| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 février 1972, 71-90574

REJET ET AMNISTIE SUR LE POURVOI FORME PAR X... (SUZANNE), FEMME Y... CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 1ER FEVRIER 1971 QUI L'A CONDAMNEE POUR COMPLICITE DE TENUE IRREGULIERE DE COMPTABILITE A SIX MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS. LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT ;

SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

QUE LE 10 JUIN 1963 A ETE PRONONCE D'OFFICE LE REGLEMENT JUDICIAIRE DE LA DAME Y... ;

"ALORS QUE L'INDEPENDANCE DES JUGES REPRESSIFS EST TOTALE VIS-A-VIS DES DECISIONS RENDUES PAR LE JUGE CONSULAIRE QUANT A L'ETAT DE CESSATION DES PAYEMENTS ET QU'IL LEUR INCOMBE, EN CONSEQUENCE, DE CONSTATER EUX-MEMES L'EXISTENCE DE CET ELEMENT CONSTITUTIF DU DELIT DE BANQUEROUTE, EN SE BASANT SUR L'ENSEMBLE DES CIRCONSTANCES DE LA CAUSE ;

"ALORS QUE L'ARRET ATTAQUE SE BORNE A SE REFERER AUX DECISIONS DE LA JURIDICTION CONSULAIRE, SANS DEDUIRE AUCUN MOTIF PROPRE CONCERNANT L'ETAT DE CESSATION DES PAYEMENTS DES ETABLISSEMENTS Y... OU DE LA SOCIETE Y... ET CIE, SI CE N'EST, EN CE QUI CONCERNE CETTE SOCIETE, L'INCIDENTE "COMME IL SE DEVAIT", QUI NE SAURAIT SUFFIRE A FONDER UNE DECISION DE JUSTICE" ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ET DE CELLES DU JUGEMENT DONT IL A ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES QUE LA SOCIETE Y... ET CIE A ETE DECLAREE EN ETAT DE REGLEMENT JUDICIAIRE PAR UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE LA SEINE DU 28 JANVIER 1963 QUI A FIXE AU 11 OCTOBRE 1962 LA DATE DE CESSATION DES PAYEMENTS ;

ATTENDU QUE S'IL EST VRAI QU'IL APPARTIENT AU JUGE CORRECTIONNEL DE CONSTATER SOUVERAINEMENT L'ETAT DE CESSATION DES PAYEMENTS SANS ETRE LIE PAR LA DECISION DU TRIBUNAL DE COMMERCE, RIEN NE LUI INTERDIT, CEPENDANT, DE SE REFERER SUR CE POINT, AUX CONSTATATIONS DE CETTE JURIDICTION ;

QUE D'AILLEURS, EN L'ESPECE, LES JUGES DU FOND N'ONT PAS MANQUE DE RECHERCHER PAR EUX-MEMES, DANS L'ENSEMBLE DES FAITS ET CIRCONSTANCES DE LA CAUSE, LES ELEMENTS PROPRES A CORROBORER LA DATE DE CESSATION DE PAYEMENTS RETENUE PAR LA JURIDICTION CONSULAIRE ET QU'ILS ONT, EN PARTICULIER, RELEVE AVEC PRECISION LES CONDITIONS LOURDEMENT DEFICITAIRES DANS LESQUELLES LES ENTREPRISES DES EPOUX Y... ETAIENT EXPLOITEES DEPUIS PLUSIEURS ANNEES ET, NOTAMMENT DEPUIS 1962 ;

QU'AINSI LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :

"ALORS, SUR LE DELIT PRINCIPAL, QUE, S'AGISSANT D'UNE EXPLOITATION DE COMMERCE PERSONNELLE, SEUL LE COMMERCANT EN ETAT DE CESSATION DE PAYEMENTS PEUT ETRE DECLARE COUPABLE DE BANQUEROUTE, A CONDITION QU'IL Y AIT EU COEXISTENCE DE LA QUALITE DE COMMERCANT ET DE L'ETAT DE CESSATION DES PAYEMENTS, QU'IL A ETE CONSTATE QUE TEL N'ETAIT PAS LE CAS EN L'ESPECE ;

"ALORS QUE LE FAIT QU'APRES L'ABSORPTION DU FONDS DE COMMERCE PERSONNEL PAR UNE SOCIETE DE CAPITAUX, CELLE-CI AIT CESSE SES PAYEMENTS N'AUTORISE PAS A RETENIR LA RESPONSABILITE DE SON GERANT ES QUALITES POUR LES FAITS COMMIS PENDANT LA PERIODE D'EXPLOITATION PERSONNELLE, MEME S'IL AVAIT EN FAIT COLLABORE A CETTE EXPLOITATION A TITRE PERSONNEL, QUE LA TRANSMISSION DES LIVRES DE COMMERCE DU FONDS PERSONNEL A LA SOCIETE EST INOPERANTE ;

