CASSATION SUR LES POURVOIS FORMES PAR : 1° LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BOURGES ;
2° X... JEANNE, EPOUSE Y..., Y... PATRICK, Y... MARTINE, EPOUSE Z..., PARTIES CIVILES, CONTRE UN ARRET RENDU LE 17 JANVIER 1974 PAR LA COUR D'APPEL DE BOURGES, 2° CHAMBRE, QUI A RELAXE A... HUGUES, DU CHEF D'USURE. LA COUR, VU LA CONNEXITE, PRONONCE LA JONCTION DES POURVOIS;
VU LE MEMOIRE DU PROCUREUR GENERAL ;
VU LES MEMOIRES DEPOSES TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS PAR LE PROCUREUR GENERAL DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 28 DECEMBRE 1966, "EN CE QUE, POUR DETERMINER LE TAUX EFFECTIF GLOBAL DE L'INTERET D'UN PRET, L'ARRET ATTAQUE OMET DE TENIR COMPTE DES SOMMES EFFECTIVEMENT MISES A LA DISPOSITION DES EMPRUNTEURS APRES LES RETENUES IMPOSEES PAR LES INTERMEDIAIRES" ;
ET SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS PAR LES CONSORTS Y... DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 1ER ET SUIVANTS DE LA LOI DU 28 DECEMBRE 1966, 1382 DU CODE CIVIL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RELAXE LE SIEUR A... DES FINS D'UNE POURSUITE POUR USURE, AU MOTIF QUE L'ACTE DE PRET NOTARIE DU 13 AOUT 1968 DEVRAIT ETRE SCINDE DE L'ACTE SOUS SEING PRIVE DU MEME JOUR QUI CONSTITUE A... SEQUESTRE DES FONDS PRETES ET LUI DONNE MISSION DE PRELEVER IMMEDIATEMENT SUR CES FONDS PRETES UNE ANNEE D'INTERETS ET LE MONTANT DE SA COMMISSION, ET QU'IL RESSORTIRAIT DES LORS DU SEUL ACTE NOTARIE QUE L'INTERET STIPULE NE DEPASSE PAS LE MAXIMUM LEGAL TOLERE ;
ALORS QU'IL RESULTE DES DISPOSITIONS DES DEUX ACTES QU'ILS FORMENT UN TOUT ET QUE L'ACTE SOUS SEING PRIVE DEFINIT CERTAINES MODALITES D'APPLICATION DU PRET EN MEME TEMPS QUE LA REMUNERATION DE L'INTERMEDIAIRE QUI DOIVENT AUX TERMES DE LA LOI ENTRER EN COMPTE POUR LE CALCUL DU "TAUX EFFECTIF GLOBAL D'INTERET ";
ALORS QUE POUR EFFECTUER UN TEL CALCUL IL EST, PAR AILLEURS, NECESSAIRE DE TENIR COMPTE NON DE LA SOMME MENTIONNEE A L'ACTE DE PRET, MAIS DE LA SOMME REELLEMENT MISE A LA DISPOSITION DE L'EMPRUNTEUR ;
ALORS ENFIN QUE LE JUGE DU FOND, QUI CONSTATE QUE LA SOMME A ETE MISE A LA DISPOSITION DES DEMANDEURS AVEC DEUX MOIS DE RETARD ET QUE LES INTERETS D'UNE ANNEE ONT ETE RETENUS SUR LE CAPITAL, N'A PAS REPONDU AUX CONCLUSIONS QUI LE REQUERAIENT DE CONSTATER QUE CES DEUX CHARGES SUPPLEMENTAIRES AVAIENT POUR CONSEQUENCE DE PORTER L'INTERET REEL PRATIQUE PAR LE PREVENU A 16,17%, ALORS QUE LE TAUX MAXIMUM QUI NE POUVAIT ETRE DEPASSE ETAIT A LA DATE DES ACTES DE 14,64 % " ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 