La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/1978 | FRANCE | N°77-90339

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 1978, 77-90339


LA COUR,
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LES PREMIER, DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS DE CASSATION REUNIS, ET PRIS :
LE PREMIER :
DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29 ET 32 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE QUE N'ETAIENT PAS DIFFAMATOIRES A L'EGARD DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE, DEMANDEUR, LES IMPUTATIONS SUIVANTES, PARUES DANS LE JOURNAL LE FIGARO SOUS LA SIGNATURE DE JEAN X..., ANCIEN GARDE DES SCEAUX ;
" DE LA LE NOYAUTAGE A ETE SY

STEMATIQUEMENT, DES ANNEES DURANT, LA BASE DE L'ENTREPRISE SUB...

LA COUR,
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LES PREMIER, DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS DE CASSATION REUNIS, ET PRIS :
LE PREMIER :
DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29 ET 32 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE QUE N'ETAIENT PAS DIFFAMATOIRES A L'EGARD DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE, DEMANDEUR, LES IMPUTATIONS SUIVANTES, PARUES DANS LE JOURNAL LE FIGARO SOUS LA SIGNATURE DE JEAN X..., ANCIEN GARDE DES SCEAUX ;
" DE LA LE NOYAUTAGE A ETE SYSTEMATIQUEMENT, DES ANNEES DURANT, LA BASE DE L'ENTREPRISE SUBVERSIVE ;
L'AFFECTATION DES JEUNES MAGISTRATS SORTIS DE L'ECOLE, FAITE PRATIQUEMENT PAR LE SYNDICAT, A ETE LE MOYEN COMMODE DE REALISER LE QUADRILLAGE DES TRIBUNAUX " ;
" AUX MOTIFS QU'IL N'EST CONTRAIRE A LA CONSIDERATION DE LA PARTIE CIVILE NI D'AVOIR TENU L'ECOLE DE LA MAGISTRATURE POUR UN MILIEU FAVORABLE AU RECRUTEMENT DE NOUVEAUX ADHERENTS, NI DE CHERCHER A ETENDRE SON AUDIENCE EN INTERVENANT DE FACON APPROPRIEE DANS LA REPARTITION DE CES NOUVEAUX MEMBRES DANS LES JURIDICTIONS, CE COMPORTEMENT S'APPARENTANT A UNE ACTIVITE DE PROPAGANDE NORMALE DE LA PART D'UNE ORGANISATION PROFESSIONNELLE, ET N'OFFRANT QU'UN RAPPORT LOINTAIN AVEC LA REALISATION DES DESSEINS PRETES AU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE, MEME SI, COMME L'ECRIT JEAN X..., L'ECOLE A ETE DES ANNEES DURANT LA BASE DE L'ENTREPRISE SUBVERSIVE ;
" ALORS QUE NON SEULEMENT LE PASSAGE INCRIMINE, REPLACE DANS SON CONTEXTE, APPARAISSAIT COMME UNE PHASE D'UN PLAN SUBVERSIF D'ENSEMBLE, COMME LE PROUVAIT L'EXPRESSION " DE LA LE NOYAUTAGE... ", LE FAIT DE PRESENTER UN SYNDICAT COMME NOYAUTANT UNE ECOLE ET QUADRILLANT LES TRIBUNAUX POUR EN FAIRE LA BASE DE SON ENTREPRISE SUBVERSIVE ETANT DIFFAMATOIRE, MAIS ENCORE L'ARRET ATTAQUE S'EST CONTREDIT PUISQUE D'UN COTE, S'AGISSANT D'AUTRES IMPUTATIONS (UN COMPORTEMENT DOMINATEUR DANS LES ASSEMBLEES GENERALES DES TRIBUNAUX ET LA SUBSTITUTION DE SA PROPRE AUTORITE A CELLE DE LA HIERARCHIE), IL NE LES A JUGEES DIFFAMATOIRES QU'EN RAISON DU CARACTERE SUBVERSIF DU BUT DONT CES FAITS AURAIENT PERMIS LA REALISATION, ET QUE, DE L'AUTRE COTE, S'AGISSANT DU PASSAGE LITIGIEUX, IL A REFUSE DE PRENDRE EN COMPTE CE MEME CARACTERE SUBVERSIF DU BUT POURSUIVI, BIEN QUE LE PASSAGE INCRIMINE RELEVE QUE " L'ECOLE AVAIT ETE, DES ANNEES DURANT, LA BASE DE L'ENTREPRISE SUBVERSIVE " ;
