| France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 décembre 1964, JURITEXT000006968117

VU LA CONNEXITE, JOINT LES POURVOIS N 62.10.994 ET N 62.11.085;

ET D'ABORD SUR LE MOYEN UNIQUE DU POURVOI N 62.11.085, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE, PARTIELLEMENT INFIRMATIF, QUE PAR ACTE NOTARIE DU 9 DECEMBRE 1867, ERNY, AUTEUR MEDIAT DES EPOUX MARCEL E..., AVAIT ACQUIS DES EPOUX Y... UN IMMEUBLE SIS A FORBACH, LES VENDEURS, QUI CONSERVAIENT L'HERITAGE CONTIGU, SE RESERVANT LE DROIT DE PASSER, EN VOITURE SEULEMENT, DANS LA COUR DE L'ACQUEREUR ET, A CT EFFET, DE PRATIQUER A LEURS FRAIS, DANS LE MUR DE CLOTURE, UNE PORTE COCHERE DONT ERNY DEVRAIT LEUR REMETTRE LA CLEF CHAQUE FOIS QU'ILS EN AURAIENT BESOIN;

QU'EN DECEMBRE 1913 ET ALORS QUE L'ANCIEN IMMEUBLE D'ERNY APPARTENAIT EN INDIVISION A X... VALENTIN ET A SES QUATRE ENFANTS, SUR LA CONVOCATION DU JUGE CHARGE DE L'ETABLISSEMENT DU LIVRE FONCIER, LES CO-PROPRIETAIRES ONT DONNE LEUR CONSENTEMENT A L'INSCRIPTION DE LA SERVITUDE DE PASSAGE CONFORMEMENT AUX STIPULATIONS DE L'ACTE DE 1867, MAIS QUE X... PERE, SE PRESENTANT DE NOUVEAU ET SEUL, LE 3 JANVIER 1914, A DEMANDE L'INSCRIPTION NON SEULEMENT D'UN DROIT DE PASSAGE EN VOITURE, MAIS EGALEMENT D'UNE "RESTRICTION DU DROIT DE BATIR", DONT DEUX ORDONNANCES DES 3 ET 5 JANVIER ONT PRESCRIT LA MENTION SUR LE "LIVRE DE PROPRIETE" DE LA COMMUNE;

QUE LE LIVRE FONCIER DE FORBACH A ETE REPUTE ETABLI A LA DATE DU 31 MAI 1917 ET QU'UNE ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL REGIONAL DE METZ A PLACE SOUS SEQUESTRE, LE 9 OCTOBRE 1920, LE FONDS DOMINANT, APPARTENANT ALORS A UN SUJET ALLEMAND;

QUE CET HERITAGE A ETE ADJUGE LE 2 MAI 1921 A CELESTIN D..., DONT LES DEFENDEURS AU POURVOI SONT LES AYANTS CAUSE;

QUE LE FONDS SERVANT, SINISTRE PAR FAIT DE GUERRE ET RECONSTRUIT, ETANT PASSE AUX MAINS DES EPOUX DE MARCEL E..., CEUX-CI ONT ASSIGNE LEUR VOISIN, JEAN D..., AUJOURD'HUI REPRESENTE PAR SES HERITIERS, POUR VOIR DECLARER NULLE LA DOUBLE INSCRIPTION FIGURANT AU LIVRE FONCIER AU PROFIT DE SON FONDS ET SUBSIDIAIREMENT VOIR DIRE QUE LA SERVITUDE ETANT ETEINTE PAR LE NON-USAGE TRENTENAIRE, LA RADIATION DEVAIT EN ETRE ORDONNEE;

QUE LES PREMIERS JUGES LES ONT DEBOUTES DE LEUR ACTION, MAIS QUE L'ARRET ATTAQUE, INFIRMANT LA DECISION ENTREPRISE DU CHEF RELATIF A LA SERVITUDE NON AEDIFICANDI, A PRESCRIT LA RADIATION DE L'INSCRIPTION CONCERNANT CELLE-CI;

