| France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 1964, JURITEXT000006964881

SUR LE PREMIER MOYEN, TIRE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1184 DU CODE CIVIL ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ;

ATTENDU QUE LA SOCIETE CHRISTIAN DIOR REPROCHE A L'ARRET QU'ELLE ATTAQUE ET QUI DECLARE QUE LE CONTRAT DE TRAVAIL QUI LA LIAIT A YVES-MATHIEU X... ETAIT UN CONTRAT A DUREE DETERMINEE D'AVOIR CEPENDANT ADMIS QU'YVES SAINT-LAURENT AVAIT PU CONCLURE A L'OCTROI DE DOMMAGES- INTERETS POUR RUPTURE DE CONTRAT SANS DEMANDER PREALABLEMENT AU JUGE D'EN PRONONCER LA RESILIATION, MOTIF PRIS DE CE QUE LA SOCIETE CHRISTIAN DIOR AVAIT CESSE DE REMPLIR LES OBLIGATIONS QUE LEDIT CONTRAT METTAIT A SA CHARGE ET L'AVAIT AINSI ROMPU, ALORS QU'ADMETTRAIT-ON EN PRINCIPE, ET POUR LES BESOINS DE LA DISCUSSION, QUE LA SOCIETE CHRISTIAN DIOR N'AVAIT PAS REMPLI LES OBLIGATIONS QUE LUI IMPOSAIT LE CONTRAT, IL N'EN RESTE PAS MOINS QUE CE CONTRAT, PARCE QU'IL ETAIT A DUREE DETERMINEE, NE SE TROUVAIT PAS ROMPU DE PLEIN DROIT ;

QUE L'ARRET ATTAQUE AVAIT DECLARE LUI-MEME QU'UN TEL CONTRAT NE POUVAIT ETRE ROMPU QUE PAR UNE ACTION EN RESOLUTION JUDICIAIRE, DE SORTE QU'EN ESTIMANT ENSUITE QUE SAINT-LAURENT AVAIT PU VALABLEMENT DEMANDER DIRECTEMENT DES DOMMAGES-INTERETS SANS FAIRE PRONONCER D'ABORD LA RESOLUTION DU CONTRAT SOUS LE PRETEXTE QUE LA SOCIETE DIOR NE L'EXECUTAIT PLUS ELLE-MEME, L'ARRET ATTAQUE S'EST MIS EN CONTRADICTION AVEC SES PROPRES DECLARATIONS ET A VIOLE L'ARTICLE 1184 PRECITE DU CODE CIVIL QUI RESERVE AU JUGE LE PRONONCE DE LA RESOLUTION ET LA FACULTE D'APPRECIER SI, EN RAISON DE LA NATURE ET DE L'IMPORTANCE DU MANQUEMENT RELEVE, LE CONTRAT DOIT ETRE RESOLU OU SON EXECUTION POURSUIVIE ET DES DELAIS ACCORDES A CETTE FIN ;

MAIS ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE LA SOCIETE CHRISTIAN DIOR AVAIT ENGAGE SAINT-LAURENT POUR UNE DUREE DETERMINEE DE CINQ ANNEES A COMPTER DU 1ER JANVIER 1958 ET QUE, MALGRE UNE MISE EN DEMEURE QUI LUI A ETE SIGNIFIEE LE 28 AVRIL 1961, ELLE A PERSISTE A NE PAS EXECUTER SES OBLIGATIONS ;

QUE C'EST DONC A BON DROIT QUE LA COUR D'APPEL, EN DEPIT DES EXPRESSIONS IMPROPRES CRITIQUEES PAR LE POURVOI, EN A DEDUIT QUE SAINT-LAURENT QUI, PRECISEMENT SOUFFRAIT DE L'INEXECUTION DU CONTRAT, N'AVAIT PAS A EN DEMANDER LA RESOLUTION JUDICIAIRE ET QU'IL AVAIT PU VALABLEMENT SE BORNER A ENGAGER DIRECTEMENT UNE ACTION EN VUE D'OBTENIR DE LA SOCIETE CHRISTIAN DIOR LA REPARATION DU PREJUDICE QU'ELLE LUI AVAIT AINSI OCCASIONNE ;

D'OU IL SUIT QUE LA CONTRADICTION ALLEGUEE N'EST QU'APPARENTE ET QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS, REJETTE LE PREMIER MOYEN ;

MAIS, SUR LE SECOND MOYEN : VU LES ARTICLES 1134 DU CODE CIVIL ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 ;

ATTENDU QUE, POUR ACCORDER A YVES-MATHIEU X..., DONT LE CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE DETERMINEE CONCLU A COMPTER DU 1ER JANVIER 1958 A ETE ROMPU PAR LA SOCIETE CHRISTIAN DIOR LE 9 MAI 1961, UNE INDEMNITE "DE PREAVIS" EGALE A DEUX ANNEES DE SES APPOINTEMENTS, L'ARRET ATTAQUE DECIDE QUE, DES LORS QUE LA FACULTE UNILATERALE QUE L'EMPLOYEUR S'ETAIT RESERVEE N'ETAIT PAS LIMITEE AUX TROIS PREMIERES ANNEES DU CONTRAT, IL S'ENSUIVAIT QUE L'INDEMNITE "DE PREAVIS" QUI EN ETAIT LA CONTREPARTIE, ETAIT DUE, QUELLE QUE SOIT LA DATE DE LA RUPTURE ;

ATTENDU, CEPENDANT, QUE LE CONTRAT LITIGIEUX AVAIT ETE EXPRESSEMENT CONCLU "POUR UNE DUREE DE CINQ ANNEES, C'EST-A-DIRE POUR LA PERIODE S'ETENDANT ENTRE LE 1ER JANVIER 1958 ET LE 31 DECEMBRE 1962" ET QU'IL NE PREVOYAIT AUCUNE RECONDUCTION ;

ATTENDU QU'EN PROLONGEANT AINSI AU-DELA DE LA DATE LIMITE CONVENUE LES EFFETS DE LA CONVENTION, QUI FAISAIT LA LOI DES PARTIES, ET EN ACCORDANT A TITRE D'INDEMNITE COMPENSATRICE DE PREAVIS UNE SOMME SUPERIEURE AUX SALAIRES A ECHOIR JUSQU'A EXPIRATION DU CONTRAT A DUREE DETERMINEE, L'ARRET ATTAQUE, QUI A DENATURE LE SENS DE LA CLAUSE DU PREAVIS, ENCOURT LA CASSATION ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DES CHEFS DISANT QUE MATHIEU X... A DROIT A UN PREAVIS DE DEUX ANS ET LUI ACCORDANT, A TITRE DE PROVISION LA SOMME DE CENT VINGT MILLE FRANCS, REPRESENTANT DEUX ANNEES DE SON SALAIRE FIXE, L'ARRET RENDU LE 20 MARS 1962, PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS ;

REMET EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET, ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'ORLEANS.