| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 février 1981, 79-92748

VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29 ALINEA 2 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, 591 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE F... COUPABLE DU DELIT DE COMPLICITE D'INJURES PUBLIQUES ENVERS UN PARTICULIER,
" AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE LES TERMES "BANDITS DU SYNDICALISME POLITISE" APPLIQUES PAR LE DEMANDEUR A... S'ANALYSAIENT EN UNE INVECTIVE NE RENFERMANT L'IMPUTATION D'AUCUN FAIT ET CONSTITUAIENT UNE INJURE,
" ET AU MOTIF, D'AUTRE PART, QUE L'EXCUSE DE PROVOCATION NE POUVAIT ETRE INVOQUEE, LES PROPOS TENUS PAR C... AU COURS D'UNE CONFERENCE DE PRESSE LE 28 JUIN 1977 NE POUVANT JUSTIFIER LES PROPOS INJURIEUX PUBLICS QUINZE JOURS APRES CEUX-CI ;
" ALORS QUE, D'UNE PART, LA QUALIFICATION DE DIFFAMATION DEVAIT ETRE SEULE RETENUE, L'EXPRESSION INJURIEUSE CONSTITUANT, EN REALITE, COMPTE TENU DU CONTEXTE, L'ALLEGATION D'UN FAIT ;
" ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'APPRECIATION DU CARACTERE OUTRAGEANT DU PROPOS DOIT ETRE FAITE EN FONCTION DES NECESSITES DE LA POLEMIQUE SPECIALEMENT LORSQU'ILS ONT ETE PROFERES A L'OCCASION D'UN CONFLIT SOCIAL ; QUE LES PROPOS TENUS EN L'ESPECE DANS LE CADRE DU VIOLENT CONFLIT L'OPPOSANT A LA CGT N'ONT PAS DEPASSE LA JUSTE MESURE ;
" ET ALORS ENFIN QUE LE PROPOS LITIGIEUX ETAIT EXCUSE PAR LA PROVOCATION DE L'INTERESSE QUI AVAIT DANS UNE CONFERENCE DE PRESSE TENUE TREIZE JOURS AUPARAVANT DEVANT DES MILLIERS DE MANIFESTANTS, ACCUSE F... D'EMPLOYER DES METHODES FASCISTES, L'ASSIMILANT AUX "TRUANDS DU PATRONAT" ; QUE L'EMOTION PROVOQUEE CHEZ LE DEMANDEUR PAR DE TELLES ACCUSATIONS PARTICULIEREMENT GRAVES EN PLEIN CONFLIT SOCIAL ETAIT DE NATURE A JUSTIFIER LES PROPOS INCRIMINES ;
ATTENDU QUE, PAR EXPLOIT DU 11 OCTOBRE 1977, C... A FAIT ASSIGNER F... DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE, SOUS LA PREVENTION DE COMPLICITE D'INJURES PUBLIQUES ENVERS UN PARTICULIER, A RAISON DE LA PUBLICATION, DANS LE NUMERO DU JOURNAL "LE MERIDIONAL" DATE DU 13 JUILLET 1977, D'UN ARTICLE INTITULE "LA REPRISE DU TRAVAIL CHEZ F..., CONTENANT ESSENTIELLEMENT UNE MISE AU POINT DE F... SUR LES CONDITIONS DU REGLEMENT D'UN CONFLIT SOCIAL DANS SON ENTREPRISE, ET METTANT INCIDEMMENT EN CAUSE "UN RESPONSABLE CGT , MARCEL C... FAISANT PARTIE DE L'EQUIPE "DES BANDITS DU SYNDICALISME POLITISE" ET AUTEUR DU LIVRE "LES TRUANDS DU PATRONAT"..." ;
SUR LES PREMIERE ET DEUXIEME BRANCHES DU MOYEN :
ATTENDU QUE POUR RETENIR LE CARACTERE OUTRAGEANT ENVERS LA PARTIE CIVILE DE SON ASSIMILATION A L'EQUIPE "DES BANDITS DU SYNDICALISME POLITISE", LES JUGES ENONCENT QUE CETTE EXPRESSION CONSTITUE UNE INVECTIVE NE RENFERMANT L'IMPUTATION D'AUCUN FAIT, ET N'ETANT PAS SUSCEPTIBLE DE PREUVE ; QU'ILS PRECISENT QUE CETTE INJURE EST RIGOUREUSEMENT INDEPENDANTE DU CONTEXTE DE SA PUBLICATION, L'ARTICLE VISE ETANT RELATIF A UN CONFLIT SOCIAL DANS LEQUEL AUCUN ROLE N'EST ATTRIBUE AU PLAIGNANT ;
