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14/03/1979 | FRANCE | N°78-91063

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 1979, 78-91063


La Cour, Vu la connexité joignant les pourvois ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation du procureur général, pris de la fausse application des articles 40 et 42 de la loi du 27 décembre 1973 ; Sur le second moyen de cassation du procureur général, pris de la fausse application des articles 2 et 56 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ; Sur le premier moyen de cassation commun au Cidunati et au syndicat Cidunati des commerçants et artisans du département du Nord, pris de la violation et fausse application des articles 40 de la loi

du 27 décembre 1973, 593 du Code de procédure pénale et 7...

La Cour, Vu la connexité joignant les pourvois ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation du procureur général, pris de la fausse application des articles 40 et 42 de la loi du 27 décembre 1973 ; Sur le second moyen de cassation du procureur général, pris de la fausse application des articles 2 et 56 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ; Sur le premier moyen de cassation commun au Cidunati et au syndicat Cidunati des commerçants et artisans du département du Nord, pris de la violation et fausse application des articles 40 de la loi du 27 décembre 1973, 593 du Code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le sieur
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, président-directeur général de la société des établissements Cora, des fins d'une poursuite pour avoir organisé un service de transports gratuits dont le service n'est pas lié à une vente ou à une prestation à titre onéreux ;

" alors que le juge du fond s'efforce par des considérations étrangères à la question qui lui était posée, d'admettre qu'en fait le transport gratuit desservait uniquement le magasin Cora, et se borne à caractériser l'utilité pratique que présente pour les populations intéressées l'organisation de ces transports pour leur permettre leurs achats ;

" alors que la question posée par le texte légal n'est pas de savoir si le transport gratuit est utile ou opportun mais s'il est ou n'est pas lié (c'est-à-dire juridiquement indissoluble) d'un acte d'achat ou d'une prestation à titre onéreux ; que le juge du fond se borne à constater que ce transport gratuit n'a d'autre raison d'être que de permettre les achats, ce qui suffit à spécifier que le bénéficiaire du transport n'a pas l'obligation d'acheter et que, par conséquent, il n'existe aucun lien entre la prestation de transport et une vente ou prestation quelconque à titre onéreux ;

" et alors que le juge répressif ne saurait subordonner l'application de la loi pénale à la recherche du point de savoir si le fait poursuivi peut être considéré comme socialement opportun ou bénéfique ; "

Sur le second moyen de cassation commun au Cidunati et au syndicat Cidunati des commerçants et artisans du département du Nord, pris de la violation et fausse application de l'article 40 de la loi du 27 décembre 1973, des dispositions de la loi du 24 juillet 1966 qui régissent les pouvoirs des administrateurs et du président-directeur général des sociétés anonymes, des articles 593 du Code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué a jugé qu'en déléguant ses pouvoirs de gestion commerciale au directeur local des établissements de Wattignies, le président-directeur général de la société Cora se serait ipso facto exonéré de la responsabilité pénale encourue par lui personnellement du fait qu'il a organisé ou consenti à l'organisation à Wattignies d'un service de transport gratuit qui caractérise une violation de la loi pénale d'ordre public ;

" alors que le juge du fond ne pouvait transposer ainsi dans le domaine de la responsabilité générale de tout président-directeur général d'une société anonyme une règle qui ne vaut que pour l'application des règlements de sécurité et d'hygiène du travail à l'intérieur de l'entreprise ;

" et alors que le président-directeur général d'une société anonyme ne saurait, par une prétendue délégation de ses pouvoirs, s'exonérer de la responsabilité pénale qu'il encourt pour avoir en cette qualité ordonné ou toléré dans l'exploitation commerciale de la société qu'il dirige une action prohibée par la loi pénale d'ordre public ;

" et alors enfin que la responsabilité par lui encourue du fait d'une telle action résulte des pouvoirs mêmes qui lui sont conférés par la loi et qui résultent du mandat même dont il est investi et des obligations auxquelles il lui est dès lors impossible de se soustraire ; " Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles, ensemble les articles 2 et 56 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 en ce qui concerne le second moyen des parties civiles ;

Attendu d'une part que, selon l'article 40 de la loi du 27 décembre 1973 sur l'organisation du commerce et de l'artisanat, lorsqu'elles ne sont pas liées à une vente ou à une prescription de services à titre onéreux, la remise de tout produit par tout commerçant ou prestataire de service, ou la prestation de tout service, faites à titre gratuit à des consommateurs ou utilisateurs sont interdites ;

