| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 février 1965, 64-91387

REJET DU POURVOI DE : 1° X... (GABRIEL) ;

2° Y... (JEAN), CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 9 AVRIL 1964 QUI LES A RENVOYES L'UN ET L'AUTRE DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PONTOISE, DU CHEF D'ESCROQUERIE. LA COUR, SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI ;

ATTENDU QUE PAR L'ARRET ATTAQUE, QUI A RENVOYE LES DEMANDEURS DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PONTOISE DU CHEF D'ESCROQUERIE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION A STATUE SUR LE SEUL APPEL DES PARTIES CIVILES CONTRE L'ORDONNANCE DU JUGE D'INSTRUCTION QUI AVAIT PRONONCE NON-LIEU DE CE CHEF ;

QU'UN ARRET DE CETTE NATURE, EN CE QU'IL A AINSI FAIT DROIT A L'APPEL DES PARTIES CIVILES, AUSSI BIEN SUR L'ACTION PUBLIQUE QUE SUR L'ACTION CIVILE, CONSTITUE UNE DECISION DEFINITIVE ET EN DERNIER RESSORT QUE LE TRIBUNAL SAISI DE LA PREVENTION N'A PAS LE POUVOIR DE MODIFIER ;

QU'EN EFFET, LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE DEVRA STATUER SUR L'ACTION PUBLIQUE, QUAND BIEN MEME IL SERAIT DEMONTRE DEVANT ELLE QUE LES PARTIES CIVILES AURAIENT ETE SANS QUALITE POUR AGIR ;

QUE DES LORS, UN TEL ARRET ENTRE DANS LA CLASSE DE CEUX VISES PAR L'ARTICLE 574 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET CONTRE LESQUELS LE POURVOI DU PREVENU EST RECEVABLE ;

AU FOND ;

VU LE MEMOIRE PRODUIT ET LES OBSERVATIONS PRESENTEES EN DEFENSE ;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :

EN CE QUE LA DECISION ATTAQUEE A RENVOYE LES DEMANDEURS DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, RESPECTIVEMENT POUR REPONDRE D'UNE PREVENTION D'ESCROQUERIE ET D'UNE PREVENTION DE COMPLICITE D'ESCROQUERIE, AU MOTIF QUE SI AU VU DES ELEMENTS D'INFORMATION RECUEILLIS PAR LE JUGE D'INSTRUCTION, TOUT LAISSE A PENSER QUE LES FONDS DE LA SOCIETE DENEURE DES HAUTS BRIFFAULT ACTUELLEMENT SONT CERTAINS, IL NE PEUT CEPENDANT ETRE CONTESTE QU'AVANT QUE SA COMPTABILITE AIT ETE REMISE EN ORDRE, L'APPARENTE PROSPERITE QUE LUI PRETAIENT SCIEMMENT CES PROMOTEURS AUPRES DES SOUSCRIPTEURS CONSTITUAIT UNE MANOEUVRE FRAUDULEUSE, QU'AU SURPLUS, IL N'EST PAS EXCLU QUE LES FAITS QUALIFIES D'INFRACTION AUX LOIS SUR LES SOCIETES ANONYMES DE CONSTRUCTION PAR LE MAGISTRAT INSTRUCTEUR, ET REPROCHES A Y..., AIENT ETE COMMIS EN ACCORD AVEC X... GABRIEL, EMILE EN VUE D'OBTENIR FRAUDULEUSEMENT AU PROFIT DE CE DERNIER, LA REMISE DE FONDS ET DE SOUSCRIPTION, QU'IL NE PEUT APPARTENIR QU'A LA JURIDICTION DE JUGEMENT SAISIE DE CES FAITS D'APPRECIER SI, EN PRESENCE D'UNE INTENTION FRAUDULEUSE, ILS CONSTITUENT OU NON LES ELEMENTS D'UNE ESCROQUERIE ;

ALORS QU'IL APPARTIENT AUX JURIDICTIONS D'INSTRUCTION D'APPRECIER TOUS LES ELEMENTS DE FAIT ET DE DROIT ET EN PARTICULIER DE SE PRONONCER SUR LES QUESTIONS D'INTENTION, ET QU'EN AFFIRMANT QU'IL NE POUVAIT APPARTENIR QU'A LA JURIDICTION DE JUGEMENT D'APPRECIER SI EN PRESENCE D'UNE INTENTION FRAUDULEUSE LES FAITS RETENUS CONSTITUAIENT OU NON LES ELEMENTS D'UNE ESCROQUERIE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION A MECONNU LES LIMITES DE SA PROPRE COMPETENCE ;

SUR LA RECEVABILITE DE CE MOYEN ;

ATTENDU QU'IL EST DE PRINCIPE QUE LE PREVENU NE PEUT SE POURVOIR EN CASSATION CONTRE L'ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION QUI LE RENVOIE DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL ;

