SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :VIOLATION DES ARTICLES 2271 ET 2274 DU CODE CIVIL, AINSI QUE DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DU JUGEMENT ATTAQUE QUE LA DEMOISELLE X..., QUI AVAIT ETE AU SERVICE DU DOCTEUR Z... DU 6 FEVRIER 1955 AU 31 MARS 1956 EN QUALITE DE SAGE-FEMME, APRES AVOIR DONNE SA DEMISSION A CETTE DERNIERE DATE, A ASSIGNE SON ANCIEN EMPLOYEUR POUR LE FAIRE CONDAMNER A LUI VERSER DIVERSES SOMMES A TITRE, NOTAMMENT, D'HEURES SUPPLEMENTAIRES, DE GARDES SUPPLEMENTAIRES ET DE GARDES ACCOMPLIES LES DIMANCHES ET JOURS FERIES, D'INDEMNITES DE TRANSPORT ET DE REMBOURSEMENT DE REPAS QUI LUI AVAIENT ETE RETENUS SANS LUI AVOIR ETE FOURNIS ;
QUE Z... A FAIT VALOIR QUE LA DEMISSION AYANT ETE DONNEE LE 31 MARS, TOUTES LES SOMMES RECLAMEES ETAIENT PRESCRITES DEPUIS LE 1ER OCTOBRE ET QUE LE JUGEMENT ATTAQUE, APRES AVOIR DECIDE QUE LA PRESCRIPTION NE POUVAIT PAS ETRE OPPOSEE POUR LES SOMMES DUES AU TITRE DU MOIS DE MARS ET QU'ELLE N'ETAIT PAS APPLICABLE NON PLUS A CELLES RECLAMEES A TITRE DE REMBOURSEMENT DE REPAS NI A CELLES REPRESENTANT DES INDEMNITES DE TRANSPORT, DEFERA LE SERMENT AU DOCTEUR Z... POUR LES INDEMNITES D'HEURES SUPPLEMENTAIRES, DE FETES LEGALES ET DE GARDES SUPPLEMENTAIRES VENUES A ECHEANCE AVANT LE 1ER MARS 1956 ;
ATTENDU QU'EN SON POURVOI LE DOCTEUR Z... REPROCHE TOUT D'ABORD AUX JUGES DU FOND D'AVOIR DECIDE QUE LA PRESCRIPTION DE L'ARTICLE 2271 DU CODE CIVIL N'ETAIT PAS ACQUISE POUR LES SOMMES QU'IL DEVAIT PAYER LE 31 MARS 1956, AU MOTIF QUE LADITE PRESCRIPTION AVAIT ETE INTERROMPUE PAR LA CITATION DELIVREE LE 1ER OCTOBRE SUIVANT ALORS QUE, LA PRESCRIPTION EN MATIERE DE SALAIRES ETANT DE SIX MOIS, LE DELAI, EN L'ESPECE, AYANT COMMENCE A COURIR DES LE 1ER AVRIL, AVAIT PRIS FIN LE DERNIER JOUR DU SIXIEME MOIS, C'EST-A-DIRE LE 30 SEPTEMBRE, ET ALORS QUE, DE TOUTE FACON, LA CITATION EN JUSTICE VISEE PAR LE TRIBUNAL NE POUVAIT PRODUIRE EFFET QUE LE 2 OCTOBRE, DATE DE SA RECEPTION PAR LA PARTIE QUI OPPOSAIT LA PRESCRIPTION ;
MAIS, ATTENDU, SUR LA PREMIERE BRANCHE, QUE LE DERNIER JOUR DU DELAI, LORSQUE LE DELAI EST FIXE PAR ANNEES OU PAR MOIS EST CELUI QUI PORTE LE MEME QUANTIEME QUE LE PREMIER JOUR ;
QU'IL S'ENSUIT, EN L'ESPECE, QUE LES SIX MOIS N'AYANT COMMENCE A COURIR QU'A PARTIR DU 1ER AVRIL, N'ONT PRIS FIN QUE LE 1ER OCTOBRE A MINUIT ;
ET, SUR LA SECONDE BRANCHE, ATTENDU QUE LE TRIBUNAL RELEVE QUE LE DOCTEUR Z..., EN OPPOSANT LA PRESCRIPTION, S'EST BORNE A FAIRE VALOIR QUE L'ACTE DONT IL ETAIT FAIT ETAT COMME INTERROMPANT LA PRESCRIPTION, ETAIT ACQUISE A CETTE DATE ;
QUE LE MOYEN TIRE DE CE QU'IL N'AURAIT RECU QUE LE 2 OCTOBRE LA CITATION DELIVREE LE 1ER EST NOUVEAU ET, MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, NE SAURAIT ETRE SOULEVE POUR LA PREMIERE FOIS DEVANT LA COUR DE CASSATION ;
SUR LE SECOND MOYEN : VIOLATION DE L'ARTICLE 2275 DU CODE CIVIL, MANQUE DE BASE LEGALE ;