LE DEUXIEME :
DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29 ET 32 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT, CONTRADICTION DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE IRRECEVABLE L'ACTION EN DIFFAMATION DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE DEMANDEUR, EN CE QUI CONCERNE LE TITRE DE L'ARTICLE PUBLIE DANS LE NUMERO DATE DU 3 OCTOBRE 1975 DU JOURNAL LE FIGARO, AINSI QUE DEUX PASSAGES DE CET ARTICLE, DANS LA MESURE OU LA PARTIE CIVILE N'ETAIT PAS LA PERSONNE VISEE NI DANS LE TITRE, NI DANS LES DEUX PASSAGES ;
" AUX MOTIFS QUE, D'UNE PART, EN CE QUI CONCERNE LE TITRE " DES JUGES CONTRE LA JUSTICE ", ET LE PREMIER PASSAGE VISE, ILS NE CONCERNAIENT PAS LE SYNDICAT PRIS PERSONNELLEMENT MAIS DES MAGISTRATS AISEMENT IDENTIFIABLES PAR L'INDICATION DU LIEU OU ILS EXERCAIENT LEURS FONCTIONS ET PAR LA NATURE DES AFFAIRES DONT ILS ONT EU A CONNAITRE ET QU'ILS AURAIENT EXPLOITEES DANS UN BUT CONDAMNABLE ;
" ET AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, EN CE QUI CONCERNE LE DEUXIEME PASSAGE, L'AUTEUR DE L'ARTICLE S'INTERROGEAIT SUR LES CONSEQUENCES D'UNE EVOLUTION QUI POUVAIT FAIRE DE LA JUSTICE LA MEULE QUI ECRASERA LA SOCIETE, LE PROBLEME SE TROUVANT POSE PAR LE FAIT DE DEUX JUGES D'INSTRUCTION DE BETHUNE, SI BIEN QUE, LA NON PLUS, LA PARTIE CIVILE N'ETAIT PAS VISEE ;
" ALORS QUE, D'UNE PART, L'ARRET ATTAQUE, EN ETABLISSANT UNE DISTINCTION ENTRE LE SYNDICAT ET CERTAINS DE SES MEMBRES, NON SEULEMENT N'A PAS TENU COMPTE DE L'ENSEMBLE DE L'ARTICLE LITIGIEUX DECRIVANT L'ACTION GLOBALE DU SYNDICAT COMME ETANT " SUBVERSIVE ", LES EXEMPLES DONNES N'AYANT QU'UNE VALEUR DE SYMPTOME DE CETTE ACTION, MAIS ENCORE A DENATURE LES IMPUTATIONS ELLES-MEMES DONT IL RESULTAIT, PAR LES PHRASES " LE TRAVAIL SOUTERRAIN SE POURSUIT. DE TEMPS A AUTRE, LORSQUE L'OPPORTUNITE S'Y PRETE, LES CONJURES FONT UN ECLAT... ", QUE LE SYNDICAT ETAIT BIEN VISE PAR L'ACTION DE CERTAINS DE SES MEMBRES, UN " TRAVAIL SOUTERRAIN " NE POUVANT QU'ETRE LE FAIT D'UNE ORGANISATION, ET DES " CONJURES " NE POUVANT EXISTER, EN TANT QUE TELS, QUE DANS LE CADRE D'UNE ORGANISATION, " SUBVERSIVE " AU DEMEURANT ;
" QUE CELA VALAIT AUSSI BIEN POUR LE TITRE QUI NE POUVAIT DES LORS VISER PAR " DES " JUGES QUE CEUX COMPOSANT LE SYNDICAT ;
