| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 juin 1972, 71-90543

CASSATION PARTIELLE SUR LE POURVOI DE X... (MAURICE), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE RENNES DU 3 NOVEMBRE 1970, QUI L'A CONDAMNE, POUR COMPLICITE DE BANQUEROUTE SIMPLE, A QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, ET MISE A L'EPREUVE PENDANT TROIS ANS. LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT ;

SUR LES DEUX PREMIERS MOYENS DE CASSATION JOINTS, ET PRIS : LE PREMIER, DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 59, 60 ET 402 DU CODE PENAL, 128, 6 DE LA LOI DU 13 JUILLET 1967, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE QUI CONFIRME PAR ADOPTION DE MOTIFS NON CONTRAIRES UN JUGEMENT RENDU "PAR APPLICATION DES ARTICLES 614-6 DU CODE DE COMMERCE EN VIGUEUR AU MOMENT DES FAITS ET REPRIS PAR LA LOI DU 13 JUILLET 1967" RETIENT AINSI COMME CONSTITUANT UN CAS DE BANQUEROUTE OBLIGATOIRE UN PAYEMENT PREFERENTIEL AU PREJUDICE DE LA MASSE APRES CESSATION DES PAYEMENTS QUI, AUX TERMES DE LA LOI DU 13 JUILLET 1967 CONSTITUE AU CONTRAIRE UN CAS DE BANQUEROUTE FACULTATIF ;

"ALORS QUE LA LOI DU 13 JUILLET 1967, PLUS FAVORABLE AU PREVENU, ETAIT DE CE FAIT APPLICABLE AUX FAITS COMMIS AVANT SA PROMULGATION ;

"ALORS PAR AILLEURS QUE LE JUGEMENT DU FOND FAIT ETAT DE CIRCONSTANCES DE NATURE A FAIRE ECARTER LA CULPABILITE DU DEMANDEUR QUI AGISSANT COMME CREANCIER, A PU NE PAS SE RENDRE COMPTE DU PREJUDICE CAUSE A LA MASSE, ALORS QU'IL ETAIT, SINON LE SEUL, DU MOINS LE PRINCIPAL CREANCIER DE Y..., ET QUI, PAR AILLEURS, A PU NE PAS DISCERNER LA DIFFERENCE ENTRE LA REPRISE, CONSIDEREE COMME LICITE, DES CINQUANTE APPAREILS ENGAGES AU PROFIT DU CREDIT AUTOMOBILE QUI A ETE INDEMNISE PAR LA SOCIETE BUSSOZ ET LA REPRISE DANS DES CONDITIONS PARAISSANT IDENTIQUES, MAIS QUI EST CONSIDEREE COMME IRREGULIERE, DES CINQUANTE-QUATRE APPAREILS NON ENGAGES AU PROFIT DE LA SOCIETE SEMETE QUI AVAIT AVANCE LE PRIX D'ACHAT ;

"ET ALORS QU'IL RESULTE DE CES CONSTATATIONS QUE LES JUGES DU FOND SE SONT FAUSSEMENT CONSIDERES COMME LIES PAR LA CONSTATATION DU FAIT MATERIEL ET ONT CRU NE PAS POUVOIR USER DU LARGE POUVOIR D'APPRECIATION QUI, PAR APPLICATION DU TEXTE NOUVEAU, LEUR PERMETTAIT DE RELAXER LE DEMANDEUR QUI N'AVAIT D'AILLEURS PAS PARTICIPE AUX AUTRES FAITS DONT Y... ETAIT PREVENU" ;

LE DEUXIEME, DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 59, 60, 402 DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RETENU LE DEMANDEUR COMME COMPLICE D'UN PAYEMENT PREFERENTIEL AU PREJUDICE DE LA MASSE COMMIS PAR Y... ALORS EN ETAT DE CESSATION DES PAYEMENTS, SANS CARACTERISER A L'EGARD DU PRETENDU COMPLICE, LA CONNAISSANCE DU PREJUDICE CAUSE A LA MASSE QUI EST L'ELEMENT ESSENTIEL DE L'INFRACTION PRINCIPALE ;

