| France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 juin 1965, JURITEXT000006969174

SUR LE MOYEN UNIQUE : ATTENDU QUE LA SOCIETE DES ETABLISSEMENTS BROCHARD ET GAUDICHET, DEMANDERESSE AU POURVOI, FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DECIDE QUE L'ACCIDENT MORTEL DONT A ETE VICTIME CHAUVEL LE 24 MAI 1962 EST IMPUTABLE A UNE FAUTE INEXCUSABLE DE LA SOCIETE, AU MOTIF QUE CELLE-CI N'AURAIT PAS PRIS DES MESURES DE PRECAUTION SUFFISANTES AFIN QUE LES OUVRIERS TOMBES A L'EAU PUISSENT ETRE SECOURUS ET QUE LA PASSERELLE EN COURS DE DEMONTAGE QUI SURPLOMBAIT LA LOIRE OU LA VICTIME S'EST NOYEE ETAIT DEPOURVUE DE GARDE-FOU, ALORS QUE D'UNE PART, L'ARRET ATTAQUE NE REPOND PAS AU MOYEN PRIS PAR L'EMPLOYEUR DE CE QUE L'INSUFFISANCE PRETENDUE DES MESURES PRISES POUR SECOURIR DES OUVRIERS TOMBES A L'EAU, QUI LUI ETAIT IMPUTEE A FAUTE, ETAIT DEPOURVU DE LIEN DE CAUSALITE AVEC L'ACCIDENT, LE SAUVETAGE DE LA VICTIME AYANT ETE RENDU EN TOUTE HYPOTHESE IMPOSSIBLE PAR LA VIOLENCE DU COURANT ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, IL NE RESULTE PAS DES CONSTATATIONS DES JUGES DU FOND QUE LES FAITS PAR EUX CONSIDERES COMME CONSTITUTIFS D'UNE FAUTE INEXCUSABLE AIENT PRESENTE LE CARACTERE D'EXCEPTIONNELLE GRAVITE NECESSAIRE POUR QU'UNE TELLE QUALIFICATION PUISSE LEUR ETRE DONNEE ;

MAIS ATTENDU, EN CE QUI CONCERNE LA PREMIERE BRANCHE, QUE LA COUR D'APPEL CONSTATE QUE, VOYANT CHAUVEL PROJETE DANS LE FLEUVE, CHALIGUE, CHEF D'EQUIPE, SE JETA IMMEDIATEMENT A L'EAU, QUE D'AUTRES OUVRIERS DETACHERENT LE BATEAU DE L'ENTREPRISE POUR PORTER SECOURS A LEUR CAMARADE, MAIS QU'ILS NE PURENT LE REJOINDRE EN RAISON DE LA VIOLENCE DU COURANT, BIEN QU'IL SOIT RESTE A LA SURFACE SUR UNE DISTANCE DE 150 METRES ENVIRON ;

ATTENDU QUE CES CONSTATATIONS DEMONTRENT PERTINEMMENT QUE LES JUGES DU FOND ONT CONSIDERE QUE LE SAUVETAGE, QUALIFIE D'AILLEURS PAR EUX DE PARTICULIEREMENT DELICAT N'ETAIT PAS NECESSAIREMENT IMPOSSIBLE ;

QU'AINSI IL A ETE REPONDU SUR CE POINT AUX CONCLUSIONS DE LA SOCIETE DES ETABLISSEMENTS BROCHARD ET GAUDICHET ;

ATTENDU, EN CE QUI CONCERNE LA SECONDE BRANCHE, QUE LA COUR D'APPEL OBSERVE QU'EN VERTU DU DECRET DU 9 AOUT 1925 LA SOCIETE DES ETABLISSEMENTS BROCHARD ET GAUDICHET, EXECUTANT DES TRAVAUX AU-DESSUS D'UN COURS D'EAU, ETAIT TENUE DE PRENDRE DES MESURES POUR QUE LES OUVRIERS TOMBES A L'EAU PUISSENT ETRE SECOURUS ET DE MUNIR LES PASSERELLES DONNANT ACCES AUX TRAVAUX DE GARDE-CORPS DES DEUX COTES ;

ATTENDU QU'ELLE CONSTATE D'UNE PART, QUE DE L'ENQUETE DE GENDARMERIE, IL RESULTE QUE LE CHANTIER ETAIT DEPOURVU DE BOUEES ET DE CORDAGES DE SAUVETAGE, QUE LE SEUL MOYEN DE SAUVETAGE DONT LA REALITE SOIT ETABLIE CONSISTE DANS LA PRESENCE D'UN BATEAU MUNI D'UNE PERCHE, MAIS DEPOURVU DE RAMES, QUE COMPTE TENU DE LA FORCE DU COURANT ET DE LA PROFONDEUR DE 5 OU 6 METRES DU FLEUVE A CET EMPLACEMENT LA PERCHE ETAIT UN INSTRUMENT ABSOLUMENT INEFFICACE POUR DIRIGER LE BATEAU EN CAS D'ACCIDENT, QUE CELA EST SI VRAI QUE CEUX QUI L'ONT UTILISEE ONT DIT N'AVOIR PU INTERVENIR UTILEMENT ;

D'AUTRE PART, QUE L'ECHAFFAUDAGE EN COURS DE DEMONTAGE ETAIT CONSTITUE PAR DEUX RANGEES PARALLELES DE CINQ PIEUX ENFONCES DANS LE LIT DU FLEUVE, RELIES ENTRE EUX PAR DES TRAVERSES METALLIQUES SUPPORTANT ELLES-MEMES DES MADRIERS FORMANT VOIE D'ACCES A L'EXTREMITE DE L'ECHAFAUDAGE, QUE CELUI-CI ETAIT DEMUNI DE GARDE-FOU, QUE CETTE ABSENCE DE PRECAUTION NE PEUT S'EXPLIQUER PAR L'OPERATION DE DEMONTAGE QUI ETAIT ENTREPRISE LA SUPRESSION PROGRESSIVE DU GARDE-FOU, S'IL AVAIT EXISTE, POUVANT PARFAITEMENT SUIVRE CELLE DE L'ENLEVEMENT DES MADRIERS ET L'ENTREPRISE NE PRETENDANT D'AILLEURS PAS QU'IL Y EN AIT JAMAIS EU UN ;

ATTENDU QU'AYANT AINSI RELEVE A LA CHARGE DE L'EMPLOYEUR UNE DOUBLE VIOLATION DES REGLEMENTS CONCERNANT LA SECURITE DES OUVRIERS, LES JUGES ONT PU CONSIDERER QUE CETTE NEGLIGENCE D'UNE GRAVITE EXCEPTIONNELLE AVAIT ETE LA CAUSE DE L'ACCIDENT MORTEL DONT AVAIT ETE VICTIME CHAUVEL ET QU'ELLE PRESENTAIT LE CARACTERE D'UNE FAUTE INEXCUSABLE AU SENS DE L'ARTICLE 468 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE ;

QUE LE POURVOI N'EST DONC PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 11 FEVRIER 1964 PAR LA COUR D'APPEL D'ANGERS. N° 64 - 11 386 SOCIETE ANONYME DES ETABLISSEMENTS BROCHARD ET GAUDICHET C/ VEUVE CHAUVEL ET AUTRE. PRESIDENT ET RAPPORTEUR : M VIGNERON - AVOCAT GENERAL : M MELLOTTEE - AVOCATS : MM LYON-CAEN ET LEPANY.