" ALORS QUE, D'AUTRE PART, CONCERNANT LE DEUXIEME PASSAGE, L'ARRET ATTAQUE A COMMIS LES MEMES ERREURS EN NE TENANT COMPTE NI DE L'ENSEMBLE DE L'ARTICLE, QUI SE PRESENTAIT COMME L'EXPOSE D'UN PLAN SUBVERSIF MENE PAR LE SYNDICAT, L'ACTION DE DEUX JUGES D'INSTRUCTION DE BETHUNE N'AYANT QUE VALEUR D'EXEMPLE, NI DES IMPUTATIONS ELLES-MEMES QUI DEMONTRAIENT, PAR L'EXPRESSION " PAR LE FAIT DE DEUX JUGES... LE PROBLEME EST MAINTENANT POSE ", QUE L'ACTION DE CES JUGES N'ETAIT QUE DES SYMPTOMES ;
" QU'AU SURPLUS, LA GENERALITE MEME DES IMPUTATIONS ("... UNE EVOLUTION QUI TEND A FAIRE DE LA JUSTICE UNE MEULE QUI ECRASERA LES DROITS INDIVIDUELS AFIN DE RUINER LA SOCIETE... ") IMPLIQUAIT QUE TOUTE UNE " ORGANISATION " ETAIT EN CAUSE, DEUX JUGES D'INSTRUCTION NE POUVANT, RAISONNABLEMENT, ETRE ACCUSES DE RUINER, A EUX SEULS, LA SOCIETE, ET DE METTRE EN PERIL " LES LIBERTES INDIVIDUELLES " ET " LA PAIX SOCIALE " ;
LE TROISIEME :
DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29 ET 22 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, INSUFFISANCE ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF A RECONNU A JEAN X..., AUTEUR D'UN ARTICLE DIFFAMATOIRE ENVERS LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE, DEMANDEUR, LE BENEFICE DE LA BONNE FOI, ET L'A RENVOYE, EN CONSEQUENCE, DES FINS DE LA POURSUITE ;
" AUX MOTIFS QUE SI L'AUTEUR N'AVAIT PU DEMONTRER DE FACON COMPLETE L'EXACTITUDE DE SES ASSERTIONS DIFFAMATOIRES, LES FAITS ALLEGUES ETAIENT ASSEZ VRAISEMBLABLES ET LE BUT POURSUIVI ASSEZ LEGITIME, POUR QU'IL AIT CRU POUVOIR EN FAIRE ETAT AU SOUTIEN D'UNE CRITIQUE FORMULEE AVEC SINCERITE ;
" QU'ON NE SAURAIT AINSI NOTAMMENT LUI REPROCHER D'AVOIR TENU POUR SUBVERSIF LE DEVELOPPEMENT D'UNE ACTION TENDANT DE L'AVEU MEME DE SON AUTEUR AU BOULEVERSEMENT DES INSTITUTIONS JUDICIAIRES, QUELS QU'AIENT ETE LES MOBILES HUMANITAIRES DES PROMOTEURS DE CETTE ACTION, PUISQUE LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE REVENDIQUE EFFECTIVEMENT D'ETRE UN MOUVEMENT SUBVERSIF ;
" ALORS QUE NON SEULEMENT DEUX DES FAITS JUSTIFICATIFS DE LA BONNE FOI RELEVES PAR LA COUR-A SAVOIR LA VRAISEMBLANCE ET L'OPINION QUE LE SYNDICAT AVAIT DE LUI-MEME-NE PRESENTENT AUCUNE PERTINENCE, LA VRAISEMBLANCE N'ETANT PAS UN FAIT JUSTIFICATIF, ET LE SYNDICAT NE S'ETANT JAMAIS PRESENTE COMME UNE " ORGANISATION SUBVERSIVE " MAIS COMME MENANT UN TRAVAIL THEORIQUE DE CRITIQUE ET DE REFORME DES INSTITUTIONS JUDICIAIRES, LES DEUX AUTRES FAITS JUSTIFICATIFS-LA SINCERITE ET LE BUT LEGITIME POURSUIVI-NE SUFFISANT PLUS, DES LORS, A PROUVER LA BONNE FOI, MAIS ENCORE L'ARRET ATTAQUE NE S'EST POINT PRONONCE, COMME IL LE LUI ETAIT DEMANDE, SUR LA CIRCONSPECTION ET LA PRUDENCE DE L'AUTEUR, SUR LA MODERATION DE SES ASSERTIONS, TANT DANS LEUR CONTENU QUE DANS LEUR FORME ET SUR LA VERIFICATION DE SES SOURCES ;
TOUS ELEMENTS DEVANT ETRE NECESSAIREMENT CONSTATES POUR JUSTIFIER DE LA BONNE FOI, ET DONT L'IMPORTANCE ETAIT D'AUTANT PLUS GRANDE QUE L'AUTEUR DE L'ARTICLE AVAIT FAIT SUIVRE SA SIGNATURE DE LA MENTION " ANCIEN GARDE DES SCEAUX " ET QUE LES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES ETAIENT D'UNE EXTREME GRAVITE " ;
