Sur le moyen unique :
Vu l'arrêt du 4 mai 1960 par lequel la Chambre sociale s'est déclarée incompétente et a renvoyé devant les Chambres réunies la connaissance du pourvoi formé par la Société "La Belle Jardinière" contre un jugement rendu le 12 mars 1954 par le Tribunal civil d'Aix-en-Provence désigné comme juridiction de renvoi après cassation d'une première décision du Tribunal de Marseille le 23 mars 1950 ;
Vu les articles 31 et suivants du Livre I du Code du travail, la Convention collective du 19 juin 1936 intervenue entre la Chambre syndicale de la Nouveauté de Marseille et le Syndicat général des employés de magasin toutes catégories, et la convention collective du 22 novembre 1936 passée entre la Chambre syndicale des Maîtres tailleurs de Marseille et le Syndicat général des ouvriers et ouvrières de l'habillement ;
Attendu que la demoiselle X..., ouvrière à la journée, travaillant à la Belle Jardinière succursale de Marseille en qualité de pompière, a été licenciée le 5 juillet 1949 à la suite d'une compression du personnel, autorisée par l'Inspection du travail ; qu'un préavis de huit jours lui a été donné et qu'une indemnité bénévole de 25.000 francs lui a été versée ;
Attendu que le jugement attaqué a condamné la Société La Belle Jardinière à verser à la demoiselle X... une indemnité de licenciement fixée à 89.580 francs, au motif que l'article premier de la Convention collective du 19 juin 1936 s'appliquait à tous les employés et employées de magasins, maisons de vente au détail de la ville de Marseille ; que la mention figurant à l'additif de ladite convention où est envisagé le cas des pompiers et pompières, fonction qu'occupait ladite ouvrière, impliquait nécessairement que ces ouvriers étaient soumis en principe à cette convention, que le versement de l'indemnité de licenciement n'est pas subordonné à un payement mensuel de salaire ; que l'interprétation contraire équivaudrait à rendre inapplicable aux ouvriers payés à la journée la convention collective ;
Attendu que l'article premier de la Convention collective du 19 juin 1936 précise qu'elle règle les conditions de salaire, de travail, d'hygiène et de sécurité de tous les "employés et employées" des magasins, maisons de vente au détail de Marseille autres que l'alimentation ; qu'un additif figurant à la suite de ce texte spécifiée que le présent contrat s'appliquerait aux employés payés au mois sans aucune réserve, mais qu'il était prévu spécialement que pour les pompiers et pompières leurs salaires seraient fixés par un autre contrat établi ultérieurement avec une autre formation syndicale ;
Attendu que ce contrat fut en effet signé le
22 novembre 1936 ; qu'il a pour titre "Convention collective de travail entre la Chambre syndicale des Maîtres tailleurs de Marseille et le Syndicat général des ouvriers et ouvrières de l'habillement", que ladite convention règle les conditions de travail et de salaire des pompiers, pompières, ouvriers et ouvrières tailleurs sur mesure, que pour les pompiers et pompières il est précisé qu'ils seront payés à la journée ;
Attendu que cette convention, contrairement à ce qu'a considéré le Tribunal, a eu pour objet de régler la situation générale de ces travailleurs commençant par fixer leur liberté syndicale, leur représentation dans les assemblées corporatives, les préavis de délai-congé, congés de maladie et conditions de travail ; que c'est cette convention du 22 novembre 1936, autonome et spéciale à cette catégorie d'ouvrières, qui ne comporte aucune référence à celle signée le 19 juin 1936, qui était en cause ;
Attendu qu'en statuant comme il l'a fait et en recherchant dans une convention collective, étrangère au cas de cette ouvrière, une clause d'où aurait pu naître une obligation pour son employeur, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE le jugement rendu entre les parties par le Tribunal civil d'Aix-en-Provence, le 12 mars 1951 ; remet en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nîmes.