CASSATION, sur le pourvoi du sieur X... ès qualités, d'un arrêt rendu le 18 décembre 1931, par la Cour d'appel de Lyon, au profit des sieurs Y....
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Edmond Durand, en son rapport ; Mes Defert et Durnerin, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions et après avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 8, 9, 41 de la loi du 7 mars 1925 ;
Attendu que le régime d'une société à responsabilité limitée ne saurait être différent suivant qu'elle existe sous cette forme par transformation d'une société d'autre nature déjà existante ou qu'elle a été constituée telle dès l'origine ; que, notamment, dans l'un et l'autre cas, les garanties légalement assurées aux tiers et les responsabilités corrélatives des associés, éléments spécifiques de ce genre de sociétés, doivent être identiques ;
Attendu que, par acte sous seing privé du 1er octobre 1928, les frères Y... ont transformé en société à responsabilité limitée la société en nom collectif qui existait entre eux ; que cette société a été déclarée en état de liquidation judiciaire le 5 février 1930 ; que le liquidateur a saisi le Tribunal de commerce de Roanne d'une demande tendant à faire prononcer la nullité de la société ainsi transformée, en se fondant sur l'inobservation des prescriptions de l'article 8 de la loi du 7 mars 1925, les apports en nature n'ayant pas été évalués dans l'acte de transformation ; que l'arrêt attaqué réformant la décision des premiers juges, a rejeté cette demande et décidé que si l'évaluation des apports en nature doit être contenue, aux termes de l'article 8 précité, dans l'acte de société, c'est-à-dire dans l'acte constitutif, rien n'autorise à étendre cette exigence au cas où les associés, usant de la faculté donnée par l'article 41 de ladite loi du 7 mars 1925, transforment une société préexistante en société à responsabilité limitée, sans d'ailleurs qu'il y ait modification du capital social ;
Mais attendu que si, dans la société à responsabilité limitée les associés ne sont tous tenus que jusqu'à concurrence de leur part d'intérêt, et si la loi n'impose aucune procédure de vérification des apports, ces avantages ou facilités, ont comme contre-partie des obligations compensatoires et celle, en particulier, d'évaluer les apports en nature, le défaut d'évaluation, ou l'évaluation soit frauduleuse, soit simplement inexacte comportant des responsabilités et des sanctions auxquelles les associés transformateurs, pas plus que les fondateurs, ne peuvent être autorisés à se soustraire ;
Attendu que l'utilité de l'évaluation prescrite par l'article 8 apparaît spécialement lorsque la société transformée était une société en nom collectif, puisque, en ce cas, les apports n'ont été originairement soumis à aucune vérification ni contrôle ;
D'où il suit qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé les textes de loi ci-dessus visés ;
Par ces motifs ;
CASSE,