"ALORS QUE SI LE JUGE DU FOND CONSTATE QUE LE DEMANDEUR A PU SAVOIR QUE Y... AVAIT CESSE SES PAYEMENTS, IL SPECIFIE QUE "LES ETABLISSEMENTS BUSSOZ ONT PU LEGITIMEMENT SE MEPRENDRE SUR L'IMPORTANCE DU PREJUDICE ALORS QU'ILS ETAIENT SINON LES SEULS, DU MOINS LES PRINCIPAUX CREANCIERS DE Y...", CE QUI IMPLIQUE QUE LE DEMANDEUR IGNORAIT QUE CE DERNIER AVAIT PAR AILLEURS UN PASSIF DE 150.000 FRANCS ET QU'EN CROYANT TRAITER AVEC LUI COMME PRINCIPAL SINON UNIQUE CREANCIER, IL N'A PAS EU CONSCIENCE DE PORTER A LA MASSE UN PREJUDICE NOTABLE" ;

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE Y..., QUI EXERCAIT LE COMMERCE DE JEUX AUTOMATIQUES, AVAIT ACHETE A CREDIT AUX ETABLISSEMENTS BUSSOZ, SOCIETE ANONYME DONT X... ETAIT DIRECTEUR COMMERCIAL, 100 APPAREILS DE JEUX ELECTRO-MECANIQUES, D'UNE VALEUR DE 320.000 FRANCS ;

QUE Y... S'EST TROUVE EN ETAT DE CESSATION DE PAYEMENTS EN DECEMBRE 1965, A LA SUITE DE NOMBREUX PROTETS DRESSES CONTRE LUI PAR LES FOURNISSEURS ;

QUE X... CONVINT AVEC Y... DE REGLER LA CREANCE DES ETABLISSEMENTS BUSSOZ, D'UN MONTANT DE 268.807 FRANCS, EN REPRENANT LE MATERIEL PAR EUX VENDU ENCORE EN LA POSSESSION DE Y... ;

ATTENDU QUE L'ARRET ENONCE QUE SI 50 APPAREILS, NANTIS AU PROFIT DU COMPTOIR DE CREDIT AUTOMOBILE, ONT ETE REPRIS PAR LA SOCIETE BUSSOZ, QUI LE DESINTERESSA ET FUT REGULIEREMENT SUBROGEE DANS SES DROITS, CELLE-CI REPRIT EGALEMENT 50 AUTRES APPAREILS A ELLE ACHETES PAR Y..., SUR LESQUELS, AUX DIRES MEMES DU PREVENU, ELLE N'AVAIT AUCUN DROIT ;

ATTENDU QUE POUR DECLARER X... COUPABLE DE COMPLICITE PAR AIDE ET ASSISTANCE DU DELIT DE BANQUEROUTE SIMPLE COMMIS PAR Y..., EN PAYANT UN CREANCIER AU PREJUDICE DE LA MASSE APRES CESSATION DES PAYEMENTS, LES JUGES DU FOND RELEVENT QUE LE DEMANDEUR, SUR LES CONSEILS DUQUEL Y... AVAIT INSTALLE SON COMMERCE, N'IGNORAIT, NI L'ETAT DE CESSATION DE PAYEMENT, NI LA SITUATION DU MATERIEL VENDU, NI LA FAILLITE PRONONCEE PAR LE TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTES, DONT LE PASSIF S'ELEVAIT A 129.097 FRANCS EN REGARD D'UN ACTIF NUL, ET "QUE LE PREJUDICE CAUSE A LA MASSE PAR LES AGISSEMENTS DE Y... ET DE X... ETAIT DONC ETABLI" ;

ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS, LES JUGES DU FOND QUI ONT RETENU CES FAITS, ONT USE DU POUVOIR D'APPRECIATION QUE LEUR ATTRIBUE LA LOI EN RAISON DU CARACTERE FACULTATIF NOUVEAU DE CE CAS DE BANQUEROUTE ;

QU'EN AYANT AINSI RELEVE A LA CHARGE DE X..., L'ENSEMBLE DES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU DELIT DE COMPLICITE DE BANQUEROUTE SIMPLE, ET NOTAMMENT LA MAUVAISE FOI, LA COUR D'APPEL A JUSTIFIE SA DECISION ;

QUE, DES LORS, LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES ;

