REJET, AMNISTIE ET CASSATION SUR LES POURVOIS DE : 1° X... (ANDRE);
2° Y... (SIMONE), EPOUSE X...;
3° Z... (ANGELE), VEUVE A..., PARTIE CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 25 JANVIER 1968 QUI A CONDAMNE LES DEUX PREMIERS DEMANDEURS POUR ABUS DE BLANC-SEING ET EN OUTRE LA FEMME X... POUR RECEL, RESPECTIVEMENT A QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET 1000 FRANCS D'AMENDE ET UN MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET 500 FRANCS D'AMENDE, ET QUI A DEBOUTE LA PARTIE CIVILE DANS DES POURSUITES CONTRE LES EPOUX B... DES CHEFS D'ESCROQUERIE ET COMPLICITE;
LA COUR, VU LA CONNEXITE JOINT LES POURVOIS;
VU LES MEMOIRES PRODUITS TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE;
SUR LES POURVOIS DE X... ET DE Y... FEMME X...;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 405 DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT ET INSUFFISANCE DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A CONDAMNE LES EPOUX X... POUR ABUS DE BLANC-SEING ET COMPLICITE;
MOTIF PRIS DE CE QUE X..., GERANT DE LA SOCIETE DE SERAINCOURT, AURAIT, AVEC L'AIDE DE SON EPOUSE, UTILISE LES CESSIONS DE PARTS DE CETTE SOCIETE, SIGNEES EN BLANC PAR LE SIEUR B..., ET LES AURAIT VENDUES A SA FEMME ET A UN DE SES FRERES;
ALORS QUE PUISQUE L'ABUS DE BLANC-SEING N'EST CARACTERISE QUE SI LE PREVENU A INSERE DANS UN ACTE, TOUT OU PARTIE EN BLANC, DES CLAUSES QUI N'Y FIGURAIENT PAS, EN METTANT A LA CHARGE DU SIGNATAIRE DES OBLIGATIONS QUE CE DERNIER N'AVAIT PAS EU L'INTENTION DE CONTRACTER, LE FAIT DE DESIGNER, DANS LES ACTES EN CAUSE QUI CONTENAIENT ENGAGEMENT DE LA PART DES EPOUX B... DE CEDER LEURS PARTS SOCIALES, UN CESSIONNAIRE ET DE MENTIONNER LA DATE DE LA CESSION, N'AGGRAVAIT PAS LEURS OBLIGATIONS ET NE LEUR CAUSAIT PAS UN PREJUDICE, QU'ILS N'ONT D'AILLEURS JAMAIS INVOQUES;
ET ALORS QUE L'INTENTION FRAUDULEUSE DES EPOUX X..., C'EST-A-DIRE LEUR INTENTION DE NUIRE VOLONTAIREMENT AUX CONSORTS B..., N'EST PAS CONSTATEE PAR L'ARRET ATTAQUE ET NE RESULTE PAS DE SES ENONCIATIONS DE FAIT;
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DU JUGEMENT DONT L'ARRET ATTAQUE ADOPTE LES MOTIFS QUE LES EPOUX X... ET LES EPOUX B... ONT, EN 1963, CONSTITUE UNE SOCIETE DITE SOCIETE AGRICOLE ET IMMOBILIERE DE SERAINCOURT, DONT LES PARTS ONT ETE REPARTIES ENTRE EUX, X... ETANT NOMME GERANT DE LA SOCIETE;
