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26/01/1982 | FRANCE | N°80-15587

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 janvier 1982, 80-15587


SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND, QUE MME CECILE R. A MIS AU MONDE, LES 23 OCTOBRE 1971 ET 28 JANVIER 1974, DEUX FILLES, RESPECTIVEMENT PRENOMMEES VERONIQUE ET ISABELLE;

QU'A LA SUITE DU DECES ACCIDENTEL, LE 21 FEVRIER 1975, DE DESIRE P., AVEC QUI ELLE AFFIRMAIT AVOIR VECU EN CONCUBINAGE DEPUIS DE NOMBREUSES ANNEES, ELLE A ASSIGNE MME VEUVE DESIRE P. ET LES DEUX ENFANTS LEGITIMES DU DEFUNT, EN VUE DE FAIRE JUGER QUE CELUI-CI ETAIT LE PERE NATUREL DES JEUNES VERONIQUE ET ISABELLE;

QUE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE A ACCUEILLI CETTE DEMANDE, SU

R LE FONDEMENT DES CAS D'OUVERTURE A ACTION PREVUS AUX 4° E...

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND, QUE MME CECILE R. A MIS AU MONDE, LES 23 OCTOBRE 1971 ET 28 JANVIER 1974, DEUX FILLES, RESPECTIVEMENT PRENOMMEES VERONIQUE ET ISABELLE;

QU'A LA SUITE DU DECES ACCIDENTEL, LE 21 FEVRIER 1975, DE DESIRE P., AVEC QUI ELLE AFFIRMAIT AVOIR VECU EN CONCUBINAGE DEPUIS DE NOMBREUSES ANNEES, ELLE A ASSIGNE MME VEUVE DESIRE P. ET LES DEUX ENFANTS LEGITIMES DU DEFUNT, EN VUE DE FAIRE JUGER QUE CELUI-CI ETAIT LE PERE NATUREL DES JEUNES VERONIQUE ET ISABELLE;

QUE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE A ACCUEILLI CETTE DEMANDE, SUR LE FONDEMENT DES CAS D'OUVERTURE A ACTION PREVUS AUX 4° ET $° DE L'ARTICLE 340 DU CODE CIVIL, APRES AVOIR ECARTE UNE FIN DE NON-RECEVOIR TIREE D'UNE PRETENDUE INCONDUITE NOTOIRE DE LA MERE, AU SENS DU 1° DE L'ARTICLE 340-1 DU MEME CODE;

ATTENDU QUE LES CONSORTS P. FONT D'ABORD GRIEF A CET ARRET DE N'AVOIR PAS REPONDU AUX CONCLUSIONS PAR LESQUELLES ILS AVAIENT SOUTENU, A L'APPUI DE LEUR FIN DE NON-RECEVOIR, QUE MME R. A E VAIT EU UNE CARRIERE D'ENTRAINEUSE, CE QUI, SELON EUX, RESULTAIT NOTAMMENT DES DECLARATIONS DU NEUVIEME TEMOIN DE LA CONTRE-ENQUETE;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A NECESSAIREMENT REPONDU AUX CONCLUSIONS INVOQUEES, EN ENONCANT QUE L'ENQUETE ET LA CONTRE-ENQUETE AVAIENT SEULEMENT ETABLI QUE MME R. AVAIT TRAVAILLE DANS DIVERS ETABLISSEMENTS EN QUALITE DE BARMAID, ACTIVITE QUI NE SAURAIT, EN L'ABSENCE DE TOUS AUTRES FAITS PRECIS, CONSTITUER L'INCONDUITE NOTOIRE EXIGEE PAR LA LOI;

QUE LE MOYEN N'EST DONC PAS FONDE;

SUR LE DEUXIEME MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE AUX JUGES DU SECOND DEGRE D'AVOIR REFUSE D'ORDONNER LA PRODUCTION, PAR LES SERVICES DE POLICE, DES RENSEIGNEMENTS QU'ILS POURRAIENT DETENIR SUR MME R., AU MOTIF QUE CES PRETENDUS RENSEIGNEMENTS DE LA POLICE SUR LA CONDUITE DE L'INTERESSEE NE SAURAIENT, EN TOUT ETAT DE CAUSE, ETRE VERSES AUX DEBATS, SANS QU'IL SOIT PORTE GRAVEMENT ATTEINTE A SA VIE PRIVEE, ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QUE SEUL LE TIERS AUQUEL IL EST ORDONNE PAR LE JUGE DE PRODUIRE DES DOCUMENTS QU'IL DETIENT PEUT INVOQUER UN EMPECHEMENT LEGITIME POUR S'OPPOSER A CET ORDRE;