28 DECEMBRE 1966, DANS TOUS LES CAS, POUR LA DETERMINATION DU TAUX EFFECTIF GLOBAL DU PRET, COMME POUR CELLE DU TAUX EFFECTIF PRIS COMME REFERENCE, SONT AJOUTES AUX INTERETS, LES FRAIS, COMMISSIONS OU REMUNERATIONS DE TOUTE NATURE, DIRECTS OU INDIRECTS, Y COMPRIS CEUX QUI SONT PAYES OU DUS A DES INTERMEDIAIRES INTERVENUS DE QUELQUE MANIERE QUE CE SOIT DANS L'OCTROI DU PRET, MEME SI CES FRAIS, COMMISSIONS OU REMUNERATIONS CORRESPONDENT A DES DEBOURS REELS ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE LES HERITIERS Y..., QUI AVAIENT DEMANDE AU "CONSEILLER FINANCIER" A... DE TROUVER DES CAPITAUX POUR EVITER UNE SAISIE, ONT SIGNE LE 13 AOUT 1968, EN L'ETUDE D'UN NOTAIRE : 1° UN ACTE AUTHENTIQUE CONSTATANT, D'UNE PART UN PRET DE 350000 FRANCS CONSENTI PAR 11 PRETEURS, REMBOURSABLE DANS UN DELAI DE QUATRE ANS, AVEC INTERETS AU TAUX DE 11% L'AN, PAYABLES TRIMESTRIELLEMENT A TERME ECHU, D'AUTRE PART LA REMISE DES FONDS A A..., DESIGNE A TITRE DE SEQUESTRE "POUR LA GARANTIE DES PRETEURS", AVEC MANDAT DE REGLER LE PASSIF GREVANT LES IMMEUBLES CONSTITUES A TITRE DE SURETES HYPOTHECAIRES ;
2° UN ACTE SOUS SEING PRIVE, AUTORISANT A... A PRELEVER SUR LES FONDS SEQUESTRES, D'UNE PART 35000 FRANCS A TITRE DE COMMISSION, D'AUTRE PART LE MONTANT DES INTERETS A ECHOIR AU COURS DE LA PREMIERE ANNEE, SOIT 38500 FRANCS, ET ENFIN LES HONORAIRES DU CONSEIL JURIDIQUE B..., SOIT 10000 FRANCS ;
ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND CONSTATENT QUE A... A UTILISE LE CAPITAL COMME SUIT : VERSE, EN OCTOBRE 1968, A L'AVOUE SAISISSANT 253600 F HONORAIRES B... (ETRANGERS AU PRET) 10000 F HONORAIRES A... 35000 F FRAIS DE NOTAIRE 5923,61 F RETENUE D'UNE ANNEE D'INTERETS 38500 F FRAIS DIVERS 669,10 F SOLDE REMIS AUX EMPRUNTEURS LE 7 MAI 1969 6927,29 F TOTAL 350000 F ATTENDU QUE, POUR ECARTER LES CONCLUSIONS DE L'AVIS DE LA COMMISSION CONSULTATIVE DES PRETS D'ARGENT, EVALUANT LE TAUX EFFECTIF GLOBAL A 15,23 %, A UNE DATE OU LE DOUBLE DU TAUX MOYEN DE RENDEMENT DES OBLIGATIONS ETAIT DE 14,64 %, ET POUR RELAXER A... DU CHEF D'USURE, L'ARRET ATTAQUE A APPROUVE LE CALCUL DU TAUX, INSERE DANS L'ACTE DE PRET PAR LE NOTAIRE SOUS LA FORME SUIVANTE : INTERET MENTIONNE DANS L'ACTE 11% FRAIS D'OBLIGATION 1,61% REPARTIS SUR QUATRE ANS 0,4% HONORAIRES A... 10% REPARTIS SUR QUATRE ANS 2,5% TOTAL 13,9% ATTENDU QU'A L'APPUI DE CETTE AFFIRMATION, LA COUR D'APPEL ENONCE QUE LES DEUX CONTRATS SIGNES LE 13 AOUT 1968 ETANT INDEPENDANTS, L'INTERET GLOBAL S'ETABLIT EN PRENANT POUR BASE DE CALCUL LE CAPITAL DE 350000 FRANCS, MENTIONNE DANS L'ACTE AUTHENTIQUE, ET NON PAS LA SOMME DE 270576,19 FRANCS, MISE A LA DISPOSITION DES EMPRUNTEURS, APRES DEDUCTION DES RETENUES PREVUES DANS L'ACTE SOUS SEING PRIVE ;