Attendu, d'autre part, que suivant l'article 56 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 relative à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique, sont passibles des peines et sanctions prévues par ladite ordonnance tous ceux qui, chargés à un titre quelconque de la direction ou de l'administration de toute entreprise, établissement, société, association ou collectivité, ont, soit contrevenu par un acte personnel, soit en tant que commettant, laissé contrevenir toute personne relevant de leur autorité ou de leur contrôle, aux dispositions de l'ordonnance précitée ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société anonyme Cora, dont
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est le président-directeur général, qui dispose à Wattignies d'un magasin à grande surface, a organisé, entre les communes avoisinantes et le lieu d'implantation de leur établissement, un service gratuit de transport à usage de leur clientèle ; que les juges d'appel relèvent que des agents de la direction de la concurrence et des prix ont constaté que les conducteurs des autocars prenaient en charge les personnes désireuses de se rendre aux magasins Cora ; qu'elles y étaient conduites directement ; qu'arrivés à destination, les autocars se garaient sur l'aire de stationnement de l'établissement ; que presque tous les occupants des véhicules se dirigeaient vers l'entrée du magasin et de la galerie marchande, et que l'heure de retour était fixée par les chauffeurs en fonction des seules possibilités d'approvisionnement ;

Attendu que pour relaxer
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des fins d'une poursuite pour infraction à l'article 40 de la loi du 27 décembre 1973, infraction assimilée à des pratiques de prix illicites, constatée, poursuivie et réprimée dans les conditions de l'ordonnance du 30 juin 1945, l'arrêt a d'abord exposé que ces transports à titre gratuit répondaient aux voeux de toute une classe de clients potentiels, aux faibles ressources, désireuse de profiter des prix concurrentiels des magasins Cora, puis a relevé que lesdits transports étaient en étroite liaison avec les achats réalisés par ces personnes et n'avaient d'autre explication ni d'autre raison d'être que " de permettre un achat " ;

Attendu, enfin, que les juges ont énoncé, qu'en toute hypothèse, aucune infraction ne saurait être reprochée à
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, en sa qualité de président-directeur général des établissements Cora, qui avait justifié avoir, antérieurement aux poursuites, donné délégation au directeur de la succursale de Wattignies pour veiller personnellement à l'observation de toutes les dispositions légales et réglementaires en rapport avec l'activité du magasin ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations dont il ne résulte pas que le transport était lié à une vente, au sens de l'article 40 de la loi du 27 décembre 1973, et alors que les juges n'ont pas recherché si
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avait laissé commettre l'infraction, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que l'arrêt a méconnu les textes ci-dessus visés ;

Par ces motifs ; Casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, en date du 8 février 1978 dans toutes ses dispositions et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 78-91063
Date de la décision : 14/03/1979
Sens de l'arrêt : Cassation cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Prix - Pratiques illicites - Infractions assimilées - Loi du 27 décembre 1973 sur l'organisation du commerce et de l'artisanat - Article 40 - Remise de produit ou prestation de service à titre gratuit - Lien à une vente ou une prestation de service à titre onéreux - Nécessité - Service gratuit de transport.

Ne justifie pas sa décision de relaxe la Cour d'appel qui n'établit pas que le transport gratuit de clients potentiels, à destination d'un magasin à grande surface, était lié à une vente, au sens de l'article 40 de la loi du 27 décembre 1973.

2) REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Responsabilité pénale - Commettant - Président-directeur général d'une société à succursales multiples - Personnes relevant de son autorité ou de son contrôle - Directeur d'une succursale.

Aux termes de l'article 56, alinéa 1, de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, sont passibles de peines et sanctions prévues à l'ordonnance tous ceux qui, chargés à un titre quelconque de la direction ou de l'administration de toute entreprise, établissement, société, association ou collectivité ont, en tant que commettant, laissé contrevenir par toute personne relevant de leur autorité ou de leur contrôle, aux dispositions de l'ordonnance (1).


Références :

(1)
(2)
LOI 73-1194 du 27 décembre 1973 ART. 40
Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 ART. 56 AL. 1 CASSATION

Décision attaquée : Cour d'appel Douai (Chambre 4 ), 08 février 1978

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1963-11-27 Bulletin Criminel 1963 N. 339 p. 715 (REJET)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mar. 1979, pourvoi n°78-91063, Bull. crim. N. 108 P. 305
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 108 P. 305

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Faivre CAFF
Avocat général : Av.Gén. M. Dullin
Rapporteur ?: Rpr M. Ledoux
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Lesourd

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1979:78.91063
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