ATTENDU QUE, DANS SON NUMERO DU 3 OCTOBRE 1975, LE QUOTIDIEN LE FIGARO A PUBLIE UN ARTICLE DE JEAN X... INTITULE : " DES JUGES CONTRE LA JUSTICE " ET CONTENANT LES PASSAGES SUIVANTS :
" MAIS TRES RAPIDEMENT, LE MOUVEMENT A REVELE SES VERITABLES BUTS. CONSTITUE SOUS LA FORME D'UN SYNDICAT PROFESSIONNEL, IL EST EN REALITE UNE ORGANISATION SUBVERSIVE GAUCHISTE. " SON PREMIER OBJECTIF A ETE DE CONQUERIR LE POUVOIR AU SEIN DU CORPS JUDICIAIRE EN FAISANT LA LOI DANS LES ASSEMBLEES GENERALES DES TRIBUNAUX ET EN METTANT EN PLACE UNE HIERARCHIE PARALLELE. TANDIS QUE LES PROCUREURS GENERAUX CONTINUENT D'ENVOYER RITUELLEMENT DES RAPPORTS AU GARDE DES SCEAUX, POUR SOLLICITER SES INSTRUCTIONS SUR LES REQUISITIONS A PRENDRE, SUBSTITUTS ET JUGES D'INSTRUCTION PRENNENT PAR TELEPHONE LES INSTRUCTIONS DES DIRIGEANTS DU SYNDICAT, INSTALLES EUX AUSSI DANS LES BUREAUX DE LA CHANCELLERIE. DE LA, LE NOYAUTAGE A ETE SYSTEMATIQUEMENT ORGANISE ET D'ABORD, A L'ECOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE QUI A ETE DES ANNEES DURANT LA BASE DE L'ENTREPRISE SUBVERSIVE. " L'AFFECTATION DES JEUNES MAGISTRATS SORTIS DE L'ECOLE, FAITE PRATIQUEMENT PAR LE SYNDICAT, A ETE LE MOYEN COMMODE DE REALISER LE QUADRILLAGE DES TRIBUNAUX. " LE TRAVAIL SOUTERRAIN SE POURSUIT. DE TEMPS A AUTRE, LORSQUE L'OPPORTUNITE S'Y PRETE, LES CONJURES FONT UN ECLAT. IL S'AGIT, EN DESHONORANT, A TRAVERS UN ACCUSE, UNE CATEGORIE SOCIALE TOUTE ENTIERE, DE DISLOQUER LA SOCIETE ET D'INDIGNER LES HONNETES GENS CONTRE SES ABOMINABLES VICES... LE BATTAGE FAIT A BETHUNE, A LYON, A DIJON ET AILLEURS N'EST CERTES PAS GRATUIT. ON HABITUE PEU A PEU L'OPINION A L'IDEE QUE LES NOTAIRES ASSASSINENT LES FILLES D'OUVRIERS, QUE LES CHEFS D'ENTREPRISES, PAR CUPIDITE, SE MOQUENT DE LA VIE ET DE LA SANTE DE LEURS COLLABORATEURS, QUE LES POLICIERS SONT CORROMPUS, J'EN PASSE ET DES MEILLEURES. AINSI, LA JUSTICE DEVIENT-ELLE UNE ARME DE L'ACTION PSYCHOLOGIQUE, UN MOYEN DE SUBVERSION. SA FONCTION N'EST PLUS DE RECONNAITRE A CHACUN CE QUI LUI REVIENT OU DE PUNIR LES COUPABLES, MAIS DE RENDRE LA SOCIETE ODIEUSE AUX YEUX DES MASSES. TANT PIS S'IL FAUT DESHONORER DES INNOCENTS, INCARCERER DES PERSONNES PARFAITEMENT HONORABLES. IL NE S'AGIT PLUS DE FAIRE JUSTICE-CONCEPTION BOURGEOISE-MAIS D'UTILISER LA JUSTICE COMME INSTRUMENT DE LA LUTTE DES CLASSES. "... LA QUESTION EST DE SAVOIR SI LA JUSTICE DEMEURE LA GARANTIE SUPREME DE LA LIBERTE ET DES DROITS DES CITOYENS ET LA GARANTIE DE LA PAIX SOCIALE OU SI LES POUVOIRS PUBLICS RESTERONT LES BRAS CROISES DEVANT UNE EVOLUTION QUI TEND A FAIRE DE LA JUSTICE LA MEULE QUI ECRASERA LES DROITS INDIVIDUELS AFIN DE RUINER LA SOCIETE. L'ACTION EST URGENTE, ELLE EST MEME TARDIVE... "
