La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/1937 | FRANCE | N°JURITEXT000006952869

France | France, Cour de cassation, Chambre civile, 28 juillet 1937, JURITEXT000006952869


CASSATION, sur le pourvoi du sieur X..., d'un arrêt rendu le 9 novembre 1932, par la Cour d'appel de Paris, au profit des époux Y....

ARRET

du 28 juillet 1937.

La Cour,

Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Josserand, en son rapport, Maîtres Pluyette et David, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions, et après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil ;

Sur le premier moyen, pris dans sa première branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;
r>Attendu que le demandeur d'une indemnité délictuelle ou quasi-délictuelle doit justifier, non d'un...

CASSATION, sur le pourvoi du sieur X..., d'un arrêt rendu le 9 novembre 1932, par la Cour d'appel de Paris, au profit des époux Y....

ARRET

du 28 juillet 1937.

La Cour,

Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Josserand, en son rapport, Maîtres Pluyette et David, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions, et après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil ;

Sur le premier moyen, pris dans sa première branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que le demandeur d'une indemnité délictuelle ou quasi-délictuelle doit justifier, non d'un dommage quelconque, mais de la lésion certaine d'un intérêt légitime, juridiquement protégé ;

Attendu que, le Sieur Z... ayant été renversé et tué par un taxi-automobile que conduisait François X..., le Tribunal de commerce de la Seine accorda deux indemnités, l'une de 15000 francs, à la demoiselle A..., avec laquelle la victime vivait maritalement, l'autre de 10000 francs aux époux Y..., dont la femme était la fille naturelle reconnue de Z... et de sa concubine, ces deux indemnités étant mises à la charge de X... père, civilement responsable, en tant que commettant, du dommage causé par son fils ; que, sur appel principal formé par X... père, et sur appel incident des époux Y..., reprenant l'instance engagée par leur mère et belle-mère, décédée dans l'intervalle, la Cour de Paris, confirmant la décision des premiers juges en ce qui concerne tant la responsabilité de X... que l'indemnité allouée aux époux Y..., mais la réformant pour le surplus, condamna X... père à payer :

1° la somme de 10000 francs aux époux Y..., pour réparation du dommage moral à eux causé personnellement par la mort de leur père et beau-père naturel, ainsi que pour remboursement des frais funéraires ; 2° la somme de 20000 francs aux mêmes époux Y..., la dame Y... étant prise ici en qualité d'héritière de sa mère naturelle, la demoiselle A..., et cela en réparation du préjudice matériel causé à celle-ci par la mort de Z... ; que cette décision est fondée, d'abord sur la durée et la continuité des relations des concubins, puis sur l'existence d'une fille naturelle, par eux reconnue, élevée et entretenue à frais communs, jusqu'à l'époque de son mariage ; enfin, sur la contribution apportée par Z... aux besoins de la vie commune auxquels il affectait la majeure partie de ses salaires ;

Attendu que le pourvoi, se référant uniquement à la seconde de ces condamnations, reproche à l'arrêt d'avoir alloué une indemnité à la demoiselle A... à raison de l'accident causé à son concubin, le sieur Z..., alors qu'il n'existait entre eux aucun lieu de droit, de parenté ou d'alliance et que les relations qui les unissaient avaient un caractère immoral, et d'avoir ainsi violé les articles 1382 et 1384 du Code civil et 7 de la loi du 20 avril 1810 ;

Attendu que le concubinage demeure, en toute occurrence, quelles que soient ses modalités et sa durée, une situation de fait qui ne saurait être génératrice de droits au profit des concubins et vis-à-vis des tiers ;

Attendu, en effet, que les relations établies par le concubinage ne peuvent, à raison de leur irrégularité même, présenter la valeur d'intérêts légitimes, juridiquement protégés ; que, susceptibles de créer des obligations à la charge des concubins, elles sont impuissantes à leur conférer des droits à l'encontre d'autrui, et notamment contre l'auteur responsable de l'accident survenu à l'un d'eux ; que, spécialement, la créance d'aliments de la concubine, qui, du vivant du concubin, n'était que naturelle, ne saurait servir de base, au jour de l'accident et du décès, à une créance civile, s'affirmant par l'exercice, contre l'auteur du dommage, d'une action en responsabilité ;

D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner ni la seconde branche du premier moyen, ni le deuxième moyen ;

Casse et annule, mais seulement en ce qui concerne l'indemnité de 20000 francs allouée aux époux Y..., du chef de la demoiselle A..., la dame Y... étant prise en qualité d'héritière de sa mère.


Synthèse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006952869
Date de la décision : 28/07/1937
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE CIVILE - AUTOMOBILE - ACCIDENT MORTEL CAUSE A UN TIERS - DOMMAGES-INTERETS - CONCUBINAGE - ACTION DE LA CONCUBINE CONTRE L'AUTEUR RESPONSABLE DE L'ACCIDENT - ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL - DUREE ET CONTINUITE DE LA VIE COMMUNE - ABSENCE DE LIEN DE DROIT, DE PARENTE OU D'ALLIANCE - DEFAUT D'UN INTERET LEGITIME JURIDIQUEMENT PROTEGE - SITUATION DE FAIT IMPUISSANTE A CREER DES DROITS AU PROFIT DES CONCUBINES ET VIS-A-VIS DES TIERS

Le demandeur d'une indemnité, délictuelle ou quasi-délictuelle, doit justifier, non d'un dommage quelconque, mais de la lésion certaine d'un intérêt légitime, juridiquement protégé. Les relations établies par le concubinage ne présente, à raison de leur irrégularité même, quelles que soient leurs modalités et leur durée, présenter la valeur d'un intérêt légitime juridiquement protégé. A ce titre, elles ne sauraient devenir génératrices de droits au profit des concubines et vis-à-vis des tiers. Spécialement, la concubine n'est pas fondée à réclamer des dommages-intérêts à l'auteur responsable de l'accident dans lequel le concubin a trouvé la mort, la créance simplement naturelle qu'elle avait du vivant de ce dernier ne pouvait, lors de son décès, servir de base à une créance civile s'affirmant par l'exercice, contre l'auteur responsable du dommage, d'une action en responsabilité. Et l'arrêt qui accorde, dans de telles circonstances et en se fondant sur la durée de la continuité des relations entre les concubins, des dommages-intérêts à la concubine, viole la disposition de l'article 1382 et encourt donc la cassation.


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel Paris, 09 novembre 1932


Publications
Proposition de citation : Cass. Chambre civile, 28 jui. 1937, pourvoi n°JURITEXT000006952869, Bull. civ. des arrêts Cour de Cassation Chambre civile N. 181 p. 377
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles des arrêts Cour de Cassation Chambre civile N. 181 p. 377

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1937:JURITEXT000006952869
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award