| France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 1965, JURITEXT000006970853

SUR LE PREMIER MOYEN, TIRE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 23 DU LIVRE 1ER DU CODE DU TRAVAIL ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;

ATTENDU QUE LA SOCIETE BIANCHI ET COMPAGNIE REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR ACCORDE A LALOY, DIRECTEUR DE SON AGENCE DE TOURS, QU'ELLE AVAIT CONGEDIE, UNE INDEMNITE POUR RUPTURE ABUSIVE DE SON CONTRAT DE TRAVAIL, AU MOTIF QU'IRRITEE PAR SON APPEL EN JUSTICE, ELLE L'AVAIT BRUTALEMENT ET SANS AUTRE MOTIF CONGEDIE POUR LA FIN DU MOIS SUIVANT, ALORS QUE LE LOUAGE DE SERVICES FAIT SANS DETERMINATION DE DUREE PEUT TOUJOURS CESSER PAR LA VOLONTE D'UNE DES PARTIES CONTRACTANTES ;

QUE LES DOMMAGES-INTERETS AUXQUELS PEUT DONNER LIEU LA RESILIATION ABUSIVE DU CONTRAT, NE SE CONFONDENT PAS AVEC CEUX QUI PEUVENT ETRE ACCORDES POUR INOBSERVATION DU DELAI-CONGE ET QU'IL N'Y AVAIT AUCUNE LEGERETE DE LA PART DE L'EMPLOYEUR A SE SEPARER D'UN SALARIE QUI L'APPELAIT BRUSQUEMENT EN JUSTICE, EN PAYEMENT DE SOMMES EXORBITANTES, SANS AVOIR FORMULE AUPARAVANT LA MOINDRE RECLAMATION NI AVOIR TENTE LA MOINDRE DEMARCHE AMIABLE, ET AVEC LEQUEL TOUTE COLLABORATION DEVENAIT IMPOSSIBLE ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE CONSTATE QUE LALOY, INGENIEUR ELECTRICIEN AU SERVICE DE LA SOCIETE BIANCHI ET COMPAGNIE DEPUIS LE 4 AVRIL 1955 EN QUALITE DE DIRECTEUR DE L'AGENCE QUE CETTE ENTREPRISE POSSEDE A TOURS, A BRUTALEMENT RECU CONGE LE 30 DECEMBRE 1957 UNIQUEMENT PARCE QU'IL AVAIT CITE SON EMPLOYEUR DEVANT LE CONSEIL DES PRUD'HOMMES POUR OBTENIR COMMUNICATION DE SON COMPTE ET PAYEMENT DES SOMMES QU'IL ESTIMAIT LUI ETRE DUES ;

QUE, DES LORS QUE CETTE PRETENTION A ETE JUGEE PARTIELLEMENT BIEN FONDEE, LA COUR D'APPEL A PU EN DEDUIRE QU'EN SE SEPARANT AINSI ET SANS AUTRES MOTIFS DE SON COLLABORATEUR, LA SOCIETE BIANCHI ET COMPAGNIE AVAIT FAIT PREUVE D'UNE LEGERETE BLAMABLE QUI AUTORISAIT CELUI-CI A SE PREENDRE VICTIME D'UN CONGEDIEMENT ABUSIF, GENERATEUR DE DOMMAGES-INTERETS ;

D'OU IL SUIT QUE LE PREMIER MOYEN N'EST PAS FONDE ;

ET, SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES PREMIERE, TROISIEME ET QUATRIEME BRANCHES, TIREES DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1134 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL, 43 ET SUIVANTS DU CODE DU TRAVAIL ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;

ATTENDU QUE LA SOCIETE BIANCHI ET COMPAGNIE FAIT ENCORE GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR ACCORDE A LALOY DIVERSES INDEMNITES, SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS PAR ELLE PRISES SUR CHACUN DES CHEFS DE DEMANDE ;

QU'EN EFFET, ELLE LUI ACCORDE 1825,92 FRANCS POUR COMMISSIONS SUR APPAREILS COMMANDES AVANT SON ENTREE EN FONCTIONS, SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS QUI SOUTENAIENT QUE CES COMMISSIONS SE COMPENSAIENT AVEC CELLES QUI LUI ONT ETE COMPTEES SUR DES COMMANDES PRISES PAR LUI MAIS NON ENCORE LIVREES A SA DATE DE DEPART ;