ATTENDU QUE LE POURVOI REPROCHE, EN PREMIER LIEU, A LA COUR D'APPEL D'AVOIR AINSI STATUE, AU MOTIF QUE L'INSCRIPTION LITIGIEUSE ETAIT ERRONNEE ET ENTACHEE D'UN VICE ET QUE L'ACQUISITION FAITE PAR CELESTIN D... EN 1921, N'ETAIT PAS PROTEGEE PAR L'ARTICLE 892 DU CODE CIVIL LOCAL, L'ACHETEUR N'ETANT PAS DEVENU UN AYANT CAUSE JURIDIQUE DE L'ANCIEN PROPRIETAIRE, MAIS SEULEMENT SON REMPLACANT, ALORS, D'UNE PART, QUE, SELON LE MOYEN, LA "RESTRICTION" CONSENTIE UNILATERALEMENT EN 1914 PAR VALENTIN X..., AUTEUR MEDIAT DES EPOUX E..., S'ETAIT TROUVEE VALIDEE EN 1917 A LA SUITE DE L'ETABLISSEMENT DU LIVRE FONCIER ET ASSIMILEE A UN TITRE PAR LA LOI DU 1ER JUIN 1924, QUI A INTRODUIT LA LEGISLATION FRANCAISE DANS LES DEPARTEMENTS RECOUVRES;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE CETTE DERNIERE LOI N'A PAS RETENU L'ARTICLE 892 DU CODE CIVIL LOCAL PARMI LES TEXTES DONT ELLE A MAINTENU L'APPLICATION ET ALORS, ENFIN, QU'AUCUNE DISPOSITION LEGALE N'AVAIT AMPUTE L'ACQUISITION FAITE EN 1921 PAR CELESTIN D... DES DROITS DU PRECEDENT PROPRIETAIRE A BENEFICIER DE LA SERVITUDE NON AEDIFICANDI GREVANT L'IMMEUBLE CONTIGU;

MAIS ATTENDU QUE LES JUGES D'APPEL ONT CONSTATE QUE L'ACTE DE 1867 NE FAIT ETAT D'AUCUNE RESTRICTION AU DROIT DE BATIR ET QU'EN 1913 ET 1914, D'APRES LES ANNEXES DU LIVRE FONCIER REGULIEREMENT VERSEES AU DEBAT, SUR CINQ CO-PROPRIETAIRES DU FONDS SERVANT, UN SEUL AVAIT DONNE SON CONSENTEMENT A L'INSCRIPTION D'UNE TELLE RESTRICTION;

QU'ILS EN ONT JUSTEMENT DEDUIT QUE L'INSCRIPTION INCRIMINEE, DONT ILS N'ONT EN RIEN MECONNU LA PORTEE, N'ETAIT JUSTIFIEE NI QUANT A LA PROCEDURE, TOUS LES INTERESSES N'Y AYANT PAS FORMELLEMENT CONSENTI, NI QUANT AU FOND LE DROIT DONT S'AGIT, DE NATURE CONVENTIONNELLE, N'AYANT FAIT L'OBJET D'AUCUN CONTRAT ET QUE CETTE INSCRIPTION, VICIEE ET ERRONNEE, AVAIT RENDU INEXACT LE LIVRE FONCIER EN VOIE D'ETABLISSEMENT;

ATTENDU, D AUTRE PART, QUE SANS DOUTE L ARTICLE 892 DU CODE CIVIL ALLEMAND N A PAS ETE REPRIS PARMI LES TEXTES DU DROIT ANTERIEUR DEMEURES EN VIGUEUR APRES LE 1ER JANVIER 1925, MAIS QUE LA COUR D APPEL S EST NEANMOINS LEGITIMEMENT PREOCCUPEE DE RECHERCHER SI LE PRINCIPE DE LA FOI PUBLIQUE ABSOLUE ATTACHEE AU LIVRE FONCIER PAR LA LEGISLATION ALLEMANDE NE DEVAIT PAS CONTINUER A PROTEGER DES DROITS ACQUIS PAR L AUTEUR DES CONSORTS D... AVANT L ENTREE EN VIGUEUR DU DROIT FRANCAIS;