QU'EN GARANTIE D'UN PRET DE 800000 FRANCS CONSENTI A LADITE SOCIETE PAR C..., LA TOTALITE DES PARTS SOCIALES A ETE DEPOSEE LE 17 JUIN 1963, EN MEME TEMPS QUE NEUF ACTES DE CESSION DES DITES PARTS SIGNES EN BLANC PAR LEURS PROPRIETAIRES RESPECTIFS A LA BANQUE BORGEAUD QUI EN A ETE CONSTITUEE SEQUESTRE JUSQU'AU REMBOURSEMENT DU PRET, INTERVENU LE 17 JUIN 1964;
QUE X... AUQUEL LES CESSIONS SIGNEES EN BLANC PAR LES EPOUX B... AVAIENT ETE CONFIEES, A ALORS ATTRIBUE 225 DE CES PARTS A SON EPOUSE ET 25 A SON FRERE MARCEL, A L'INSU DES EPOUX B... ET EN UTILISANT A CET EFFET CES ACTES SIGNES EN BLANC SUR LESQUELS IL A MENTIONNE LES NOMS DES CESSIONNAIRES ET LA DATE DE CETTE CESSION;
ATTENDU QUE POUR DECLARER X... COUPABLE D'ABUS DE BLANC-SEING ET SA FEMME DE COMPLICITE DE CE DELIT, L'ARRET ATTAQUE ENONCE QUE CES CESSIONS AVAIENT ETE ETABLIES PAR LES EPOUX B..., EXCLUSIVEMENT EN VUE DE LA GARANTIE DU PRET CONSENTI PAR C..., QU'ELLES NE POUVAIENT ETRE UTILISEES A D'AUTRES FINS ET NOTAMMENT AU PROFIT DES TIERS SANS L'ACCORD DES PROPRIETAIRES;
QUE CETTE OPERATION, REALISEE POUR UN PRIX FICTIF, QUI N'A JAMAIS ETE VERSE AUX EPOUX B..., N'A EU POUR BUT QUE DE DEPOSSEDER CEUX-CI DE LEURS PARTS;
QUE X... EN INSCRIVANT FRAUDULEUSEMENT SUR LES ACTES EN BLANC LES NOMS DES CESSIONNAIRES A, DE CE FAIT, COMPROMIS LES BIENS DES EPOUX B...;
QUE D'AUTRE PART, Y... SIMONE, FEMME X..., MEMBRE DE LA SOCIETE ET PROPRIETAIRE DE PARTS, N'IGNORAIT PAS QUE CES CESSIONS DE PARTS EN BLANC ETAIENT AFFECTEES UNIQUEMENT A LA GARANTIE DU PRET C..., QUE L'UTILISATION DE CES ACTES ETAIT FAITE A L'INSU DES EPOUX B... ET QUE CEUX-CI NE DEVAIENT RECEVOIR AUCUN VERSEMENT EFFECTIF;
QU'ELLE A AINSI PARTICIPE A LA REALISATION DE L'OPERATION EN ACCEPTANT QUE SON NOM SOIT PORTE EN QUALITE DE CESSIONNAIRE ET CE, AFIN D'EMPECHER LES EPOUX B... DE VENDRE EUX-MEMES LEURS PARTS;
QU'ENFIN POUR DECLARER LA FEMME Y... COUPABLE DE RECEL, L'ARRET ENONCE QU'ELLE CONNAISSAIT LA PROVENANCE FRAUDULEUSE DES PARTS AINSI RECUES;
ATTENDU QUE CES CONSTATATIONS DE L'ARRET REUNISSENT A L'ENCONTRE DES DEMANDEURS TOUS LES ELEMENTS DES INFRACTIONS RELEVEES PAR LA PREVENTION, NOTAMMENT LE PREJUDICE ET L'INTENTION FRAUDULEUSE;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE;
SUR LE POURVOI DE Z... VEUVE A...;
SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 405 DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A ACQUITTE LES PREVENUS DES CHEFS D'ESCROQUERIE ET COMPLICITE;AU MOTIF QU'IL Y AVAIT EU SIMPLE MENSONGE ET NON MANOEUVRE FRAUDULEUSE;
ALORS D'UNE PART QUE L'ARRET SE CONTREDIT EN NIANT QUE LA PREUVE SOIT ETABLIE DE L'INTERVENTION D'UN TIERS, APRES AVOIR CONSTATE LUI-MEME QUE CE TIERS, POURSUIVI COMME COMPLICE, AVAIT AVALISE LES BILLETS A ORDRE DONT LA SOUSCRIPTION CONSTITUAIT UN DES ELEMENTS DE L'OPERATION;
