| France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 27 mai 1960, JURITEXT000006954339

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QUE, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE, BADOC-LOYAL, INDUSTRIEL, SPECIALISE DES AVANT 1939 DANS LA CONCENTRATION DES MOUTS DE RAISIN ET DISPOSANT, DANS LES REGIONS D'ARLES ET DE NARBONNE, D'USINES SUSCEPTIBLES DE PRODUIRE DU SUCRE A PARTIR DE CES MOUTS, SE PLAIGNIT D'ACTES DE CONCURRENCE DELOYALE COMMIS A SON PREJUDICE PAR LA SOCIETE DES RAFFINERIES DE SAINT-LOUIS QUI BIEN QU'ETRANGERE JUSQU'ALORS A CE GENRE DE FABRICATION, AVAIT OUVERT ET EXPLOITE DU 17 AVRIL AU 9 MAI 1941, A ORANGE, SANS L'AUTORISATION PREALABLE IMPOSEE PAR LA REGLEMENTATION EN VIGUEUR, UNE USINE DE CONCENTRATION DE JUS DE RAISIN ET QUI, POUR LES DECISIONS QU'ELLE AURAIT FAIT PRENDRE AU GROUPEMENT DE CONCENTRATEURS, DONT ELLE AVAIT LA DIRECTION DE FAIT, SE SERAIT COMPORTEE COMME EXERCANT UN VERITABLE MONOPOLE DANS CE GENRE D'ACTIVITE, QU'IL ASSIGNA, EN CONSEQUENCE, LADITE SOCIETE EN REPARATION DU PREJUDICE PAR LUI SUBI;

ATTENDU QUE LE POURVOI REPROCHE A LA DECISION DEFEREE D'AVOIR ACCUEILLI CETTE DEMANDE SANS RELEVER DE FAUTE PERSONNELLE A LA CHARGE DE LA DEMANDERESSE EN CASSATION ELLE-MEME OU EN N'EN RETENANT UNE QUE POUR UN MOTIF HYPOTHETIQUE;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL CONSTATE QUE LES USINES DE BADOC-LOYAL AVAIENT TOUTE POSSIBILITE ET TOUTES AUTORISATIONS POUR EFFECTUER, DANS LES MEILLEURS CONDITIONS ECONOMIQUES, LE TRAITEMENT COMPLET DES MOUTS DE RAISIN ET QU'IL EUT ETE CONFORME A LA REGLEMENTATION EN VIGUEUR DE LES ALIMENTER DE PREFERENCE A L'USINE NOUVELLEMENT INSTALLEE A ORANGE PAR LES RAFFINERIES DE SAINT-LOUIS;

QU'ELLE RELEVE QUE LESDITES USINES NE RECURENT CEPENDANT QUE DES ALLOCATIONS DE MOITIE INFERIEURES A LEUR CAPACITE, ET QUE, QUELQUES JOURS APRES QU'IL LEUR EUT ETE REFUSE UNE ATTRIBUTION DE FUEL PAR LE GROUPEMENT DES CONCENTRATEURS QUI DISTRIBUAIT DISCRETIONNAIREMENT LES CARBURANTS ET DANS LEQUEL LES RAFFINERIES DE SAINT-LOUIS AVAIENT LA MAJORITE, L'USINE D'ORANGE, MALGRE LA PENURIE DE COMBUSTIBLE, SE VOYAIT DONNER LA POSSIBILITE DE FONCTIONNER IMMEDIATEMENT;

ATTENDU QU'IL RESSORT DE CES ENONCIATIONS QUE LES DECISIONS DU GROUPEMENT DES CONCENTRATEURS N'AVAIENT PU ETRE PRISES QU'AVEC LE CONCOURS ET A L'INSTIGATION DE LA SOCIETE DES RAFFINERIES DE SAINT-LOUIS, DANS LE BUT DE FAVORISER CELLE-CI, A UNE EPOQUE OU ELLE N'AVAIT PAS ENCORE LE DROIT DE S'IMMISCER DANS CE GENRE D'INDUSTRIE;

QUE, DANS CES CIRCONSTANCES, ABSTRACTION FAITE DES MOTIFS CRITIQUES COMME DUBITATIFS PAR LE POURVOI, QUI PEUVENT ETRE TENUS POUR SURABONDANTS, LES JUGES DU FOND ONT PU ADMETTRE QUE LES RAFFINERIES DE SAINT-LOUIS AVAIENT, PAR LEUR FAUTE, ENTRAVE DE FACON PREJUDICIABLE, L'ACTIVITE INDUSTRIELLE DE BADOC-LOYAL;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;

MAIS SUR LE SECOND MOYEN : VU L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL;

ATTENDU QU'UNE CREANCE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE N'EXISTE ET NE PEUT PRODUIRE D'INTERETS MORATOIRES QUE DU JOUR OU ELLE EST ALLOUEE JUDICIAIREMENT, LA VICTIME N'AYANT, JUSQU'A LA DECISION DE JUSTICE QUI LUI ACCORDE UNE INDEMNITE, NI TITRE DE CREANCE, NI DROIT RECONNU DONT ELLE PUISSE SE PREVALOIR;

QUE SI LES JUGES DU FOND PEUVENT CEPENDANT ORDONNER QUE CETTE CREANCE PORTERA INTERETS A UNE DATE ANTERIEURE A LEUR DECISION, C'EST A LA CONDITION DE PRECISER QUE CES INTERETS ONT UN CARACTERE COMPENSATOIRE ET SONT ACCORDES A TITRE DE SUPPLEMENT DE DOMMAGES-INTERETS;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A CONDAMNE LA SOCIETE DES RAFFINERIES DE SAINT-LOUIS A PAYER A BADOC-LOYAL, EN REPARATION DU PREJUDICE SUBI PENDANT LA PERIODE DE FONCTIONNEMENT ILLICITE DE L'USINE D'ORANGE, LA SOMME DE 1500000 FRANCS AVEC INTERETS DE DROIT DU JOUR DE LA DEMANDE EN JUSTICE, SANS SPECIFIER QUE LESDITS INTERETS ETAIENT ALLOUES A TITRE COMPENSATOIRE ET DE SUPPLEMENT DE DOMMAGES-INTERETS;

QU'IL A AINSI VIOLE LE TEXTE SUSVISE;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT EN CE QUI CONCERNE LE POINT DE DEPART DES INTERETS DE LA SOMME ALLOUEE A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS, L'ARRET RENDU LE 20 MAI 1958, PAR LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE;

REMET EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET, ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE NIMES