QU ELLE A, A JUSTE TITRE, RESOLU NEGATIVEMENT CETTE QUESTION EN RETENANT QU AUX TERMES DUDIT ARTICLE, LA TENEUR DU LIVRE FONCIER N EST REPUTEE EXACTE QU AU PROFIT DE CELUI "QUI ACQUIERT PAR UN ACTE JURIDIQUE" FONDE SUR UN ACCORD DE VOLONTES ET QU EN L ESPECE, L ACQUISITION DU FONDS DOMINANT PAR CELESTIN D..., LE 2 MAI 1921, AVAIT ETE LE RESULTAT, NON D UNE CONVENTION ENTRE LE PRECEDENT PROPRIETAIRE ET L ACHETEUR, MAIS D UN ACTE D AUTORITE RELEVANT DU DROIT PUBLIC, L ETAT FRANCAIS AYANT EXERCE, EN L OCCURRENCE, LES PREROGATIVES QU IL DETENAIT DU TRAITE DE VERSAILLES EN VUE DE LA MISE SOUS SEQUESTRE ET DE LA LIQUIDATION DES BIENS AYANT APPARTENU A DES SUJETS ALLEMANDS;

ATTENDU ENFIN QU APRES AVOIR RAPPELE QUE LA LOI DU 1ER JUIN 1924 N ATTACHAIT PLUS AUX ENONCIATIONS DU LIVRE FONCIER QU UNE PRESOMPTION SIMPLE D EXACTITUDE, LES JUGES DU FOND ONT SOUVERAINEMENT APPRECIE QUE LES EPOUX E... AVAIENT APPORTE LA PREUVE DE L INEXISTENCE DU DROIT AYANT FAIT L OBJET DE L INSCRIPTION CONTESTEE;

QU IL S EN SUIT QUE LOIN DE VIOLER LES TEXTES VISES AU MOYEN, L ARRET ATTAQUE EN A FAIT UNE EXACTE APPLICATION;

ET SUR LES DIVERSES BRANCHES DU MOYEN UNIQUE DU POURVOI N 62.10.994 : ATTENDU Q IL EST, TOUT D ABORD, FAIT GRIEF A LA COUR D APPEL D AVOIR CONSIDERE QUE DU FAIT DE L INSCRIPTION DE LA SERVITUDE AU LIVRE FONCIER, C ETAIT AU PROPRIETAIRE DU FONDS SERVANT QU IL INCOMBAIT D ETABLIR SON EXTINCTION PAR LE NON USAGE PENDANT TRENTE ANS, ALORS QUE LE DROIT INVOQUE RESULTANT D UN TITRE ANCIEN ET SES PRETENDUS BENEFICIAIRES N EN AYANT PAS LA POSSESSION ACTUELLE, LA PREUVE DEVAIT ETRE RAPPORTEE PAR LE PROPRIETAIRE DU FONDS DOMINANT, EN VERTU D UN PRINCIPE GENERAL APPLICABLE B... EN ALSACE ET EN LORRAINE;