ALORS, D'AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE L'ARRET CONSTATE L'EXISTENCE DE DEUX FAITS MATERIELS ET EXTERIEURS, SAVOIR TROIS CESSIONS DE PARTS SOCIALES FRAPPEES D'UNE INDISPONIBILITE DISSIMULEE ET LA SOUSCRIPTION D'UN ENSEMBLE DE BILLLETS A ORDRE AVALISES PAR UN AUTRE PORTEUR DE PARTS DE LA MEME SOCIETE, ET QUE CES FAITS, ENSEMBLE OU MEME SEPAREMENT, CONSTITUAIENT UNE MANOEUVRE FRAUDULEUSE AU SENS DE L'ARTICLE 405;
VU LESDITS ARTICLES;
ATTENDU QUE S'IL APPARTIENT AUX TRIBUNAUX D'APPRECIER LES CIRCONSTANCES QUI PEUVENT DEPOUILLER LES FAITS DE LEUR CARACTERE DELICTUEUX, LEURS APPRECIATIONS A CETT EGARD NE SONT SOUVERAINES QU'AUTANT QU'ELLES NE SONT PAS EN CONTRADICTION AVEC LES FAITS CONSTATES ET AVEC LE CARACTERE LEGAL QUI APPARTIENT A CES FAITS;
ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARRET ATTAQUE QUE B... S'EST FAIT CONSENTIR PAR LA DAME A... DES PRETS D'UN MONTANT TOTAL DE 141000 FRANCS QUI ONT DONNE LIEU A LA SIGNATURE DE TROIS CONVENTIONS EN DATE DES 15 SEPTEMBRE 1963, 30 AVRIL 1964 ET 11 JUIN 1964, AUX TERMES DESQUELLES B... DECLARANT AVOIR POUVOIR DE CEDER DES PARTS DE LA SOCIETE AGRICOLE ET IMMOBILIERE DE SERAINCOURT AVEC LE CONSENTEMENT DU GERANT, A CEDE, A LA DAME A..., TRENTE-TROIS PARTS DE CETTE SOCIETE, S'OBLIGEANT A LES RACHETER DANS DES DELAIS CONVENUS A UN PRIX SUPERIEUR, OPERATION QUE LA COUR D'APPEL A CONSIDERE COMME CONSTITUANT UNE GARANTIE DU PRET CONSENTI;
QUE B... A SOUSCRIT AUX DATES OU LES CONVENTIONS CI-DESSUS ONT ETE PASSEES UN CERTAIN NOMBRE DE BILLETS A ORDRE QUI ONT ETE AVALISES PAR LA FEMME D... SON EPOUSE, LAQUELLE ETAIT EGALEMENT PORTEUR DE PARTS DE LA SOCIETE;
QU'AUX TERMES DE L'ARRET, B... ETAIT BIEN PROPRIETAIRE DES PARTS AINSI CEDEES, BIEN QUE X..., GERANT DE LA SOCIETE, LES EUT FRAUDULEUSEMENT, ET A L'INSU DE B..., VENDUES A DES TIERS, MAIS QU'AU MOMENT OU LES ACCORDS SUSVISES ONT ETE PASSES ENTRE B... ET LA DAME A... CES PARTS ETAIENT INDISPONIBLES;
QU'ELLES AVAIENT EN EFFET ETE DEPOSEES A LA BANQUE BORGEAUD EN GARANTIE D'UN AUTRE PRET CONSENTI A LA SOCIETE PAR C... QUI N'A ETE REMBOURSE QUE LE 17 JUIN 1964;
ATTENDU QUE POUR RELAXER B... DU CHEF D'ESCROQUERIE ET LA FEMME D... DU CHEF DE COMPLICITE, EN DEBOUTANT LA PARTIE CIVILE, L'ARRET ENONCE QUE SI B... A CACHE A SA CO-CONTRACTANTE QUE LES PARTS DE LA SOCIETE ETAIENT MOMENTANEMENT INDISPONIBLES, CE MENSONGE N'A ETE ACCOMPAGNE OU SUIVI D'AUCUN ACTE MATERIEL OU EXTERIEUR DESTINE A LUI DONNER FORCE ET CREDIT;
QUE LA FEMME D... QUI A DONNE SON AVAL NE PEUT ETRE CONSIDEREE COMME TIERS INTERVENANT, LA PREUVE N'ETANT PAS RAPPORTEE QU'ELLE AIT PARTICIPE AUX NEGOCIATIONS ENTRE SON MARI ET LA PARTIE CIVILE;
MAIS ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES MOTIFS, LA COUR D'APPEL N'A PAS JUSTIFIE SA DECISION;
QU'EN EFFET, AINSI QUE LES JUGES LE CONSTATENT AUX DATES OU LES CONVENTIONS ONT ETE SIGNEES ENTRE B... ET LA DAME A... LES PARTS DE LA SOCIETE, AFFECTEES A LA GARANTIE D'UN AUTRE EMPRUNT, N'ETAIENT NI DISPONIBLES NI NEGOCIABLES;
QUE LA REMISE, POUR DETERMINER UN PRET, D'UNE CHOSE DONT L'EMPRUNTEUR NE PEUT VALABLEMENT DISPOSER ET QUI EST A CE MOMENT SANS VALEUR CONSTITUE PAR ELLE-MEME UN ACTE MATERIEL ET EXTERIEUR;
QU'AYANT POUR OBJET, D'AUTRE PART, DE PERSUADER LE PRETEUR DE L'EXISTENCE ENTRE SES MAINS D'UNE GARANTIE NEGOCIABLE ET DE FAIRE NAITRE EN LUI L'ESPERANCE CHIMERIQUE DE LA REALISATION DE CETTE GARANTIE, CE FAIT, S'IL EST ACCOMPLI, COMME EN L'ESPECE, DE MAUVAISE FOI, CONSTITUE UNE MANOEUVRE FRAUDULEUSE AU SENS DE L'ARTICLE 405 DU CODE PENAL;
QU'AINSI LA COUR NE POUVAIT CONSTATER L'INDISPONIBILITE DE LA GARANTIE ET LA MAUVAISE FOI DU PREVENU ET DECLARER L'INFRACTION NON ETABLIE A SON EGARD;
QU'ELLE NE POUVAIT, D'AUTRE PART, SE BORNER, EN CE QUI CONCERNE LA FEMME D..., A ENONCER QU'ELLE N'AVAIT PAS PARTICIPE AUX NEGOCIATIONS, SANS PRECISER LES ELEMENTS QUI DEVAIENT PERMETTRE DE RETENIR SA BONNE FOI, ALORS QUE SA PARTICIPATION AUX ACTES REPROCHES A SON MARI RESULTE DES FAITS EUX-MEMES;
PAR CES MOTIFS ET SANS QU'IL Y AIT LIEU D'EXAMINER LE SECOND MOYEN PROPOSE PAR LA DAME A... : REJETTE LES POURVOIS DE X... ET Y... FEMME X...;
ET ATTENDU QUE PAR L'EFFET DU REJET DESDITS POURVOIS LES CONDAMNATIONS SONT DEVENUES DEFINITIVES;
VU L'ARTICLE 8 B DE LA LOI DU 30 JUIN 1969 AUX TERMES DUQUEL SONT AMNISTIEES LES INFRACTIONS COMMISES COMME EN L'ESPECE AVANT LE 20 JUIN 1969 ET QUI SONT OU SERONT PUNIES DE PEINES EGALES OU INFERIEURES A UN AN AVEC APPLICATION DU SURSIS SIMPLE, ASSORTIES OU NON D'UNE AMENDE;
DECLARE LES INFRACTIONS AMNISTIEES;
CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 25 JANVIER 1968, MAIS DANS SES SEULES DISPOSITIONS PAR LESQUELLES IL A DECLARE IRRECEVABLE L'ACTION DE LA PARTIE CIVILE DAME A..., TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DE L'ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE;
RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'AMIENS.