QUE CETTE REGLE NE SOUFFRE EXCEPTION, EN DEHORS DES CAS PREVUS AUX ARTICLES 591 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE, QUE SI, SELON LES TERMES DE L'ARTICLE 574 DUDIT CODE, L'ARRET A STATUE SUR LA COMPETENCE, OU S'IL PRESENTE DES DISPOSITIONS DEFINITIVES QUE LE TRIBUNAL, SAISI DE LA PREVENTION, N'A PAS LE POUVOIR DE MODIFIER ;

QU'IL N'EN EST PAS AINSI DES DISPOSITIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE CRITIQUE LE MOYEN, ET A L'EGARD DESQUELLES LES JUGES DU FOND CONSERVENT LEUR LIBERTE D'APPRECIATION ET LES DROITS DE LA DEFENSE DEMEURENT ENTIERS ;

D'OU IL SUIT QUE CE MOYEN N'EST PAS, EN L'ETAT, RECEVABLE ;

SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

EN CE QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION SAISIE DE CONCLUSIONS PAR LESQUELLES LES DEMANDEURS AVAIENT FAIT VALOIR QUE LES TROIS APPELANTS NE FAISAIENT PAS LA DEMONSTRATION D'UN PREJUDICE RESULTANT DIRECTEMENT D'UN PRETENDU DELIT D'ESCROQUERIE, N'A PAS RECHERCHE SI LES APPELANTS, ACTUELS DEFENDEURS AU POURVOI ETAIENT RECEVABLES A EXERCER L'ACTION CIVILE DU CHEF D'ESCROQUERIE ;

ALORS QUE L'ACTION CIVILE N'EST RECEVABLE QU'AUTANT QUE LES PRETENDUES VICTIMES D'UN DELIT JUSTIFIENT D'UN PREJUDICE ET QU'EN PRESENCE DES CONCLUSIONS DES DEMANDEURS, LA COUR AVAIT LE DEVOIR DE SE PRONONCER SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION CIVILE ;

SUR LA RECEVABILITE DE CE MOYEN ;

ATTENDU QUE CE MOYEN EST RECEVABLE A UN DOUBLE TITRE, D'UNE PART, EN CE QU'IL PRETEND QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION AURAIT VIOLE LES ARTICLES 591 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE, EN S'ABSTENANT DE REPONDRE A DES ARTICULATIONS ESSENTIELLES DU MEMOIRE DONT LES DEMANDEURS L'AVAIENT SAISIE, ET D'AUTRE PART, EN CE QU'IL TEND LUI-MEME, COMME L'AURAIENT FAIT SELON LUI LESDITES ARTICULATIONS, A CONTESTER AUX PARTIES CIVILES LE DROIT D'EXERCER LEUR ACTION, CE DERNIER GRIEF ETANT D'ORDRE PUBLIC ;

AU FOND ;

ATTENDU QUE, DANS LEUR MEMOIRE DEPOSE DEVANT LA CHAMBRE D'ACCUSATION, LES DEMANDEURS SE SONT BORNES A DECLARER QU'ILS ATTENDAIENT, QUE LES PARTIES CIVILES, APPELANTES FASSENT LA DEMONSTRATION D'UN PREJUDICE RESULTANT DIRECTEMENT D'UN PRETENDU DELIT D'ESCROQUERIE ;

QUE DE TELLES CONCLUSIONS NE METTAIENT NULLEMENT LA JURIDICTION SAISIE EN DEMEURE DE STATUER EXPLICITEMENT SUR LA RECEVABILITE DES ACTIONS EXERCEES PAR LESDITES PARTIES CIVILES ;

ATTENDU ENFIN, QUE LE MOYEN EST POUR LE RESTE MAL FONDE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION AYANT PU ESTIMER, EN L'ETAT DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE, QUE LES CIRCONSTANCES DE FAIT SUR LESQUELLES S'APPUYAIENT LES DEMANDES DES PARTIES CIVILES, LUI PERMETTAIENT D'ADMETTRE COMME POSSIBLES, SANS QU'IL FUT NECESSAIRE QU'ILS SOIENT D'ORES ET DEJA ETABLIS, L'EXISTENCE DU PREJUDICE ALLEGUE ET LA RELATION DIRECTE DE CELUI-CI AVEC L'INFRACTION QU'ELLE RELEVAIT A LA CHARGE DES PREVENUS ;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;

REJETTE LE POURVOI. PRESIDENT : M FRIOL, CONSEILLER DOYEN FAISANT FONCTIONS - RAPPORTEUR : M TURQUEY - AVOCAT GENERAL : M RELIQUET - AVOCATS : MM RYZIGER ET LYON-CAEN.