que le sieur Y..., chef comptable de la société anonyme Films Christian Fechner, lui a présenté les documents de la comptabilité d'Euro Conseil qui ont été visés en sa présence mais avant que X..., prévenu par Y..., pût se rendre sur place ;
Que X... a signé l'avis de vérification qui porte la date du 23 septembre 1977 ; que le vérificateur a déclaré sous la foi du serment qu'il s'était borné, avant l'arrivée de X..., à apposer son visa sur les documents qui lui avaient été remis par le chef comptable Y... ; que celui-ci a précisé que le vérificateur avait visé les pièces qu'il lui présentait puisqu'il ne voulait pas que l'on continue à travailler dessus avant sa vérification ; que ce fonctionnaire n'a ainsi accompli qu'un acte conservatoire des droits de son administration, afin de s'assurer que les documents ne seraient pas surchargés ou modifiés, mais que la vérification qui se traduit par un examen contradictoire des livres ou des documents n'a commencé que vers 11 h 30 ou midi, alors que X..., informé par Y..., était présent 11, rue Laugier ;
Que le visa des documents sociaux qui ne comportaient aucune écriture comptable ne saurait être assimilé à la vérification, laquelle, de par sa nature, comporte un examen et une discussion ; qu'il répond au caractère inopiné de la visite du vérificateur, lequel dans l'attente du contribuable ou de son représentant légal, est amené nécessairement à viser les documents sur lesquels porteront ses investigations afin de leur conférer, et sans pour autant que les droits du contribuable en soient lésés, une garantie ne varietur ; que X... ne saurait soutenir à bon droit que l'irrégularité invoquée, et qui au surplus n'est pas établie dans ses éléments matériels, a eu pour conséquence de porter atteinte à ses intérêts, ceux-ci ayant été normalement sauvegardés dès l'instant où avant tout commencement de la vérification au sens légal du terme, il avait reçu notification de l'avis mentionné à l'article 1649 septies du Code général des impôts ;
Et aux motifs, d'autre part, que, d'ailleurs, et pour faire reste de droit à X...que s'agissant d'une procédure de taxation d'office, la signature par le contribuable de l'avis de vérification n'était pas nécessaire ; qu'en effet, en pareil cas, l'Administration est légalement en mesure de déterminer sans contrôle sur place par un vérificateur le montant de l'assiette imposable, le contribuable se trouvant dépourvu en raison de la gravité de sa fraude de certaines garanties, notamment de celle de l'observation de l'article 1649 septies à condition toutefois, et ce point est essentiel, que la décision de taxation d'office prise par l'Administration soit préalable à la vérification et ne découle pas de celle-ci, c'est-à-dire qu'il ne soit pas nécessaire de puiser dans les constatations faites par le vérificateur dans la comptabilité ou les documents détenus par le contribuable ;
Que dans le cas présent, la position fiscale de la société Euro Conseil justifiait le recours à la procédure de taxation d'office tant en matière d'impôt sur les sociétés qu'en matière de TVA, qu'il importe peu qu'au cours de l'information le vérificateur ait déclaré avoir agi dans le cadre d'une procédure de taxation d'office au moins en matière d'impôt sur les sociétés, les notifications de redressement établissant que la procédure de taxation d'office a été utilisée tant pour le dernier impôt que pour la taxe sur le chiffre d'affaires, en ce qui concerne la période visée par la prévention (1er décembre 1975 au 31 décembre 1976) pour laquelle aucune déclaration de TVA n'avait été déposée ; qu'une telle carence de la part du contribuable autorisait l'Administration, en l'absence de documents comptables et de pièces justificatives, à recourir à la procédure de taxation d'office et à ne pas respecter les prescriptions de l'article 1649 septies du Code général des impôts, en ce qui concerne notamment l'avis de vérification ; que cette observation, valable pour la procédure administrative, l'est tout autant pour la procédure pénale ;
Alors que, d'une part, il résulte des dispositions de l'article 1649 septies du Code général des impôts que l'Administration doit avertir en temps utile le contribuable pour que celui-ci soit en mesure de faire appel, s'il le souhaite, au conseil de son choix ; que ne satisfait pas aux prescriptions de ce texte l'avis donné le jour même où la vérification est entreprise ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que la vérification a commencé, au plus tard, vers 11 h 30 ou midi le 23 septembre 1977, soit au moment même où le prévenu aurait reçu l'avis de vérification ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Alors que, d'autre part, les dispositions des articles 1649 septies et suivants du Code général des impôts sont applicables à toutes les vérifications de comptabilité ; qu'il n'importe que, pour déterminer l'assiette de l'impôt, l'administration fiscale ait, en vertu d'autres dispositions, le pouvoir d'établir d'office des impositions ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel a, derechef, violé les textes susvisés ;
Alors qu'enfin, la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que la Cour d'appel, qui constate par ailleurs l'existence des déclarations de chiffre d'affaires au titre de la TVA, ne pouvait se fonder sur l'absence de telles déclarations pour justifier le recours à la taxation d'office ; que, de même, la prétendue absence de documents comptables et de pièces justificatives autorisant le recours à la procédure de rectification d'office ne pouvant apparaître qu'à la suite d'une vérification de comptabilité ne saurait dispenser l'Administration de l'obligation d'aviser le contribuable en temps utile avant d'y procéder ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, lors de la vérification par un fonctionnaire des impôts de la comptabilité de la société Euro Conseil, dont X... est le gérant salarié, si des mesures conservatoires ont pu intervenir avant l'arrivée sur les lieux du gérant, celles-ci, à les supposer matériellement établies, auraient seulement consisté en des visas ne varietur ; qu'ensuite X... a été avisé lors de son arrivée de sa faculté de se faire assister d'un conseil conformément aux exigences de l'article 1649 septies du Code général des impôts, devenu l'article L. 47, 2e alinéa, du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité tirée d'une prétendue inobservation desdites prescriptions, les juges observent que les visas reprochés, par leur caractère préparatoire, se distinguent des vérifications prévues par le texte précité, lesquelles se définissent en un examen contradictoire des livres et documents comptables, examen qui s'est déroulé dans des conditions conformes aux exigences de l'article 1649 septies du Code général des impôts (L. 47 du Livre des procédures fiscales) ;
Attendu qu'en cet état, et abstraction faite de tout autre motif surabondant tiré de considération propre à la régularité de la procédure fiscale et dont l'appréciation n'est pas de la compétence du juge répressif, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Qu'en effet, la conséquence tirée par les tribunaux judiciaires de l'inobservation des dispositions de l'article L. 47 du nouveau Code général des impôts, Livre des procédures fiscales, précité, en ce qu'elle déroge au principe général de la séparation des autorités administratives et judiciaires est d'interprétation stricte et ne saurait dès lors être étendue au-delà des cas où la loi a entendu expressément la limiter ;
Que, dès lors, le moyen doit être rejeté ;
Deuxième moyen de cassation : sans intérêt ;
Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen proposé, la peine et les réparations se trouvant justifiées par le rejet intervenu sur les deux premiers moyens :
REJETTE le pourvoi.