ATTENDU QUE Z... FAIT ENCORE GRIEF A LA DECISION QU'IL CRITIQUE D'AVOIR DECIDE QUE LE SERMENT LUI SERAIT DEFERE DANS LES TERMES SUIVANTS : "LE DOCTEUR Z... JURE-T-IL D'AVOIR PAYE A DEMOISELLE X..., OUTRE SON SALAIRE FIXE, LES SOMMES DE 216.237 FRANCS POUR HEURES SUPPLEMENTAIRES, CELLE DE 19.814 FRANCS POUR FETES LEGALES ET CELLE DE 105.156 FRANCS POUR INDEMNITE DE GARDES SUPPLEMENTAIRES ANTERIEUREMENT AU 1ER MARS" ;
ALORS QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 2275 DU CODE CIVIL DONT LA FORMULE NE POUVAIT ETRE MODIFIEE, LES JUGES DU FOND DEVAIENT EXCLUSIVEMENT DEMANDER "SI LA CHOSE AVAIT ETE REELLEMENT PAYEE" ;
MAIS ATTENDU QUE L'ARTICLE 2275 DU CODE CIVIL N'INSTITUE PAS UNE TELLE FORMULE DE SERMENT DONT LES TERMES DOIVENT ETRE EXCLUSIVEMENT EMPLOYES ;
QU'IL SUFFIT, POUR SATISFAIRE A SES DISPOSITIONS ET POUR QUE LE TRIBUNAL ACCEPTE LA DELATION DU SERMENT, QUE LA FORMULE PROPOSEE PAR LE DEMANDEUR NE PRETE A AUCUNE EQUIVOQUE SUR "LA CHOSE" DONT LE DEFENDEUR DOIT FAIRE SAVOIR SI ELLE A ETE REELLEMENT PAYEE, ET QU'ELLE SOIT TELLE QUE LA PRESTATION DE SERMENT METTRA FIN AU LITIGE ;
QU'IL S'ENSUIT QU'EN ACCEPTANT UNE FORMULE PRECISANT LE MONTANT DES SOMMES CONSTITUANT "LA CHOSE" QUI DEVAIT FAIRE L'OBJET DU SERMENT, LE TRIBUNAL, LOIN DE VIOLER LE TEXTE VISE AU MOYEN, EN A, AU CONTRAIRE, FAIT UNE EXACTE APPLICATION ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SA SECONDE BRANCHE : VIOLATION DE L'ARTICLE 2271 DU CODE CIVIL, MANQUE DE BASE LEGALE ;
ATTENDU QUE Z... REPROCHE AUSSI AU JUGEMENT QU'IL ATTAQUE D'AVOIR DECIDE QUE LA PRESCRIPTION DE L'ARTICLE 2271 DU CODE CIVIL NE POUVAIT PAS ETRE OPPOSEE A LA DEMANDE DE LA DEMOISELLE X... EN TANT QU'ELLE TENDAIT AU REMBOURSEMENT DES SOMMES QUE SON EMPLOYEUR AVAIT RETENUES PAR ERREUR EN REGLEMENT DES REPAS QU'ELLE N'AVAIT PAS PRIS, ALORS QUE LADITE PRESCRIPTION S'APPLIQUANT A TOUTES LES CREANCES QUI TIENNENT LIEU DE SALAIRE OU QUI ONT LEUR CAUSE DANS LA PRESTATION DU TRAVAIL ;
MAIS ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND ONT EXACTEMENT APPRECIE QUE, PAR CE CHEF DE SES CONCLUSIONS, LA DEMOISELLE X... DEMANDAIT, NON PAS LE PAYEMENT DE SALAIRES QU'ELLE N'AURAIT PAS RECUS, MAIS LE REMBOURSEMENT DE SOMMES QUE SON EMPLOYEUR LUI DEVAIT POUR LUI AVOIR FAIT PAYER DES REPAS QU'ELLE N'AVAIT PAS PRIS ;
QU'EN EN DEDUISANT QUE Z... N'ETAIT PAS FONDE A OPPOSER A CETTE CREANCE LA PRESCRIPTION DE L'ARTICLE 2271 DU CODE CIVIL QUI N'ETABLIT UNE PRESOMPTION DE PAYEMENT EXCLUSIVEMENT QUE POUR LES JOURNEES, FOURNITURES, SALAIRES OU AUTRES SOMMES QUI ONT DIRECTEMENT LEUR CAUSE DANS LA PRESTATION DU TRAVAIL, LE TRIBUNAL, LOIN DE VIOLER LE TEXTE VISE AU MOYEN, EN A JUSTEMENT DETERMINE LA PORTEE ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : VIOLATION DE L'ARTICLE 74B DU LIVRE IV DU CODE DU TRAVAIL, MANQUE DE BASE LEGALE ;
ATTENDU QUE Z... FAIT EGALEMENT GRIEF AUX JUGES D'APPEL DE L'AVOIR CONDAMNE A PAYER A LA DEMOISELLE BARBE Y...
