ARRET
du 4 août 1942.
MM. Frémicourt, premier président ; Lerebours-Pigeonniere, rapporteur ; Rateau, avocat général ; Me boivin-Champeaux, avocat.
CASSATION, sur pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 14 février 1938.
Affaire : "LES FILS DE BARDINET" contre société FERRE ET DUFFOURG.
La Cour,
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1386 du Code civil ;
Attendu que l'article 1386 du Code civil, visant spécialement la ruine d'un bâtiment pour imposer sans distinction au propriétaire la responsabilité de ce fait et le subordonner à la preuve d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction, exclut l'application de la disposition générale de l'article 1384, paragraphe 1er, relative à la responsabilité du fait de toute chose mobilière ou immobilière que l'on a sous sa garde ;
Attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que la toiture d'un immeuble appartenant à la société "Les fils de Bardinet" a été détruite partiellement par le vent ; que ses débris, projetés sur les maisons voisines, les ont détériorées ; que, l'une des victimes, la Société Ferré et Duffourg, ayant demandé réparation de son préjudice sur le fondement des articles 1384, paragraphe 1er et 1386 du Code civil, le tribunal civil de Bordeaux l'a déboutée, motif pris que le vent d'une violence particulière aurait revêtu le caractère de la force majeure ;
Attendu que sur appel, la Cour de Bordeaux, après avoir reconnu que la société propriétaire de la toiture n'encourait, à ce titre, aucune responsabilité en vertu de l'article 1386 du Code civil, parce qu'il est constant que son immeuble était en excellent état et qu'aucun vice de construction dans la conception et la réalisation technique de la couverture n'avait été révélé par l'expertise, a néanmoins condamné ladite société en sa qualité de gardienne à indemniser la victime par application de l'article 1384, paragraphe 1er, l'exception de force majeure étant rejetée ;
Mais attendu que la ruine du bâtiment est un cas particulier du fait de la chose immobilière ou mobilière dont doit répondre le gardien, que, si le propriétaire en est toujours responsable en vertu de l'article 1386, c'est qu'il a le devoir d'exercer une surveillance normale sur l'état de son bâtiment même en présence d'un locataire ;
Attendu que cette responsabilité n'a lieu que sous des conditions qui dérogent à l'article 1384, paragraphe 1er du Code civil, de telle sorte qu'en l'absence de ces conditions, le propriétaire ne saurait encourir aucune responsabilité du fait de la chute des matériaux ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen :
Casse.