QU'ELLE AJOUTE QUE CES RETENUES N'INFLUENT PAS SUR LE CALCUL DU TAUX EFFECTIF GLOBAL EN L'ABSENCE DE PREUVE D'UNE FRAUDE A LA LOI PAR LE MOYEN DU DEGUISEMENT D'INTERETS SUPPLEMENTAIRES ;
QU'A CET EGARD, L'INSOLVABILITE DES EMPRUNTEURS JUSTIFIAIT LA RETENTION DU MONTANT DES INTERETS DE LA PREMIERE ANNEE ;
QU'ELLE ESTIME ENFIN QUE, LA LOI DU 28 DECEMBRE 1966 NE PREVOYANT AUCUN MODE DE CALCUL DU TAUX DE L'INTERET, LES FRAIS (1,61%) ET HONORAIRES (10%) SE REPARTISSENT SUR LES QUATRE ANNEES DE LA DUREE DU PRET CONFORMEMENT A LA PRATIQUE NOTARIALE, ET NE RENTRENT EN POURCENTAGE QUE POUR UN QUART DANS LE CALCUL DE L'INTERET GLOBAL ;
MAIS ATTENDU QUE CHACUN DE CES MOTIFS REPOSE SUR UNE VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 28 DECEMBRE 1966 ;
QU'EN EFFET, POUR CALCULER LE TAUX EFFECTIF GLOBAL, L'ARTICLE 3, ALINEA 1ER, PRESCRIT DE TENIR COMPTE DES FRAIS, COMMISSIONS ET REMUNERATIONS, MEME INDIRECTS, LESQUELS PEUVENT, DES LORS, RESULTER DE STIPULATIONS QUE LES PARTIES NE CROIENT PAS DEVOIR INSERER DANS L'ACTE DE PRET, DONT L'ARTICLE 8 DE LA LOI IMPOSE LA REDACTION PAR ECRIT, ET NOTAMMENT D'UN ACCORD VERBAL ;
QU'EN OUTRE, LE MEME TEXTE PRECISE QUE CES FRAIS, COMMISSIONS ET REMUNERATIONS "SONT AJOUTES AUX INTERETS", CE QUI IMPLIQUE LEUR INSCRIPTION AU COMPTE DE L'EMPRUNTEUR, EN CAPITAL ET NON EN POURCENTAGE, ET A LA DATE DE LEUR RETENUE OU DE LEUR VERSEMENT ;
QU'ENFIN, L'ARTICLE 1ER, ALINEA 3, DE LA LOI DU 28 DECEMBRE 1966 DETERMINE OBJECTIVEMENT LE CARACTERE USURAIRE D'UN PRET, SANS SE REFERER A LA NOTION SUBJECTIVE DE FRAUDE A LA LOI ;
QU'EN PARTICULIER, MEME SI ELLE EST LICITE, LA RETENUE DU MONTANT DES INTERETS A ECHOIR AU COURS DE LA PREMIERE ANNEE DU PRET REDUIT LE MONTANT DU CAPITAL MIS A LA DISPOSITION DE L'EMPRUNTEUR PENDANT CETTE PERIODE ET ENTRAINE UNE AUGMENTATION DU TAUX CONTRACTUELLEMENT PREVU ;
ATTENDU, AU SURPLUS, QUE L'ARRET ATTAQUE CONSTATE QUE LE MONTANT DES INTERETS, AU TAUX DE 11% PAR AN, EST PAYABLE TRIMESTRIELLEMENT ;
QUE, NEANMOINS, LA COUR D'APPEL NE TIRE AUCUNE CONSEQUENCE DE CETTE MODALITE DE REGLEMENT, POUR RECHERCHER LE TAUX EFFECTIF GLOBAL DE L'INTERET ;
D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS SONT FONDES ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE BOURGES EN DATE DU 17 JANVIER 1974, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE PARIS