QUE D'AUTRE PART, LES JUGES DU FOND ONT FAIT LE COMPTE DE L'INDEMNITE DE PREAVIS SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS PAR LESQUELLES LA SOCIETE ETABLISSAIT DIFFEREMMENT LE CALCUL DE LA MOYENNE DES DOUZE DERNIERS MOIS ET EN OMETTANT DE TENIR COMPTE DES 1950 FRANCS DEJA VERSES ;

QU'ENFIN, SON CALCUL EST ENTACHE D'UNE ERREUR COMPTABLE, LES COMPTES DEVANT ETRE FAITS, SOIT SUR L'ENSEMBLE, SOIT PAR EXERCICE ANNUEL, MAIS NE POUVANT ALTERNER LES DEUX MODES DE CALCUL ;

MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QU'IL RESULTE DES ECRITURES QUE LALOY AVAIT OPPOSE A SON ANCIEN EMPLOYEUR QU'AUCUNE COMPENSATION N'ETAIT POSSIBLE ENTRE LES COMMISSIONS QU'IL RECLAMAIT SUR LES VENTES D'APPAREILS REALISEES AVANT SON ENTREE EN FONCTIONS ET CELLES QUI LUI AVAIENT ETE VERSEES SUR LES COMMANDES PASSEES IMMEDIATEMENT AVANT SON DEPART DE L'ENTREPRISE, EN FAISANT VALOIR QU'IL AVAIT PROCEDE A L'INSTALATION DE TOUS LES APPAREILS VENDUS, QU'IL S'AGISSE DE CEUX SUR LESQUELS PORTAIT LA CONTESTATION OU DE CEUX QUI AVAIENT ETE ACHETES PENDANT QU'IL ACCOMPLISSAIT SON PREAVIS ;

QUE, DES LORS QU'ELLE CONSTATAIT QU'EN VERTU D'UNE REGLE DE LA PROFESSION VISEE PAR LE CONTRAT DE TRAVAIL QUI AVAIT LIE LES PARTIES, L'AGENT QUI PROCEDE A L'INSTALATION D'APPAREILS ACHETES DANS UN AUTRE SECTEUR, DOIT RECEVOIR 70 % DE LA COMMISSION NORMALE QUI, EN L'ESPECE, ETAIT DE 10 %, LA COUR D'APPEL A PU DECIDER PAR ANALOGIE QUE LALOY AVAIT DROIT A 70 % DE LA COMMISSION NORMALE SUR LES VENTES REALISEES TANT AVANT QU'IL NE PRENNE SON EMPLOI QUE PENDANT SON DELAI-CONGE, DES LORS QU'IL N'AVAIT PAS ETE CONTESTE QU'IL AVAIT PERSONNELLEMENT INSTALLE TOUS LES APPAREILS VENDUS PENDANT CES DEUX PERIODES ;

QU'EN STATUANT AINSI, LES JUGES DU FOND ONT IMPLICITEMENT MAIS NECESSAIREMENT REPONDU, EN LES ECARTANT, AUX CONCLUSIONS CONTRAIRES DE LA SOCIETE ET DONNE UNE BASE LEGALE A CE CHEF DE LEUR DECISION ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, EN CE QUI CONCERNE L'INDEMNITE DE PREAVIS QUE, DANS SES CONCLUSIONS, LA SOCIETE AVAIT SOUTENU QUE, POUR LE CALCUL DE LA PART DE BENEFICES A AJOUTER AU SALAIRE FIXE DE LALOY :

A DEFAUT DE DETAIL MENSUEL DANS LES RESULTATS BENEFICIAIRES, IL CONVIENDRAIT DE CALCULER DES MOYENNES ;

QU'ELLE FIXAIT A 312 FRANCS POUR LES HUIT PREMIERS MOIS ET A 1346 FRANCS POUR LES QUATRE DERNIERS MOIS DE L'ANNEE AYANT PRECEDE LE CONGEDIEMENT ;

