Attendu que le procureur général ayant saisi le bâtonnier de l'Ordre des avocats de poursuites disciplinaires contre Me Jacques X... à la suite de la publication d'un livre intitulé "Lui qui les juge" dont, selon la plainte du Parquet, un passage contenait un outrage envers les magistrats et un autre passage des propos injurieux pour le Premier ministre, le Conseil de l'Ordre a, sur le premier chef, déclaré ne pouvoir en connaître et sur le second dit n'y avoir lieu à sanction disciplinaire ; que, sur appel du procureur général, l'arrêt attaqué a, sur le second point, confirmé la décision entreprise, mais, l'infirmant sur le premier, a prononcé contre X... la peine de la suspension pendant six mois ; Attendu qu'il est reproché à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué alors que l'avocat passible d'une peine disciplinaire, a le droit de bénéficier de la règle du double degré de juridiction, hors le cas prévu par l'article 39, alinéa 5 du décret du 10 avril 1954, qui était sans application au cas tranché par l'arrêt attaqué ;
Mais attendu que cette dernière disposition, relative au cas où, sur une poursuite du procureur général, le Conseil de l'Ordre s'abstient de statuer, était étrangère à l'espèce dans laquelle, par une décision motivée, le Conseil de l'Ordre déclarait ne pouvoir connaître de la plainte dont il était saisi ; qu'en application de l'article 38 du décret susvisé, qui confère au procureur général le droit d'appeler des décisions rendues par les conseils de discipline dans tous las cas, l'appel interjeté par le Ministère public contre une telle décision était recevable, comme l'a justement admis la Cour d'appel ; que dès lors le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que, dans le passage retenu, X... s'était écarté du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques au mépris de son serment professionnel ; que le pourvoi soutient d'abord que ce serment n'engageait l'avocat que comme défenseur ou conseil, et ne pouvait avoir pour conséquence de le priver, en dehors de son activité professionnelle, de toute liberté d'expression ; que le pourvoi prétend également qu'en prononçant une sanction disciplinaire contre un avocat, pris en cette qualité, en l'absence de toute poursuite pénale, sans procédure préalable permettant de trancher le problème de la véracité des faits ou des écrits allégués et en admettant d'avance l'existence d'une prétendue faute sans permettre à la personne poursuivie d'invoquer aucune cause de justification, la Cour d'appel aurait violé les droits de la défense ;
Mais attendu que, si le serment qu'aux termes de l'article 23 du décret du 10 avril 1954 doit prêter l'avocat, interdit à celui-ci de rien dire ou publier, comme défenseur ou conseil, de connaître aux lois, aux règlements aux bonnes moeurs, à la sûreté de l'Etat et à la paix publique, il l'astreint également à ne jamais s'écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques ; que l'arrêt attaqué, après avoir reproduit l'essentiel des passages incriminés, relève qu'en l'espèce X... traitait "d'un procès dont il avait été l'un des protagonistes" et "qu'en l'occurrence c'est moins le polémiste que l'avocat qui, donnant cours à son indignation se plaint des magistrats qui ne sont pas entrés dans ses vues" ; que la Cour d'appel a pu en déduire que l'avocat qui, "dans des écrits publics et à propos d'une affaire où il est professionnellement intervenu" use à l'égard d'une juridiction d'accusations odieuses "manque à la discipline de son ordre" ;
Attendu qu'a bon droit encore l'arrêt attaqué rappelle que l'action disciplinaire est distincte de l'action publique et repose sur des principes différents ; qu'il en déduit justement que la juridiction compétente peut, en l'absence de toute poursuite pénale, sanctionner disciplinairement des actes dont il constate qu'ils sont contraires aux obligations professionnelles de celui qui les a commis ; d'où il suit que les griefs du second moyen ne sauraient pas davantage être retenus ; PAR CES MOTIFS ; REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 27 mars 1963, par la Cour d'appel de Paris. N° 63-11.894. X... c/ procureur général près la Cour d'appel de Paris. Premier président : M. Bornet - Rapporteur : M. Ancel - Avocat général : M. Blondeau - Avocat : M. Landousy.