A..., EN RETENANT UNIQUEMENT LES CHIFFRES DU CONSEILLER PRUD'HOMMES RAPPORTEUR, ALORS QU'ILS AURAIENT DU, NECESSAIREMENT, ORDONNER UNE MESURE D'INSTRUCTION ET ALORS QUE, S'IL EST DE PRATIQUE COURANTE AU CONSEIL DES PRUD'HOMMES DE LA SEINE DE RENVOYER LES PARTIES DEVANT UN CONSEILLER RAPPORTEUR POUR QU'IL SOIT, PAR LUI, PROCEDE A CERTAINES VERIFICATIONS D'ORDRE TECHNIQUE, CETTE MESURE NE DOIT, EN AUCUN CAS, CONSTITUER DE LA PART DE LA JURIDICTION SAISIE, UNE VERITABLE DELEGATION DE SON POUVOIR JURIDICTIONNEL ;
MAIS ATTENDU, SUR LA SECONDE BRANCHE, QU'EN DONNANT, A TITRE DE SIMPLE RENSEIGNEMENT, EN MEME TEMPS QUE LE RESULTAT DE SES VERIFICATIONS D'ORDRE TECHNIQUE, SON AVIS SUR LES SOMMES QUI LUI PARAISSAIENT POUVOIR ETRE ALLOUEES A L'UNE DES PARTIES, LE CONSEILLER PRUD'HOMMES RAPPORTEUR N'EST PAS SORTI DU CADRE DE LA MISSION QUI, EN L'ABSENCE DE TEXTE L'INTERDISANT, POUVAIT LUI ETRE DONNEE ;
ET, SUR LA PREMIERE BRANCHE, ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND, QUI N'ETAIENT POINT TENUS D'ORDONNER UNE MESURE D'INSTRUCTION DES LORS QU'ILS SE CONSIDERAIENT COMME SUFFISAMMENT ECLAIRES ;
N'ONT FAIT QU'USER DE LEUR POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIATION EN ADOPTANT LES CHIFFRES PROPOSES PAR LE CONSEILLER PRUD'HOMME RAPPORTEUR ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LES PREMIER, DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS DANS SA SECONDE BRANCHE ET LE QUATRIEME MOYEN ;
MAIS, SUR LA PREMIERE BRANCHE DU TROISIEME MOYEN : VU L'ARTICLE 2271 DU CODE CIVIL ;
ATTENDU QU'EN VERTU DE CE TEXTE L'ACTION DES OUVRIERS ET GENS DE TRAVAIL, POUR LE PAYEMENT DE LEURS JOURNEES, FOURNITURES ET SALAIRES, SE PRESCRIT PAR SIX MOIS ;
QUE CET ARTICLE CONCERNE TOUTES LES CREANCES QUI ONT LEUR CAUSE DANS LA PRESTATION DU TRAVAIL ;
ATTENDU QUE POUR CONDAMNER Z... A PAYER A LA DEMOISELLE X... LA SOMME DE DIX MILLE SIX CENT TRENTE-NEUF FRANCS REPRESENTANT LES INDEMNITES DE TRANSPORT QUE CETTE DERNIERE PRETENDAIT N'AVOIR POINT PERCUES, LE JUGEMENT CONFIRMATIF ATTAQUE, FAISANT DROIT AUX CONCLUSIONS D'APPEL INCIDENT, DE LA DEMOISELLE X..., DECIDE QUE CES INDEMNITES DE TRANSPORT, CONSTITUANT UN REMBOURSEMENT DE FRAIS ET NON PAS UN SALAIRE, SE TROUVENT, DE CE FAIT, HORS DU CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 2271 ;
QU'EN STATUANT AINSI, ET EN RETIRANT DE LA FORMULE DU SERMENT PROPOSEE SUBSIDIAIREMENT PAR LA DEMOISELLE X... LA SOMME DE 10.639 FRANCS REPRESENTANT DES FRAIS DE TRANSPORT ALORS QUE CETTE INDEMNITE A DIRECTEMENT SA CAUSE DANS LA PRESTATION DU TRAVAIL, LES JUGES DU FOND ONT FAUSSEMENT INTERPRETE, DONC VIOLE, LE TEXTE VISE AU MOYEN ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS UNIQUEMENT DU CHEF RELATIF A L'INDEMNITE DE TRANSPORT, LE JUGEMENT RENDU ENTRE LES PARTIES PAR LE TRIBUNAL CIVIL DE LA SEINE, LE 9 FEVRIER 1959 ;
REMET EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT JUGEMENT, ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VERSAILLES. NO 59-40.222. DOCTEUR Z... C/ DEMOISELLE X.... PRESIDENT : M. VERDIER. - RAPPORTEUR : M. LEVADOUX. - PREMIER AVOCAT GENERAL : M. GAVALDA.