QU'EN L'ESPECE, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT DONC, SANS VIOLER LES ARTICLES 11 ET 141 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, RETENIR UNE RAISON PERSONNELLE A LA PARTIE A LAQUELLE DEVAIENT ETRE OPPOSEES LES PREUVES DETENUES PAR LE TIERS POUR REFUSER D'ORDONNER LA PRODUCTION DE CES DOCUMENTS;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, LA RECHERCHE DE L'ACTIVITE PROFESSIONNELLE D'UNE PERSONNE, FUT-ELLE CONTRAIRE A LA MORALE ET A L'ORDRE PUBLIC, NE PEUT CONSTITUER UNE ATTEINTE A SA VIE PRIVEE;

QU'IL EN EST PARTICULIEREMENT AINSI LORSQU'UNE PERSONNE EST SOUPCONNEE DE SE LIVRER A LA PROSTITUTION, UNE TELLE ACTIVITE N'ETANT PAS SUSCEPTIBLE DE SE RATTACHER A LA VIE PRIVEE;

QUE, DES LORS, EN REFUSANT D'ENJOINDRE AU TIERS DETENTEUR DE PRODUIRE DES RENSEIGNEMENTS QU'IL DETENAIT QUANT A L'ACTIVITE PROFESSIONNELLE EXACTE DE MME R., AU MOTIF QUE CELA PORTERAIT ATTEINTE A SA VIE PRIVEE, LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 9 DU CODE CIVIL;

ALORS, ENFIN, QUE L'ARTICLE 340-1 DUDIT CODE, EN AUTORISANT LE DEFENDEUR A UNE ACTION EN RECHERCHE DE PATERNITE A ETABLIR QUE LA MERE ETAIT D'UNE INCONDUITE NOTOIRE, OU QU'ELLE A EU COMMERCE AVEC UN AUTRE INDIVIDU, S'OPPOSE NECESSAIREMENT A CE QUE LE DROIT DU DEFENDEUR DE RAPPORTER CETTE PREUVE SOIT PARALYSE PAR LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE;

MAIS ATTENDU, D'ABORD, QUE SI LE JUGE A, EN PRINCIPE, LE POUVOIR D'ORDONNER LA PRODUCTION D'UN DOCUMENT OBTENU PAR UN TIERS, IL S'AGIT LA D'UNE SIMPLE FACULTE DONT L'EXERCICE EST LAISSE A SON POUVOIR DISCRETIONNAIRE;

ATTENDU, EN SECOND LIEU, QUE, DU FAIT MEME QU'ELLE A REFUSE D'ORDONNER LA MESURE SOLLICITEE, LA COUR D'APPEL N'A PU VIOLER L'ARTICLE 9 DUDIT CODE, DONT L'OBJET EST DE PROTEGER CHACUN CONTRE LES ATTEINTES SUSCEPTIBLES D'ETRE PORTEES A SA VIE PRIVEE;

ATTENDU, ENFIN, QUE LE RESPECT DU A LA VIE PRIVEE NE S'OPPOSE EN RIEN, EU EGARD AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 9 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, A CE QUE PUISSE ETRE ADMINISTREE, PAR CEUX QUI EN ONT LA CHARGE, LA PREUVE DE L'EXISTENCE DE L'UNE DES FINS DE NON-RECEVOIR PREVUES AU 1° DE L'ARTICLE 340-1 DU CODE CIVIL;

QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI, EN AUCUNE DE SES BRANCHES;

SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST MAINTENANT FAIT GRIEF AUX JUGES D'APPEL D'AVOIR CONSIDERE QUE LE CAS D'OUVERTURE A ACTION PREVU AU 5° DE L'ARTICLE 340 DU CODE CIVIL SE TROUVAIT CARACTERISE EN L'ESPECE, SANS CONSTATER, SELON LE MOYEN, L'EXISTENCE DE CIRCONSTANCES ETABLISSANT QUE M DESIRE P. AVAIT POURVU OU PARTICIPE A L'ENTRETIEN OU A L'EDUCATION DES ENFANTS EN QUALITE DE PERE, MAIS SEULEMENT QU'IL AVAIT AIDE FINANCIEREMENT MME R., DE SORTE QUE, SUR CE POINT, LEUR DECISION SERAIT DEPOURVUE DE BASE LEGALE;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL RELEVE, TANT PAR MOTIFS PROPRES QUE PAR ADOPTION DE CEUX, NON CONTRAIRES, DES PREMIERS JUGES , QUE M DESIRE P. TRAITAIT, COMME LES SIENS, DEVANT TOUT LE MONDE, LES ENFANTS DE SA MAITRESSE, ET QU'IL SUBVENAIT, COMME UN PERE, A LEURS DIVERS BESOINS;