QUE TOUJOURS SELON LE MOYEN, L ARRET ATTAQUE QUI A ADMIS QUE DES ACTES D EXERCICE DU PASSAGE INTERVENUS AU COURS DU DELAI DE PRESCRIPTION AVAIENT EU POUR EFFET D INTERROMPRE CELLE-CI, AURAIT, D UNE PART, OMIS DE S EXPLIQUER SUR UN JUGEMENT DEFINITIF RENDU EN 1931 DANS UNE INSTANCE POSSESSOIRE ET DUQUEL IL RESULTERAIT QUE CELESTIN D... AVAIT, A CETTE EPOQUE, RECONNU QUE DE 1924 A 1930, IL N AVAIT PAS EXERCE SON DROIT DE PASSAGE ET, D AUTRE PART, AURAIT DENATURE LES DEPOSITIONS DE TEMOINS EN AFFIRMANT QUE CEUX-CI AVAIENT DECLARE DANS LA PRESENTE INSTANCE QUE D... AVAIT USE DU PASSAGE ENTRE 1945 ET 1950;

MAIS ATTENDU QUE SI LES EPOUX E... SE SONT REFERES DANS LEURS CONCLUSIONS D APPEL A LA PROCEDURE POSSESSOIRE ANTERIEURE, C EST SEULEMENT POUR CONTESTER QUE LEUR AUTEUR, LOUIS E..., Y AIT FAIT L AVEU DE L EXISTENCE DE LA SERVITUDE DE PASSAGE;

QU ILS N ONT NULLEMENT SOUTENU QUE CELESTIN D... AVAIT ALORS RECONNU QU'IL N AVAIT PU EXERCER CELLE-CI DE 1924 A 1930;

QUE LE JUGEMENT DU 16 JUILLET 1931 EST MUET SUR CE POINT ET QUE LE GRIEF, TEL QU IL EST FORMULE, MANQUE EN FAIT;

QU ENFIN LES EPOUX C..., A... DE CELESTIN D..., ONT SANS DOUTE DECLARE, LORS DE L ENQUETE, QU ILS N AVAIENT EXERCE LE PASSAGE QU A PARTIR DE 1943, APRES QUE LOUIS E... LES Y EUT AUTORISES A TITRE DE PURE TOLERANCE, MAIS QU APPRECIANT SOUVERAINEMENT LA PORTEE DE CES DEPOSITIONS, SANS LES DENATURER, LES JUGES D APPEL ONT CONSIDERE QUE LES ACTES DE PASSAGE AINSI ACCOMPLIS PAR LES LOCATAIRES DE L HERITAGE DOMINANT N AVAIENT PU CONSTITUER L EXERCICE D UNE SIMPLE TOLERANCE DES LORS QUE LES PROPRIETAIRES DU FONDS SERVANT ETAIENT CONVENTIONNELLEMENT TENUS DE SOUFFRIR CE PASSAGE;

QU AINSI CE DERNIER GRIEF NE SAURAIT ETRE MIEUX ACCUEILLI QUE LE PRECEDENT ET QU EN L ETAT DES CONSTATATIONS DES JUGES DU FAIT QUANT A L INTERRUPTION DU DELAI DE LA PRESCRIPTION EXTINCTIVE, LE REJET DE CELLE-CI SE TROUVE LEGALEMENT JUSTIFIE, ABSTRACTION FAITE DES AUTRES MOTIFS CRITIQUES RELATIFS A L ADMINISTRATION DE LA PREUVE, LESQUELS DOIVENT ETRE TENUS POUR SURABONDANTS;

PAR CES MOTIFS : REJETTE L UN ET L AUTRE DES POURVOIS FORMES CONTRE L ARRET RENDU LE 24 JANVIER 1962 PAR LA COUR D APPEL DE COLMAR, CHAMBRE CIVILE DETACHEE A METZ. N 62.10.994. EPOUX E... C/ CONSORTS D.... N 62.11.085. CONSORTS D... C/ EPOUX E.... PRESIDENT : M. BLIN. - RAPPORTEUR : M. GOUBIER. - AVOCAT GENERAL :

M. Z.... - AVOCATS : MM. MAYER ET COLAS DE LA NOUE.A RAPPROCHER :

SUR LE N 3 : 7 MAI 1962, BULL. 1962, I, N 226 (1), P. 203 ET LES ARRETS CITES.