SUR LE

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

"ALORS EN PREMIER LIEU QU'IL CONSTATE QUE LE PAYEMENT PREFERENTIEL A ETE ACCEPTE PAR LES ETABLISSEMENTS BUSSOZ ET LEUR A BENEFICIE EXCLUSIVEMENT, D'OU IL SUIT D'UNE PART QUE LE DEMANDEUR DONT IL EST CONSTATE QU'IL EST LE DIRECTEUR, C'EST-A-DIRE EMPLOYE AU SERVICE DES ETABLISSEMENTS BUSSOZ, N'A TIRE PERSONNELLEMENT AUCUN PROFIT DU FAIT INCRIMINE, ET QUE PAR AILLEURS, IL EST SANS POUVOIR POUR IMPOSER A SON EMPLOYEUR UNE RESTITUTION QUELCONQUE ;

"ALORS D'AUTRE PART QUE LE SURSIS AVEC MISE A L'EPREUVE EST UN MODE D'EXECUTION DE LA CONDAMNATION PENALE QUI EST ET DOIT DEMEURER SANS LIEN AVEC LES REPARATIONS CIVILES, DU MOINS DANS LE CAS OU, COMME EN L'ESPECE, AUCUNE PARTIE CIVILE REGULIEREMENT CONSTITUEE, N'A DEMANDE REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR L'INFRACTION ET OU, EN CONSEQUENCE, LE JUGE REPRESSIF N'A PAS CONSTATE L'EXISTENCE D'UN TEL DOMMAGE ET N'EN A PAS FIXE LE QUANTUM, ET QU'EN L'ESPECE, AUCUNE PARTIE CIVILE N'AYANT DEMANDE LA FIXATION DE RESTITUTIONS OU DOMMAGES-INTERETS, LE JUGE DU FOND NE POUVAIT SANS COMMETTRE UN EXCES DE POUVOIR, IMPOSER AU CONDAMNE L'OBLIGATION DE REPARER UN DOMMAGE DONT LE QUANTUM N'EST PAS DETERMINE ET NE POUVAIT, PAR AILLEURS, SANS SE CONTREDIRE, CONSTATER QUE LE FAIT AVAIT ETE COMMIS PAR LES ETABLISSEMENTS BUSSOZ, SOCIETE ANONYME, ET IMPOSER AU SEUL EMPLOYE DESDITS ETABLISSEMENTS, L'OBLIGATION PERSONNELLE DE REPARER LE DOMMAGE" ;

VU LESDITS ARTICLES, ENSEMBLE LES ARTICLES R. 51 ET R. 58 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

ATTENDU QU'AUX TERMES DES ARTICLES R.51 ET R.58 (5°) DU CODE DE PROCEDURE PENALE, L'ARRET PLACANT LE CONDAMNE SOUS LE REGIME DE LA MISE A L'EPREUVE, PEUT LUI IMPOSER SPECIALEMENT L'OBLIGATION DE REPARER LES DOMMAGES CAUSES PAR L'INFRACTION ;

QUE LA DISPOSITION DE L'ARTICLE 58 (5°) S'ENTEND, LORSQU'IL S'AGIT DE DOMMAGES PECUNIAIRES, DE CEUX QUI ONT ETE EVALUES PAR UNE CONDAMNATION CIVILE PREALABLE ;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A FAIT BENEFICIER LE PREVENU DU SURSIS A LA PEINE DE QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT, MAIS QU'IL A PRONONCE LA MISE A L'EPREUVE PENDANT TROIS ANS ;

QU'IL LUI A, EN OUTRE, IMPOSE "L'OBLIGATION PARTICULIERE DE FAIRE RAPPORT A LA MASSE DES CREANCIERS DE LA FAILLITE Y..., DES SOMMES DONT CELLE-CI A ETE FRUSTREE, DU FAIT DU PAYEMENT PREFERENTIEL DONT X... A BENEFICIE" ;

QUE, CEPENDANT, AUCUNE ACTION CIVILE N'AVAIT ETE FORMEE DE CE CHEF CONTRE LE PREVENU, ET AUCUNE CONDAMNATION PRONONCEE ;

QUE, DES LORS, LA COUR D'APPEL A FAUSSEMENT APPLIQUE, ET, EN CONSEQUENCE, VIOLE LES TEXTES VISES AU MOYEN ;

D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, PAR VOIE DE RETRANCHEMENT ET SANS RENVOI, L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE RENNES DU 3 NOVEMBRE 1970, DANS CELLES DE SES DISPOSITIONS QUI ONT IMPOSE A X... L'OBLIGATION SPECIALE PREVUE PAR LES ARTICLES R. 51 ET R. 58 (5°) DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DE REPARER LES DOMMAGES CAUSES PAR L'INFRACTION ;

TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES.