| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 juin 1967, 67-90455 et suivant

REJET DES POURVOIS FORMES PAR : 1° X... (EUGENE), 2° Y... (SULLY), CONTRE UN ARRET DU 10 JANVIER 1967 DE LA COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE QUI, POUR FRAUDE ELECTORALE ET COMPLICITE DE FRAUDE ELECTORALE, A JOINT LES PROCEDURES SUIVIES CONTRE CHACUN D'EUX, A CONDAMNE X... A QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT, 1000 FRANCS D'AMENDE, DEUX ANS DE PRIVATION DES DROITS DE L'ARTICLE 42 DU CODE PENAL;

SORET A TREIZE MOIS DE PRISON AVEC SURSIS, 1800 FRANCS D'AMENDE, DEUX ANS DE PRIVATION DES DROITS DE L'ARTICLE 42 DU CODE PENAL ET LES A CONDAMNES, TOUS DEUX CONJOINTEMENTS ET SOLIDAIREMENT, A PAYER A LA PARTIE CIVILE Z..., LA SOMME DE UN FRANC A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS LA COUR, VU LA CONNEXITE, JOINT LES POURVOIS;

VU LES MEMOIRES PRODUITS;

SUR LE PREMIER MOYEN PRESENTE PAR ME FORTUNET AU NOM DE X... REUNI AU PREMIER MOYEN PRESENTE PAR ME FORTUNET AU NOM DE Y..., TOUS DEUX PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 400 ET 512 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, VICE DE FORME, DEFAUT DE MOTIF ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, QUI DOIT PORTER EN LUI-MEME LA PREUVE DE SA REGULARITE, NE MENTIONNE PAS QUE LES DEBATS ONT EU LIEU EN AUDIENCE PUBLIQUE;

"ALORS QUE LA PUBLICITE DES AUDIENCES EST UNE REGLE D'ORDRE PUBLIC SANCTIONNEE PAR LA NULLITE";

ATTENDU QUE L'AFFAIRE A ETE APPELEE A L'AUDIENCE DU 3 JANVIER 1967, QUE LES DEBATS ONT EU LIEU CE JOUR-LA ET QUE L'ARRET A ETE RENDU A L'AUDIENCE DU 10 JANVIER 1967;

QUE L'ARRET PORTE EN TETE DU DISPOSITIF LA MENTION : "STATUANT PUBLIQUEMENT, CONTRADICTOIREMENT EN MATIERE CORRECTIONNELLE ET EN DERNIER RESSORT", ET, A LA FIN DU DISPOSITIF : " FAIT, JUGE ET PRONONCE PUBLIQUEMENT";

ATTENDU QUE LE MOT "FAIT" S'APPLIQUE NECESSAIREMENT A TOUS LES ACTES D'INSTRUCTION QUI ONT PRECEDE LE JUGEMENT;

QUE, DES LORS, SE TROUVE SUFFISAMMENT CONSTATEE LA PUBLICITE DE L'AUDIENCE DU 3 JANVIER 1967 AU COURS DE LAQUELLE IL A ETE PROCEDE A L'INSTRUCTION ET AUX DEBATS, SANS D'AILLEURS QU'AUCUNE RECLAMATION NI OBSERVATION AIT ETE FORMULEE DE CE CHEF PAR LES PREVENUS OU PAR LEURS DEFENSEURS;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;

SUR LE SECOND MOYEN PRESENTE PAR ME FORTUNET AU NOM DE X... REPRIS DES PREMIER ET SECOND MOYENS SOULEVES PAR CE DERNIER DANS SON MEMOIRE PERSONNEL ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES L113, L114 DU CODE ELECTORAL ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A ECARTE L'EXCEPTION DE PRESCRIPTION DE SIX MOIS TIREE PAR LE PREVENU DE CE QU'AUCUN ACTE INTERRUPTIF DE LADITE PRESCRIPTION N'ETAIT INTERVENU ENTRE LE 23 MARS 1966, DATE DE L'APPEL DU MINISTERE PUBLIC ET LE 20 DECEMBRE 1966, DATE DE LA CITATION A COMPARAITRE DEVANT LA COUR;

"AUX MOTIFS QUE LA PROCEDURE QUI A CONTINUE, POSTERIEUREMENT AU JUGEMENT, CONTRE SON CO-PREVENU LUI EST OPPOSABLE, ET QUE LA PRESCRIPTION DE SIX MOIS SPECIALE AUX INFRACTIONS ELECTORALES SE TROUVE REMPLACEE PAR LA PRESCRIPTION TRIENNALE DE DROIT COMMUN PAR TOUT ACTE INTERRUPTIF;

"ALORS QUE D'UNE PART LA CONTINUATION DE LA PROCEDURE CONTRE UN TIERS, MAIS A RAISON DES MEMES FAITS, NE POUVAIT ETRE CONSIDEREE COMME INTERROMPANT LA PRESCRIPTION D'UN DELIT QUI, AYANT FAIT L'OBJET D'UN JUGEMENT DE CONDAMNATION, FAISAIT NECESSAIREMENT ECHAPPER DESORMAIS SON AUTEUR DU CADRE DE L'INSTRUCTION POURSUIVIE CONTRE UN AUTRE PREVENU, LA JURIDICTION D'INSTRUCTION SE TROUVANT AINSI DESSAISIE DU CAS DU PREVENU DEJA JUGE;

"ALORS QUE D'AUTRE PART LA SUBSTITUTION DE LA PRESCRIPTION TRIENNALE DE DROIT COMMUN A LA PRESCRIPTION SEMESTRIELLE DU CODE ELECTORAL NE POUVAIT VALABLEMENT INTERVENIR";

JOINT AU PREMIER MOYEN SOULEVE PAR Y... DANS SON MEMOIRE PERSONNEL ET PRIS DE "CE QUE LA MISE EN MOUVEMENT DE L'ACTION PUBLIQUE DECLENCHEE CONTRE Y... EST INTERVENUE PLUS DE 6 MOIS APRES LA PROCLAMATION DES RESULTATS DU SCRUTIN QUALIFIE DE FRAUDULEUX LE SCRUTIN AYANT EU LIEU LE 8 MARS 1964, L'ACTION PUBLIQUE N'A ETE MISE EN MOUVEMENT CONTRE Y... QUE PAR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE Z... (A) EN DATE DU 16 AVRIL 1966 SUIVIE D'UN REQUISITOIRE INTRODUCTIF DE M LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BASSE-TERRE EN DATE DU 18 AVRIL 1966 ET D'UNE INCULPATION DEVANT LE JUGE D'INSTRUCTION EN DATE DU 11 MAI 1966, C'EST A TORT QUE LE JUGE D'APPEL A ESTIME QUE LA PROCEDURE SUIVIE CONTRE LE SIEUR X... CONDAMNE COMME AUTEUR PRINCIPAL A INTERROMPU LA PRESCRIPTION INVOQUEE PAR Y...";

ET EGALEMENT JOINT AU DEUXIEME MOYEN SOULEVE PAR Y... DANS SON MEMOIRE PERSONNEL ET PRIS DE "CE QUE S'AGISSANT DE DEUX PROCEDURES DISTINCTES AU COURS DESQUELLES CHACUN DES DEUX PREVENUS A ETE ENTENDU EN QUALITE DE TEMOIN (Y... DANS LA PROCEDURE SUIVIE CONTRE X... ET X... DANS LA PROCEDURE SUIVIE CONTRE Y...), C'EST A TORT QUE LA COUR D'APPEL A ORDONNE LA JONCTION DES DEUX PROCEDURES A L'APPUI DE CE MOYEN ET SUR LE CARACTERE DISTINCT DES DEUX PROCEDURES, LE DEMANDEUR SE RAPPORTE A CE QUI A ETE DEVELOPPE DEJA LORS DE L'EXPOSE DE SON PREMIER MOYEN";

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE ET DES DEUX JUGEMENTS, DU 11 MARS 1966 CONDAMNANT X..., ET DU 18 NOVEMBRE 1966 CONDAMNANT Y..., TOUS DEUX CONFIRMES PAR LA COUR D'APPEL SUR LE PRINCIPE DE LA CULPABILITE, QUE X... AVAIT ETE PRIMITIVEMENT SEUL INCULPE POUR FRAUDE ELECTORALE COMMISE LE 8 MARS 1964, SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE FORMEE CONTRE X PAR Z... LE 10 MARS 1964 SUIVIE D'UN REQUISITOIRE INTRODUCTIF CONTRE X DU 16 MARS 1964;

QUE CE FUT A LA SUITE DES DEBATS AYANT ABOUTI A LA CONDAMNATION DE X..., ET AU COURS DESQUELS CELUI-CI SOUTINT POUR LA PREMIERE FOIS AVOIR AGI EN PRESENCE, DANS L'INTERET, ET SUR LES INSTRUCTIONS DE Y..., QUE Z..., LE 21 MARS 1966, PORTA PLAINTE CONTRE CE DERNIER EN SE REFERANT A SA PLAINTE PRIMITIVE ET EN FAISANT VALOIR QUE L'INFORMATION QUI AVAIT SUIVI CELLE-CI AVAIT REGULIEREMENT INTERROMPU LA PRESCRIPTION;

QU'ARNAUD Z... SE CONSTITUA PARTIE CIVILE CONTRE Y... LE 15 AVRIL 1966, ET QUE LE 18 AVRIL 1966 LE MINISTERE PUBLIC REQUIT L'OUVERTURE D'UNE INFORMATION CONTRE CE DERNIER;

ATTENDU QU'EN CET ETAT C'EST A BON DROIT QUE LA COUR D'APPEL, SAISIE DE L'APPEL DE X... ET DU MINISTERE PUBLIC CONTRE LE JUGEMENT DU 11 MARS 1966, ET DE L'APPEL DE Y... ET DU MINISTERE PUBLIC CONTRE LE JUGEMENT DU 18 NOVEMBRE 1966, A ORDONNE LA JONCTION DES PROCEDURES ET DIT QUE LA PRESCRIPTION N'ETAIT ACQUISE A AUCUN DES DEUX PREVENUS;

ATTENDU, EN EFFET, QUE L'ARTICLE L114 DU CODE ELECTORAL, REPRIS, EN CE QUI CONCERNE LE DELAI DE PRESCRIPTION, DE L'ANCIEN ARTICLE 131, NE DISPOSE QUE POUR LE CAS OU L'ACTION N'A PAS ETE INTENTEE DANS LE DELAI FIXE PAR LEDIT ARTICLE;

QUE SI ELLE L'A ETE, LA PRESCRIPTION DE L'ACTION AINSI REGULIEREMENT INTENTEE NE PEUT PLUS AVOIR LIEU QUE PAR UNE INTERRUPTION DE POURSUITE PENDANT TROIS ANS, CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DES ARTICLES 7 ET 8 DU CODE DE PROCEDURE PENALE;

QU'IL RESULTE DES ACTES DE POURSUITE CI-DESSUS ENUMERES QUE LA PRESCRIPTION AVAIT ETE INTERROMPUE DANS LE DELAI DE SIX MOIS PREVU PAR L'ARTICLE L 114 A L'EGARD DE TOUS AUTEURS DE LA FRAUDE ELECTORALE COMMISE LE 8 MARS 1964;

QUE L'ENSEMBLE DES FAITS REPROCHES AUX DEUX PREVENUS, L'UN COMME AUTEUR PRINCIPAL, L'AUTRE COMME COMPLICE, FORME UN TOUT INDIVISIBLE;

QUE DES LORS, TOUT ACTE DE POURSUITE OU D'INSTRUCTION EFFECTUE A L'ENCONTRE DE L'UN A INTERROMPU, AU SENS DES ARTICLES 7, ALINEA 2 ET 9 COMBINES DU CODE DE PROCEDURE PENALE, LA PRESCRIPTION A L'EGARD DE L'AUTRE, MEME SI CE DERNIER N'ETAIT PAS IMPLIQUE DANS CET ACTE;

QU'IL EN RESULTE EGALEMENT QUE LA JONCTION DES PROCEDURES A ETE REGULIEREMENT ORDONNEE;

D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :

"ALORS QUE CETTE IRREGULARITE EST ATTENTATOIRE AUX DROITS DE LA DEFENSE";

ATTENDU QUE LA NULLITE ALLEGUEE DE L'ACTE D'INSTRUCTION DONT LE MOYEN PRETEND POUR LA PREMIERE FOIS DEVANT LA COUR DE CASSATION QU'IL AURAIT ETE ACCOMPLI EN VIOLATION DE L'ARTICLE 105 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ENTRERAIT, SI ELLE ETAIT ETABLIE, DANS LA CATEGORIE DES NULLITES QUI, AUX TERMES DES ARTICLES 174 ET 385 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DOIVENT ETRE PRESENTEES A LA JURIDICTION DE JUGEMENT AVANT TOUTE DEFENSE AU FOND;

QU'ELLE NE L'A PAS ETE, ET QUE LE MOYEN EST EN CONSEQUENCE IRRECEVABLE;

SUR LE

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

"NULLE PART, TANT DANS LA PROCEDURE D'INFORMATION QUE DANS LA PROCEDURE DE JUGEMENT ON NE RELEVE LA PREUVE QUE Y... AURAIT DONNE DES INSTRUCTIONS OU AURAIT PROVOQUE LA FRAUDE PERPETREE PAR X...;

L'UNIQUE TEMOIN QUI A PERMIS A LA COUR D'ASSEOIR UNE CONDAMNATION A LA SUITE DE LA PROCEDURE A LAQUELLE Y... DEVAIT REPONDRE, EST LE TEMOIN A... QUI NE FAIT QU'ATTESTER DE LA PRESENCE D'AILLEURS CONTROVERSEE DE Y... DANS LA SALLE AU MOMENT DE LA FRAUDE;

"PAR AILLEURS LE FAIT QUE LA COUR RELEVE DANS LES MOTIFS DE L'ARRET QUE "X... PLUS INTELLIGENT, PLUS CULTIVE ET PLUS JEUNE DOMINAIT Y..." EST EN CONTRADICTION AVEC LA PRETENTION SELON LAQUELLE Y... AURAIT "PROVOQUE OU DONNE DES INSTRUCTIONS A X...";

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE POUR DECLARER Y... COUPABLE D'AVOIR AIDE ET ASSISTE X... DANS LA FRAUDE AYANT CONSISTE A FALSIFIER LES ENONCIATIONS DES PROCES-VERBAUX DE DEPOUILLEMENT DES VOTES RECUS AU DEUXIEME BUREAU DE LA COMMUNE DE BAILLIF, DONT Y... ETAIT MAIRE ET X... SECRETAIRE DE MAIRIE, AINSI QU'A FALSIFIER LES PROCES-VERBAUX DE RECENSEMENT DES VOTES POUR TOUTE LA COMMUNE, FRAUDE AYANT EU POUR BUT DE CHANGER OU TENTER DE CHANGER LE RESULTAT DU SCRUTIN, ENONCE QUE Y... ETAIT PRESENT AU MOMENT OU X... EFFECTUAIT LES GRATTAGES ET RATURES, QU'IL L'A VU LES ACCOMPLIR, QUE C'EST EN CONNAISSANCE DE CAUSE QU'IL A SIGNE LUI-MEME LE PROCES-VERBAL DE RECENSEMENT SUR LEQUEL FIGURAIENT FRAUDULEUSEMENT EN SA FAVEUR 200 VOIX DE PLUS QUE CELLES REELLEMENT OBTENUES AU DEUXIEME BUREAU DE VOTE DONT IL AVAIT VU FALSIFIER LE PROCES-VERBAL, QU'IL A ENVOYE A LA PREFECTURE CES PROCES-VERBAUX FRAUDULEUX, POUR SERVIR A L'ETABLISSEMENT DU PROCES-VERBAL DE RECENSEMENT GENERAL DES VOTES DU CANTON;

ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A AINSI CARACTERISE SANS CONTRADICTION NI INSUFFISANCE LA COMPLICITE DE Y... ET QUE LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE;

ET ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE EST REGULIER EN LA FORME;

REJETTE LES POURVOIS. PRESIDENT : M ZAMBEAUX RAPPORTEUR : M COSTA AVOCAT GENERAL : M BOUCHERON AVOCAT : M FORTUNET