Sur le moyen unique :
Vu les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III ;
Attendu que les fautes qu'un médecin, attaché à un hôpital public, pourrait commettre dans l'exercice des fonctions qu'il assume dans cet établissement, dès lors qu'elles ne constituent pas des fautes personnelles, détachables de l'accomplissement du service de santé, dont ce praticien a la charge, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;
Attendu que Bonthoux, victime, le 7 décembre 1958, au cours d'un match de rugby, d'un accident lui ayant causé la fracture des deux os de la jambe droite, a été transporté à l'hôpital public de la Tronche, où il a été admis dans le service du docteur Y..., chirurgien-chef de cet établissement et soigné par l'assistant de celui-ci, docteur X... ; que des signes de gangrène étant apparus, nécessitant l'ablation de cinq orteils, Bonthoux a assigné, devant le juge des référés, les deux praticiens susnommés, aux fins de nomination d'un expert, chargé de décrire son état et de préciser les lésions dont il avait été atteint, en même temps que les complications ayant pu ultérieurement survenir ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande, la Cour d'appel, après avoir justement relevé que la compétence du juge des référés est restreinte aux litiges, dont la connaissance appartient, quant au fond, aux tribunaux civils, déclare, cependant, "que le diagnostic et les soins ou opérations qui en découlent caractérisent l'application, par le médecin, de son art médical, sous sa responsabilité personnelle, à un cas pathologique particulier, et que la dépendance administrative du médecin ne concernant que les mesures d'organisation de l'établissement public, n'a aucune incidence sur l'élaboration du diagnostic et la nature de soins prescrits" ;
Attendu qu'en retenant, par de tels motifs, sa compétence, et alors qu'aucune faute personnelle, détachable du service, n'était imputée aux praticiens mis en cause, la Cour d'appel a violé les textes susvisés et méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel de Grenoble le 21 décembre 1959 ; remet en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Chambéry.