ATTENDU QU'EN CET ETAT, LA COUR D'APPEL A JUSTIFIE SA DECISION SANS ENCOURIR LES GRIEFS ALLEGUES AU MOYEN ; QU'EN EFFET, POUR ETRE DIFFAMATOIRE, UNE IMPUTATION DOIT SE PRESENTER SOUS LA FORME D'UNE ARTICULATION PRECISE DE FAITS DE NATURE A ETRE, SANS DIFFICULTE, L'OBJET D'UNE PREUVE ET D'UN DEBAT CONTRADICTOIRE ; QUE LORSQU'UNE TELLE ARTICULATION FAIT DEFAUT, COMME EN L'ESPECE, IL NE PEUT S'AGIR QUE D'UNE INJURE ; QUE SI L'APPRECIATION DU CARACTERE OUTRAGEANT DE CERTAINS PROPOS DOIT ETRE EFFECTUEE EN FONCTION DE LEUR CONTEXTE, IL SE DEDUIT DES CONSTATATIONS DES JUGES DU FOND QUE L'EXPRESSION INCRIMINEE EXCEDAIT LES LIMITES ADMISSIBLES D'UNE POLEMIQUE NEE D'UN CONFLIT SOCIAL ; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN, EN SES DEUX PREMIERES BRANCHES, N'EST PAS FONDE ;
MAIS SUR LA TROISIEME BRANCHE DU MOYEN :
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE LE TEMPS ECOULE ENTRE LA PROVOCATION ET LES INJURES NE REND PAS NECESSAIREMENT CELLES-CI INEXCUSABLES ;
ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER SA DECISION ; QUE L'INSUFFISANCE OU LA CONTRADICTION DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;
ATTENDU QUE POUR ECARTER L'EXCUSE DE PROVOCATION QUE LE PREVENU PRETENDAIT FONDER NOTAMMENT, DANS SES CONCLUSIONS, SUR DES PROPOS DIFFAMATOIRES A SON EGARD TENUS PAR C..., QUINZE JOURS AUPARAVANT, AU COURS D'UNE CONFERENCE DE PRESSE A NIMES, L'ARRET ENONCE, D'UNE PART, QUE POUR ETRE INVOQUEE UTILEMENT, LA PROVOCATION DOIT AVOIR PRECEDE D'ASSEZ PRES L'INJURE, LE PREVENU DEVANT SE TROUVER ENCORE SOUS LE COUP DE L'EMOTION QUE LADITE PROVOCATION LUI A CAUSEE, ET QU'IL N'APPARAIT PAS QUE LES PROPOS TENUS PAR C..., LE 28 JUIN 1977, REPRODUITS DANS UN JOURNAL DATE DU 30 JUIN 1977, PUISSENT JUSTIFIER LES PROPOS INJURIEUX DU PREVENU PUBLIES QUINZE JOURS APRES CEUX-CI ; QUE L'ARRET AJOUTE, D'AUTRE PART, QUE LE LIEN DIRECT ENTRE LA PROVOCATION INVOQUEE ET L'INJURE N'EST PAS ETABLI, LE COMMUNIQUE DE F... REPONDANT EN FAIT A UN ARTICLE PARU LA VEILLE DANS LE MEME JOURNAL ET ANNONCANT LE REGLEMENT DU CONFLIT SOCIAL DANS L'ENTREPRISE DU PREVENU SANS FAIRE AUCUNE ALLUSION A LA PARTIE CIVILE ;
MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QUE LE DELAI DE QUINZE JOURS QUI S'ETAIT ECOULE, EN L'ESPECE, ENTRE LA PROVOCATION ET LES INJURES N'ETAIT PAS DE NATURE, PAR LUI-MEME, A RENDRE CELLES-CI INEXCUSABLES, ET ALORS QU'IL SE DEDUIT DES CONSTATATIONS DES JUGES DU FOND QU'IL EXISTAIT UNE RELATION DIRECTE ENTRE LES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES FORMULEES PAR C... CONTRE F..., ET LES INJURES ADRESSEES PAR CELUI-CI A LA PARTIE CIVILE, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ; QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 17 MAI 1979, ET POUR QU'IL SOIT A NOUVEAU STATUE CONFORMEMENT A LA LOI, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.