Sur le moyen unique :
Vu l'article 31, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1867 ;
Attendu que ce texte qui confère à tout actionnaire un droit de vote dans les assemblées générales, proportionnel au nombre d'actions qu'il possède, sauf limitation statutaire, ne lui reconnaît pas par là même un droit propre et intangible à l'acquisition de nouvelles actions ;
Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué que sur proposition du Conseil d'administration de la société anonyme "l'Union commerciale" fondée en 1896, les actionnaires de celle-ci, réunis en assemblée générale extraordinaire le 9 juin 1953, ont voté une modification à l'article 12 des statuts ; qu'il a été décidé que les actions seraient dorénavant toutes de forme nominative, et que toute cession d'actions, même entre actionnaires, à titre gratuit ou onéreux, devrait pour devenir définitive, être approuvée par le Conseil d'administration, et qu'après refus d'agrément du cessionnaire le Conseil pourrait se rendre acquéreur, pour le compte de qui il appartiendra, des actions offertes au prix indiqué" ;
Que certains actionnaires ont engagé une action en nullité de ladite décision de l'assemblée générale ;
Attendu que pour accueillir cette action la Cour d'appel s'est fondée en particulier sur les dispositions impératives d'ordre public de l'alinéa 2 de l'article 31 de la loi du 24 juillet 1867, d'où il résulte "que l'actionnaire possède dans les assemblées un droit propre de vote égal pour tous les actionnaires porteurs de titres de la même entreprise, proportionnel au nombre des actions et qui ne peut être limité que si la limitation est uniforme pour tous", qu'elle en déduit "que cette égalité serait rompue et l'unité de la limitation ne serait qu'un leurre si, par la possibilité d'un vote du Conseil d'administration, le nombre de voix dont pourrait disposer l'actionnaire serait limité pour les non agréés, illimité pour les agréés" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et alors qu'en l'espèce il n'y avait pas limitation apportée au nombre de voix attachées à la possession de certaines actions, l'arrêt attaqué a faussement appliqué, donc violé le texte susvisé ;
Attendu que vainement encore, pour justifier sa décision la Cour prétend que la clause incriminée des statuts serait incompatible avec "l'affectio societatis", "éléments spécifiques du contrat de société", qu'en effet l'intention nécessaire des associés de collaborer n'entache pas de nullité une mesure qui tend précisément à empêcher que l'intérêt de certains d'entre eux l'emporte sur celui de tous ;
Attendu enfin qu'il ne saurait être valablement soutenu, comme l'affirme l'arrêt attaqué que "le droit d'agrément conféré au Conseil d'administration à l'encontre d'un actionnaire aboutit à un renversement de la structure des sociétés par actions" en permettant audit Conseil de composer la majorité au sein des assemblées générales et "d'assurer ainsi la durée de son mandat" dès l'instant que par la susdite clause aucune atteinte n'est portée au libre exercice du droit de vote des actionnaires, et que les administrateurs demeurent révocables par décision de l'assemblée générale, conformément aux dispositions de l'article 22 de la loi du 24 juillet 1867 ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 24 novembre 1954, par la Cour d'appel de Paris, en ce qu'il a prononcé la nullité de l'article 12 des statuts de l'Union commerciale.