QUE LE MOYEN EST DONC SANS FONDEMENT;

ET SUR LE QUATRIEME MOYEN : ATTENDU QUE LES CONSORTS P. REPROCHENT ENFIN AUX JUGES DU FOND D'AVOIR ESTIME QUE L L'ACTION EN DECLARATION DE PATERNITE DE FEU DESIRE P. ETAIT EGALEMENT JUSTIFIEE AU REGARD DU CAS D'OUVERTURE PREVU AU 4° DE L'ARTICLE 340 DU CODE CIVIL, ALORS QU'EN NE CONSTATANT, SELON LE MOYEN, L'EXISTENCE D'AUCUNE CIRCONSTANCE D'OU IL RESULTERAIT QUE LE PERE PRETENDU ET MME R. AIENT EU DES RELATIONS PENDANT LA PERIODE LEGALE DE CONCEPTION DE CHACUN DES DEUX ENFANTS, L'ARRET ATTAQUE SERAIT, POUR CETTE RAISON ENCORE, PRIVE DE BASE LEGALE;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, QUI RETIENT QUE L'ENQUETE ET LES ATTESTATIONS PRODUITES DEMONTRENT SURABONDAMMENT QUE M P. ET MME CECILE R. ETAIENT CONNUS COMME AMANT ET MAITRESSE PENDANT LA PERIODE DE CONCEPTION ET QUI PRECISE QUE LA PREUVE SE TROUVE RAPPORTEE D'UN CONCUBINAGE PRESENTANT LES CARACTERES DE STABILITE ET DE CONTINUITE VOULUS PAR LA LOI, LAISSANT PRESUMER LA FIDELITE DE LA MAITRESSE, PENDANT LA PERIODE DE CONCEPTION, A NECESSAIREMENT ADMIS, COMPTE TENU DU CONTEXTE DE CES MOTIFS, QUE LA PERIODE DE CONCEPTION AINSI VISEE PAR ELLE ETAIT CELLE DE CHACUN DES DEUX ENFANTS CONCERNES;

QUE, DES LORS, LE DERNIER MOYEN NE PEUT, LUI NON PLUS, ETRE RETENU;

PAR CES MOTIF : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 30 JUIN 1980 PAR LA COUR D'APPEL DE BASTIA.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 80-15587
Date de la décision : 26/01/1982
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1) CASSATION - Moyen - Défaut de réponse à conclusions - Applications diverses - Réponse suffisante - Filiation naturelle - Recherche de paternité - Fin de non-recevoir - Inconduite notoire.

FILIATION NATURELLE - Recherche de paternité - Fin de non-recevoir - Inconduite notoire - Profession de "Barmaid" - Absence d'autres faits précis.

En énonçant dans une action en revanche de paternité hors mariage que le fait pour la mère d'avoir travaillé dans divers établissements en qualité de "barmaid" est une activité qui ne saurait, en l'absence de tous autres faits précis, constituer l'inconduite notoire exigée par la loi, la Cour d'appel a répondu aux conclusions soulevant une fin de non-recevoir tirée d'une prétendue inconduite notoire de la mère, au sens du 1° de l'article 340-1 du Code civil, au motif que celle-ci aurait eu une "carrière d'entraineuse".

2) FILIATION NATURELLE - Recherche de paternité - Fin de non-recevoir - Inconduite notoire - Preuve - Conflit avec le respect dû à la vie privée.

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Filiation naturelle - Recherche de paternité - Fin de non-recevoir - Inconduite notoire - Preuve - * PREUVE EN GENERAL - Charge - Faits nécessaires au succès d'une prétention - Conflit avec le respect dû à la vie privée - * POUVOIRS DES JUGES - Pouvoir discrétionnaire - Preuve - Eléments de preuve - Eléments détenus par un tiers - Communication.

Le respect dû à la vie privée ne s'oppose en rien, eu égard aux dispositions de l'article 9 du nouveau Code de procédure civile, à ce que puisse être administrée par ceux qui en ont la charge, la preuve de l'existence de l'une des fins de non-recevoir prévues au 1° de l'article 340-1 du Code civil.


Références :

(2)
Code civil 340-1 1°
Nouveau Code de procédure civile 9

Décision attaquée : Cour d'appel Bastia, 30 juin 1980


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 jan. 1982, pourvoi n°80-15587, Bull. civ. des arrêts Cour de Cassation Civ. 1re N. 41
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles des arrêts Cour de Cassation Civ. 1re N. 41

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Pauthe CDFF
Avocat général : Av.Gén. M. Baudoin
Rapporteur ?: Rpr M. Joubrel
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Ryziger

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1982:80.15587
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