Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte des motifs et des qualités de l'arrêt attaqué que la société en nom collectif, fondée en 1925 pour l'exploitation du Moulin de Condetz entre Marcel Y... et Charles X... a été, à la mort de ce dernier, transformée en commandite, Y... restant seul gérant et les héritiers de X..., sa veuve et son fils Roger, devenant commanditaires ; que la veuve X... ayant cédé tous ses droits dans la société à son fils, Y... et la mandataire de Roger X..., parti comme officier en Indochine, procédèrent par actes des 28 et 29 juin 1945, à une nouvelle transformation de la société qui prit la forme de société à responsabilité limitée ; qu'il était stipulé au pacte social qu'en cas de décès d'un associé, la société continuerait entre l'associé survivant et le conjoint ou les héritiers directs de l'associé prédécédé, tandis que, si les parts de celui-ci se trouvaient transmises à d'autres successibles, l'associé survivant pourrait les racheter suivant un prix et des modalités fixées par le contrat ; que Roger X... disparut lors d'un combat en Indochine et que, après que son acte de décès eût été dressé, Y... déclara vouloir exercer son droit de préemption, le seul héritier du défunt étant, non le conjoint ou un descendant, mais sa mère, la dame X... ; que cette dernière assigna alors Y... en nullité de la clause de préemption ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir décidé que la clause litigieuse ne constituait pas un pacte sur succession future prohibée par l'article 1130 du Code civil, au motif qu'une telle stipulation était autorisée par l'article 1868 ; que, selon le pourvoi, ce dernier texte n'apporte aucune exception à la prohibition rigoureuse édictée par l'article 1130, qui doit dès lors frapper toute disposition du contrat de société ayant pour objet de déterminer, au décès d'un associé, la dévolution des droits sociaux de celui-ci contrairement aux règles d'ordre public de la dévolution successorale ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1868 du Code civil le pacte social peut prévoir, au décès d'un des associés, la continuation de la société entre les seuls survivants qui peuvent alors racheter dans les conditions prévues au contrat les parts sociales du prédécédé, qu'une telle stipulation, bien qu'attribuant aux associés survivants un droit éventuel sur une partie d'une succession non ouverte, est, par exception, autorisée par l'article 1868 et par suite ne tombe pas sous le coup de la prohibition des pactes sur succession future édictée par l'article 1130 ; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait l'arrêt attaqué, loin de violer les textes visés par le moyen en a fait au contraire une exacte application ; qu'ainsi le premier moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valable la clause litigieuse sans s'expliquer sur le moyen tiré par la veuve X... de ce que l'article 1868, à supposer qu'il validât de telles dispositions, ne le faisait que pour assurer la survie de la société, alors qu'elle avait été en l'espèce détournée de son but pour exclure frauduleusement certains héritiers de l'associé prédécédé, et qu'au surplus la Cour d'appel ne constatait pas que la compensation offerte à l'héritier évincé fût suffisante pour le dédommager ;
Mais attendu que la clause litigieuse, justement reconnue valable, emportait nécessairement pour l'associé survivant, la faculté d'écarter de la société l'héritier à qui cet associé pouvait imposer le rachat des parts sociales du prédécédé ; que l'arrêt attaqué, en constatant que les stipulations du pacte social respectaient l'égalité successorale et tous les droits héréditaires de la veuve X... "grâce à la prévision de certaines compensations efficaces", écartait par là même le moyen tiré d'une fraude prétendue ou d'une insuffisance matérielle du dédommagement en valeur ; qu'ainsi le rejet du premier moyen emporte en l'état des constatations de la Cour d'appel, le rejet du second moyen, et que l'arrêt attaqué, qui est motivé, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel de Rouen, le 14 mai 1957.