QU'A RAISON DESDITS PASSAGES DE CET ARTICLE ET DE SON TITRE, LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE A FAIT CITER DIRECTEMENT X... DEVANT LES JUGES CORRECTIONNELS SOUS LA PREVENTION DE COMPLICITE DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER ;
ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A DECLARE IRRECEVABLE L'ACTION DE LA PARTIE CIVILE EN CE QU'ELLE SE FONDAIT SUR LE TITRE DE L'ARTICLE INCRIMINE ET SUR LES PASSAGES DE CET ARTICLE FIGURANT A PARTIR DE LA PHRASE QUI COMMENCE PAR LES MOTS : " DE TEMPS A AUTRE, LORSQUE L'OPPORTUNITE S'Y PRETE... " ;
QU'A L'APPUI DE SA DECISION SUR CE POINT, ELLE ENONCE QUE LES ALLEGATIONS CONTENUES DANS CES PASSAGES, AINSI QUE LE TITRE LUI-MEME, NE VISENT PAS LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE PERSONNELLEMENT, MAIS DES MAGISTRATS QUE LE CONTEXTE PERMET D'IDENTIFIER AISEMENT " PAR L'INDICATION DU LIEU OU ILS EXERCAIENT LEURS FONCTIONS ET PAR LA NATURE DES AFFAIRES DONT ILS ONT EU A CONNAITRE " ;
ATTENDU QUE POUR RELAXER ENSUITE LE PREVENU ET DEBOUTER LA PARTIE CIVILE DE SA DEMANDE, LA COUR ENONCE, D'UNE PART, QUE LE PASSAGE COMMENCANT PAR : " DE LA LE NOYAUTAGE... " ET FINISSANT PAR : "... REALISER LE QUADRILLAGE DES TRIBUNAUX " NE CONTIENT PAS D'ALLEGATIONS DIFFAMATOIRES A L'EGARD DE LA PARTIE CIVILE, ET D'AUTRE PART, QUE SI X... N'A PU ADMINISTRER DE FACON COMPLETE ET PARFAITE LA PREUVE DE LA VERITE DE CELLES DE SES ASSERTIONS QUI REVETIRAIENT UN CARACTERE DIFFAMATOIRE, " LES FAITS ALLEGUES PAR LUI ETAIENT ASSEZ VRAISEMBLABLES ET LE BUT POURSUIVI ASSEZ LEGITIME POUR QU'IL AIT CRU POUVOIR EN FAIRE ETAT AU SOUTIEN D'UNE CRITIQUE FORMULEE AVEC SINCERITE " ;
ATTENDU, A LA VERITE, QUE L'ACTION DE LA PARTIE CIVILE A ETE DECLAREE, A TORT, IRRECEVABLE EN CE QU'ELLE SE FONDE SUR CERTAINS DES PASSAGES DE L'ARTICLE INCRIMINE ;
QU'EN EFFET, S'IL EST VRAI QUE LES PASSAGES AINSI ECARTES PAR LA COUR D'APPEL CONCERNENT DES MAGISTRATS IDENTIFIABLES QUI N'ONT PAS DEPOSE PLAINTE CONTRE LE PREVENU ET S'IL N'EST PAS MEME EXPLICITEMENT ALLEGUE PAR L'ARTICLE INCRIMINE QUE CES MAGISTRATS AIENT ETE MEMBRES DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE, IL RESSORT CEPENDANT DE L'EXAMEN DE CET ARTICLE QUE CHACUNE DES ATTAQUES AINSI DIRIGEES CONTRE DES MEMBRES DU CORPS JUDICIAIRE REJAILLIT SUR LEDIT SYNDICAT, DES LORS QUE CELUI-CI EST REPRESENTE COMME DEFENDANT UNE CONCEPTION DE LA JUSTICE A LAQUELLE LES MAGISTRATS VISES AURAIENT CONFORME LEUR ATTITUDE ;
QU'EN CET ETAT, LE CONTROLE DE LA COUR DE CASSATION DOIT S'EXERCER SUR LE SENS ET LA PORTEE, AU REGARD DES ARTICLES 29 ET 32, ALINEA 1ER, DE LA LOI SUR LA PRESSE, DE TOUS LES PASSAGES DE L'ARTICLE SUR LESQUELS SE FONDE LE MOYEN POUR CRITIQUER LA DECISION ATTAQUEE ;
ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QUE L'ARTICLE INCRIMINE FAIT ETAT DU " NOYAUTAGE " QUE LE SYNDICAT AURAIT ORGANISE A L'ECOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE, DE LA PART PREPONDERANTE QUE CE SYNDICAT AURAIT PRIS DANS L'AFFECTATION DES MAGISTRATS SORTANT DE L'ECOLE ET DU " QUADRILLAGE DES TRIBUNAUX " QUI EN SERAIT RESULTE ;
ATTENDU QU'A BON DROIT LA COUR D'APPEL A CONSIDERE QUE CES ALLEGATIONS NE PRESENTAIENT PAS LE CARACTERE DIFFAMATOIRE ;
QU'EN EFFET, EN DEPIT DE LA VIVACITE DES TERMES EMPLOYES ET MEME SI LE PREVENU N'A PU ENTIEREMENT DEMONTRER LA VERITE DES FAITS IMPUTES, CES ALLEGATIONS N'EXCEDAIENT PAS LES LIMITES ADMISSIBLES DE LA POLEMIQUE POLITIQUE ;
ATTENDU, EN SECOND LIEU, QUE LES TROIS DERNIERS ALINEAS INCRIMINES CONSTITUENT ESSENTIELLEMENT LA CRITIQUE D'UNE CONCEPTION DU ROLE DES INSTITUTIONS JUDICIAIRES DANS LA SOCIETE, QUI, D'APRES L'AUTEUR DE L'ARTICLE, SERAIT CELLE DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE ET SELON LAQUELLE L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE POURRAIT ETRE UTILISEE POUR AVIVER LES ANTAGONISMES ENTRE LES DIFFERENTES CATEGORIES DE LA POPULATION, LES MEMES PASSAGES FAISANT ETAT, POUR ETAYER CETTE THESE, DU " BATTAGE " QUI AURAIT ETE FAIT DE MANIERE EXCESSIVE A LA SUITE DE CERTAINES DECISIONS JUDICIAIRES ET SOUTENANT NOTAMMENT QUE LA MISE EN OEUVRE D'UNE TELLE CONCEPTION POURRAIT CONDUIRE A ACCEPTER LE RISQUE DE PROVOQUER L'INCARCERATION DE PERSONNES HONORABLES OU LE DESHONNEUR DE PERSONNES INNOCENTES ;
ATTENDU QUE LES ATTAQUES AINSI PORTEES CONTRE LES CONCEPTIONS QUI, D'APRES L'ARTICLE, SERAIENT CELLES DU SYNDICAT VISE ONT UNE PORTEE THEORIQUE ET GENERALE ;
QUE SI CES ATTAQUES, QUI DOIVENT ETRE INTERPRETEES EN FONCTION DE LEUR CONTEXTE, COMPORTENT DES OUTRANCES DE STYLE, ELLES TENDENT, PAR CES OUTRANCES QUI SONT DU GENRE DE CELLES GENERALEMENT ADMISES SOUS LA PLUME DES POLEMISTES POLITIQUES, A ATTIRER L'ATTENTION DU LECTEUR SUR CERTAINS RISQUES QUE, SELON L'AUTEUR, L'ACTION DU SYNDICAT PLAIGNANT POURRAIT ENTRAINER ;
QUE, SI APRE QUE SOIT L'EXPRESSION DES CRITIQUES FORMULEES PAR X..., QUELQUE DESOBLIGEANTS QUE SOIENT SES COMMENTAIRES RELATIFS AUX OPINIONS ET AU COMPORTEMENT QUE, PAR UNE APPRECIATION PERSONNELLE ET SUBJECTIVE, IL PRETE A LA PARTIE CIVILE, LESDITES CRITIQUES SE RAMENENT A LA MANIFESTATION D'UNE OPINION SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNE DES INSTITUTIONS DE L'ETAT ;
QUE CETTE MANIFESTATION D'OPINION BENEFICIE DE LA LIBERTE ATTACHEE A LA CRITIQUE DU FONCTIONNEMENT DE CES INSTITUTIONS ET A LA DISCUSSION DES DOCTRINES DIVERGENTES RELATIVES A LEUR ROLE ;
QU'AINSI, NI LES ALINEAS CONSIDERES NI LE TITRE LUI-MEME DE L'ARTICLE INCRIMINE, QUI S'Y RATTACHE, NE CONTIENNENT D'ELEMENTS DE NATURE A CARACTERISER LE DELIT DE DIFFAMATION ENVERS LE SYNDICAT PLAIGNANT ;