QU'EN S'EN RAPPORTANT AUX CHIFFRES OBTENUS POUR LA MEME PERIODE PAR L'EXPERT X... EN PREMIERE INSTANCE ET EN ACCORDANT A LALOY, POUR LES SIX MOIS DE PREAVIS AUXQUELS IL AVAIT DROIT, LA MOITIE DU SALAIRE ANNUEL QU'IL AVAIT EFFECTIVEMENT PERCU, LES JUGES DU FOND, ECARTANT AINSI LES COMPTES DE L'EMPLOYEUR, ONT LEGALEMENT JUSTIFIE LEUR DECISION DE CE NOUVEAU CHEF ;

ET ATTENDU QU'AUCUN DES GRIEFS DU PREMIER MOYEN ET DES PREMIERE ET TROISIEME BRANCHES DU SECOND MOYEN N'EST RETENU ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE PREMIER MOYEN AINSI QUE LES PREMIERE ET TROISIEME BRANCHES DU SECOND MOYEN ;

MAIS SUR LES DEUXIEME ET QUATRIEME BRANCHES DU SECOND MOYEN : VU LES ARTICLES 1134 DU CODE CIVIL ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 ;

ATTENDU QUE, SI LES JUGES ONT LE POUVOIR D'INTERPRETER LES CONTRATS, C'EST A LA CONDITION DE NE PAS LES DENATURER ;

ATTENDU QUE POUR DECIDER QUE NE DEVAIENT PAS ETRE IMPUTEES AU DEBIT DU COMPTE D'EXPLOITATION DE L'AGENCE DE TOURS, LES TAXES LOCALES QUE LA SOCIETE BIANCHI ET COMPAGNIE AVAIT DEDUITES DU PRIX DU CATALOGUE EN FAVEUR DE CERTAINS CLIENTS ET POUR DECLARER EN CONSEQUENCE QUE LALOY ETAIT FONDE A RECLAMER LA MOITIE DES TAXES AINSI DEDUITES, LA COUR D'APPEL A CONSIDERE QUE SI LE CONTRAT QUI AVAIT LIE LES PARTIES PRECISAIT QUE LESDITES TAXES N'ENTRERAIENT PAS EN LIGNE DE COMPTE POUR LE CALCUL DES COMMISSIONS, IL N'INDIQUAIT PAS QU'ELLES DEVAIENT ETRE PORTEES AU DEBIT DU COMPTE D'EXPLOITATION ;

QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QUE LES PARTIES N'AVAIENT MANIFESTEMENT PAS PU CONVENIR QUE LES TAXES PRISES EXCEPTIONNELLEMENT A SA CHARGE PAR LA SOCIETE DANS LE BUT D'EMPORTER CERTAINES VENTES DIFFICILES NE FIGURERAIENT PAS AU PASSIF DE L'AGENCE QUI, EN DEFINITIVE, EN TIRAIT PROFIT, LES JUGES DU FOND QUI ONT FAUSSEMENT INTERPRETE, DONC VIOLE, LA CONVENTION QUI LEUR ETAIT SOUMISE, N'ONT PAS LEGALEMENT JUSTIFIE LEUR DECISION DE CE CHEF ;

QUE, N'AYANT PAS REPONDU AU CHEF DES CONCLUSIONS FAISANT VALOIR QUE LALOY AVAIT DEJA PERCU LA SOMME DE 1950 FRANCS A TITRE DE PREAVIS, IL Y A LIEU EGALEMENT DE CASSER L'ARRET ATTAQUE EN CE QU'IL FIXE A 6960,17 FRANCS, L'INDEMNITE DE DELAI-CONGE DUE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, DES CHEFS ACCORDANT A LALOY LA SOMME DE 1664,18 FRANCS REPRESENTANT LA MOITIE DES TAXES DEDUITES DU COMPTE D'EXPLOITATION DE L'AGENCE DE TOURS ET FIXANT A 6960,17 FRANCS SON INDEMNITE DE PREAVIS, L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES PAR LA COUR D'APPEL D'ORLEANS LE 4 DECEMBRE 1964 ;

REMET EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE BOURGES. N° 65-40 111 SOCIETE HA BIANCHI C/ LALOY PRESIDENT : M VIGNERON - RAPPORTEUR : M LEVADOUX - AVOCAT GENERAL : M LESSELIN - AVOCATS : MM TETREAU ET ROUSSEAU A RAPPROCHER : SUR LE N° 1 : 14 OCTOBRE 1964, BULL 1964, IV, N° 665 (2°), P 546.