"ALORS, SUR LA COMPLICITE, QUE L'ARRET ATTAQUE A RELEVE A LA CHARGE DE DAME Y..., EXERCANT LE COMMERCE EN SON NOM PROPRE ET AYANT OMIS DE SATISFAIRE AUX OBLIGATIONS QUI LUI ETAIENT PERSONNELLEMENT IMPOSEES, UNE PARTICIPATION A L'INFRACTION PRINCIPALE QUI EN FAIT UN AUTEUR OU UN COAUTEUR - DANS CE CAS PARTICULIER NON PUNISSABLE PAR SUITE DU DEFAUT D'UN DES ELEMENTS DE L'INFRACTION - MAIS NON UNE COMPLICE, LES DEUX QUALITES ETANT CONTRADICTOIRES ET NE POUVANT ETRE ARBITRAIREMENT SUBSTITUEES L'UNE A L'AUTRE" ;

ATTENDU QUE, POUR DECLARER Y... COUPABLE DE TENUE IRREGULIERE DE LA COMPTABILITE DE LA SOCIETE Y... ET CIE DONT IL A ETE SUCCESSIVEMENT LE GERANT, LE PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL, PUIS A NOUVEAU LE GERANT, L'ARRET ATTAQUE ENONCE QUE LE 1ER OCTOBRE 1962, LADITE SOCIETE A ABSORBE LE FONDS DE COMMERCE PERSONNEL EXPLOITE JUSQU'ALORS PAR LUI-MEME ET PAR SA FEMME X... SUZANNE, A L'ENSEIGNE "ETABLISSEMENTS Y..." ;

QU'A PARTIR DE CETTE DATE, LA COMPTABILITE DE CETTE DERNIERE ENTREPRISE EST DONC DEVENUE POUR PARTIE CELLE DE LA SOCIETE Y... ET CIE ;

QUE CES DEUX COMPTABILITES, QUE CE SOIT AVANT OU APRES LA FUSION, ONT ETE IRREGULIEREMENT TENUES ET QU'ELLES SONT DENUEES DE TOUTE VALEUR PROBANTE ;

QUE LA RESPONSABILITE EN INCOMBE A Y..., MANDATAIRE SOCIAL, A TITRE D'AUTEUR PRINCIPAL, MAIS AUSSI A SA FEMME QUI, AYANT, EN PLEINE CONNAISSANCE DE CAUSE, CONTRIBUE AVEC LUI AUX IRREGULARITES COMMISES DANS LA COMPTABILITE DES ETABLISSEMENTS Y..., S'EST RENDUE COMPLICE DE CE DELIT ;

QUE LA MAUVAISE FOI DES PREVENUS EST ETABLIE PAR LE FAIT QU'ILS SAVAIENT QUE LEURS COMPTABILITES ETAIENT DE NATURE A CAUSER DE GRAVES PREJUDICES AUX CREANCIERS ;

ATTENDU QUE, PAR CES ENONCIATIONS QUI RELEVENT A LA CHARGE DES PREVENUS ET NOTAMMENT DE LA DEMANDERESSE LA REUNION DE TOUS LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES DELITS DE TENUE IRREGULIERE DE COMPTABILITE PAR MANDATAIRE SOCIAL ET DE COMPLICITE PAR AIDE ET ASSISTANCE DE CE DELIT, LA COUR D'APPEL A JUSTIFIE SA DECISION ;

QU'IL N'IMPORTE, EN EFFET, QUE LES IRREGULARITES DE LA COMPTABILITE DES ETABLISSEMENTS Y... AIENT ETE COMMISES ANTERIEUREMENT A LA CESSATION DES PAYEMENTS DE LA SOCIETE Y... ET CIE, DES LORS, QUE, REPRISES PAR LA COMPTABILITE DE CETTE SOCIETE ET INCORPOREES EN ELLE, DU FAIT DE LA FUSION DES DEUX ENTREPRISES, CES IRREGULARITES ONT CONTRIBUE, AVEC CELLES QUI ONT ETE COMMISES AU SEIN DE LA SOCIETE, A PRIVER L'ENSEMBLE DES COMPTES DE TOUTE VALEUR PROBANTE ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE ;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;

REJETTE LE POURVOI ;

ET ATTENDU QUE PAR L'EFFET DU PRESENT ARRET LA CONDAMNATION PENALE PRONONCEE CONTRE X... SUZANNE, FEMME Y..., EST DEVENUE DEFINITIVE ;

QUE LES FAITS ONT ETE COMMIS AVANT LE 20 JUIN 1969 ET QUE LA CONDAMNATION ENTRE DANS LES PREVISIONS DE L'ARTICLE 8 DE LA LOI DU 30 JUIN 1969 ;

DECLARE L'INFRACTION AMNISTIEE.