ATTENDU, ENFIN, QUE LES POURSUITES RELEVENT A LA CHARGE DE X... LES PASSAGES DANS LESQUELS CELUI-CI SOUTIENT QUE LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE SERAIT UNE " ORGANISATION SUBVERSIVE " QUI FERAIT " LA LOI DANS LES ASSEMBLEES GENERALES DES TRIBUNAUX " ET QUI AURAIT MIS EN PLACE UNE " HIERARCHIE PARALLELE " ;
QU'A CET EGARD, LA COUR D'APPEL ENONCE QUE LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE CONSTITUERAIT, SELON LES DECLARATIONS DE CERTAINS DE SES DIRIGEANTS OU PORTE-PAROLE, UN " CONTRE-POUVOIR " PROCEDANT A " UNE SORTE DE SUBVERSION LEGALE ET PROGRESSIVE " ET SE PROPOSERAIT, EN PARTICULIER, COMME OBJECTIF " LE BOULEVERSEMENT DES INSTITUTIONS JUDICIAIRES " POUR DES " MOBILES HUMANITAIRES " ;
QUE LA COUR PRECISE QUE LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE, QUI SE CONSIDERAIT LUI-MEME COMME UN " MOUVEMENT SUBVERSIF ", A RECOMMANDE A SES MEMBRES DE FAIRE PREVALOIR, DANS LE JUGEMENT DE CERTAINES AFFAIRES " LEUR ENGAGEMENT SYNDICAL " ET DE " SE DEFIER DU MYTHE DE LA LEGALITE " ; ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS QUE LA COUR A SOUVERAINEMENT DEDUITES DE L'APPRECIATION D'ELEMENTS EXTRINSEQUES RESULTANT DU DEBAT QUI A EU LIEU CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DES ARTICLES 35, 55 ET 56 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, LES JUGES D'APPEL ONT PU ESTIMER QUE X... S'ETAIT EXPRIME AVEC SINCERITE ;
QU'ILS ONT, D'AUTRE PART, ADMIS LA LEGITIMITE DU BUT POURSUIVI PAR CELUI-CI QUI A ENTENDU EXPRIMER, EN SA QUALITE DE PARLEMENTAIRE ET D'ANCIEN GARDE DES SCEAUX, SON OPINION SUR LE SUJET D'INTERET PUBLIC QU'EST LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS JUDICIAIRES ;
QU'ILS EN ONT CONCLU QUE, RELATIVEMENT AUX PASSAGES DE L'ARTICLE POUVANT ETRE CONSIDERES COMME DIFFAMATOIRES, IL EXISTAIT UN ENSEMBLE DE FAITS JUSTIFICATIFS SUFFISANTS POUR ETABLIR LA BONNE FOI DU PREVENU ;
ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, L'ARRET ATTAQUE N'A PAS VIOLE LES TEXTES VISES AU TROISIEME MOYEN ;
QU'EN EFFET, LESDITS PASSAGES TENDAIENT, COMME L'ENSEMBLE DE L'ARTICLE INCRIMINE, A EXPOSER ET A DISCUTER LA VALEUR D'OPINIONS ET DE DOCTRINES CONCERNANT LE ROLE ET LE FONCTIONNEMENT DE CERTAINES INSTITUTIONS FONDAMENTALES DE L'ETAT ;
QUE LES CITOYENS ONT LE DROIT D'ETRE RENSEIGNES SUR DE TELLES OPINIONS OU DOCTRINES ET QUE, DANS LE DOMAINE DE LA POLEMIQUE POLITIQUE TOUCHANT A DES SUJETS DE CETTE NATURE, LE FAIT JUSTIFICATIF DE LA BONNE FOI, PROPRE A LA DIFFAMATION, N'EST PAS NECESSAIREMENT SUBORDONNE A LA PRUDENCE DANS L'EXPRESSION DE LA PENSEE ;
D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES ;
ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;
REJETTE LE POURVOI.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 77-90339
Date de la décision : 23/03/1978
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Personne visée indirectement.

Dès lors que des attaques portées contre des membres du corps judiciaire rejaillissent sur un syndicat de magistrats présenté comme défendant une conception de la justice à laquelle les magistrats visés auraient conformé leur attitude, l'action de ce syndicat contre l'auteur des attaques est recevable (1).

2) PRESSE - Diffamation - Attaques - de portée théorique et générales - dirigées contre une conception du rôle des institutions judiciaires dans la société - Liberté attachée à une telle manifestation d'opinion.

Des attaques de portée théorique, dirigées contre une conception du rôle des institutions judiciaires dans la société et qui se ramènent à la manifestation d'une opinion sur le fonctionnement d'une des institutions de l'Etat bénéficient de la liberté attachée à la critique du fonctionnement de ces institutions et à la discussion des doctrines divergentes relatives à leur rôle. En conséquence, quelle que soit leur âpreté, elles ne caractérisent pas le délit de diffamation (2).

3) PRESSE - Diffamation - Critiques pouvant être considérées comme diffamatoires et portant sur des opinions relatives au rôle et au fonctionnement de certaines institutions fondamentales de l'Etat - Polémique politique - Bonne foi - Nécessité de la prudence dans l'expression de la pensée (non).

Les citoyens ont le droit d'être renseignés sur les opinions ou doctrines qui concernent le rôle et le fonctionnement des institutions fondamentales de l'Etat. Dans le domaine de la polémique politique touchant à des sujets de cette nature, le fait justificatif de la bonne foi propre à la diffamation n'est pas nécessairement subordonné à la prudence dans l'expression de la pensée (3).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel Paris (Chambre 11 ), 06 décembre 1976

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1967-10-24 Bulletin Criminel 1967 N. 264 p.621 (CASSATION PARTIELLE) . (2) (3) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1900-06-23 Bulletin Criminel 1900 N. 224 p.362 (CASSATION) . (2) (3) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1958-02-26 Bulletin Criminel 1958 N. 202 p.338 (CASSATION) . (2) (3) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1958-10-22 Bulletin Criminel 1958 N. 642 p.1142 (REJET) . (2) (3) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1969-11-05 Bulletin Criminel 1969 N. 292 p.694 (REJET)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 1978, pourvoi n°77-90339, Bull. crim. N. 115 P. 289
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 115 P. 289

Composition du Tribunal
Président : PDT M. Mongin
Avocat général : AV.GEN. M. Dullin
Rapporteur ?: RPR M. Monnet
Avocat(s) : Demandeur AV. M. Lyon-Caen

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1978:77.90339
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award