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18/12/1935 | FRANCE | N°JURITEXT000006952829

France | France, Cour de cassation, Chambre civile, 18 décembre 1935, JURITEXT000006952829


CASSATION, sur le pourvoi des sieurs Raoul X... et Y..., ès qualités, d'un arrêt rendu, le 22 février 1930, par la cour d'appel de Paris, au profit des époux Z... et du sieur Henri X....

ARRET

du 8 décembre 1935.

La Cour,

Ouï, en l'audience publique du 17 décembre 1935, M. le conseiller Tournon, en son rapport, et, à l'audience publique de ce jour, Me Célice, successeur de Me Hannotin, avocat des demandeurs ; Me Boivin-Champeaux, avocat des défendeurs, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions ;>
Et après en avoir délibéré conformément à la loi en la chambre du conseil ;

Sur le p...

CASSATION, sur le pourvoi des sieurs Raoul X... et Y..., ès qualités, d'un arrêt rendu, le 22 février 1930, par la cour d'appel de Paris, au profit des époux Z... et du sieur Henri X....

ARRET

du 8 décembre 1935.

La Cour,

Ouï, en l'audience publique du 17 décembre 1935, M. le conseiller Tournon, en son rapport, et, à l'audience publique de ce jour, Me Célice, successeur de Me Hannotin, avocat des demandeurs ; Me Boivin-Champeaux, avocat des défendeurs, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi en la chambre du conseil ;

Sur le premier moyen :

Attendu que, par une interprétation du codicille litigieux non critiquée par le pourvoi, la cour d'appel a jugé que Victorien-Joseph X..., de cujus, avait entendu, non point léguer à sa seconde femme la moitié des biens à lui propres énumérés dans cet acte, mais donner rétroactivement à ces biens propres la qualité de biens de communauté, de façon que sa dite femme en recueillit, lors du partage, une moitié directement, à titre de copropriétaire ;

Attendu qu'ainsi comprise, cette disposition testamentaire avait pour but et aurait eu pour effet de faire considérer comme en dehors de l'actif héréditaire une portion des biens dont le de cujus n'avait jamais disposé, ni à titre onéreux, ni à titre gratuit et qui, à l'instant de son décès, faisaient, par conséquent, partie de son patrimoine avec le caractère de propres à eux imprimé par les clauses du pacte matrimonial, inéluctables, en tout cas, jusqu'à ce moment, inclus, de la dissolution du mariage ; que ledit codicille portait, par-là, atteinte aux droits des enfants en tant qu'il aurait empêché la formation de la masse successorale conformément aux règles légales combinées avec les stipulations du contrat de mariage du de cujus ; d'où il suit qu'abstraction faite des motifs de l'arrêt critiqués par le pourvoi, l'annulation du codicille litigieux reste légalement justifiée ;

Rejette le premier moyen.

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le pourvoi reproche à la cour d'appel d'avoir déclaré propres au de cujus 45 actions et une part de fondateur de la Société l'"Union commerciale", que celui-ci avait reçues, au cours de la communauté d'acquêts en rémunération de l'apport fait par lui à cette Société, de son fonds de commerce propre ;

Mais attendu que l'opération par laquelle l'apporteur et la Société s'étaient donné respectivement le fonds de commerce contre des valeurs mobilières déterminées, et les valeurs, contre le fonds de commerce, avait eu pour effet, aux termes de l'article 1407 du Code civil, de faire entrer les titres dans le patrimoine du de cujus, avec le même caractère de propres qui appartenait au fonds de commerce dont ils prenaient directement et immédiatement la place ; qu'il est, dès lors, indifférent qu'au moment de cette opération Victorien-Joseph X... n'ait pas fait la déclaration prévue par l'article 1434 du Code civil pour le cas de remploi de sommes provenues de la vente d'un propre, mais soumises au quasi-usufruit de la communauté et au droit de disposition en résultant pour celle-ci ;

Rejette le deuxième moyen ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1498 du Code civil ;

Attendu que, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts qui était le régime adopté par le de cujus et sa seconde femme, les meubles et immeubles acquis à titre onéreux pendant le mariage font partie de l'actif de la communauté ;

Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré propres au mari 90 actions nouvelles de la Société "L'Union commerciale" que ce dernier avait souscrites, lors d'une augmentation de capital de cette Société, et au cours de son second mariage, en vertu du droit de préemption attaché à la possession de ses 45 actions anciennes ; que la cour d'appel a statué ainsi pour l'unique motif que ces actions nouvelles auraient été un accessoire des 45 actions anciennes, et sans rechercher si elles avaient été libérées en totalité ou en partie, au moyen des réserves sociales ;

Attendu, sans doute, que le droit conféré par une Société à ses actionnaires d'acquérir, s'ils le jugent bon, un nombre déterminé d'actions créées par augmentation du capital, prend le caractère propre ou commun des actions anciennes dont il constitue bien l'accessoire ;

Mais que les titres eux-mêmes achetés en vertu de ce droit de préemption ou l'option, moyennant des sommes d'argent sorties toutes de la caisse de la communauté d'acquêts, ne sauraient échapper à la règle de l'article 1498 qui attribue à la communauté tous les biens acquis à titre onéreux et autrement qu'en remploi, pendant le mariage ;

D'où il suit que, dans sa partie critiquée par le troisième moyen, l'arrêt attaqué a violé le texte de loi susvisé ;

Par ces motifs ;

Casse et annule, mais en tant seulement qu'il a déclaré propres au mari les 90 actions d'augmentation de capital.


Synthèse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006952829
Date de la décision : 18/12/1935
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1) CONTRAT DE MARIAGE - IMMUTABILITE DES CONVENTIONS MATRIMONIALES - MODIFICATION PAR LE TESTAMENT DE L'UN DES EPOUX - DISPOSITION TRANSFORMANT DES BIENS PROPRES EN BIENS COMMUNS - NULLITE DE LA CLAUSE.

Si l'époux commun en biens peut, dans la limite de la quotité disponible, léguer à son conjoint des biens dépendant de son patrimoine propre, il ne saurait, par son testament, transformer rétroactivement en biens de communauté les biens ou partie des biens existant, à l'instant de son décès, dans son patrimoine avec le caractère de propres qui leur était imprimé par les clauses du pacte matrimonial, inéluctables, en tout cas, jusqu'à ce moment, inclus, de la dissolution du mariage.

2) COMMAUNAUTE - COMMUNAUTE REDUITE AUX ACQUETS - FONDS DE COMMERCE PROPRE A L'UN DES EPOUX - APPORT A UNE SOCIETE - ACTIONS D'APPORT - CARACTERE DE PROPRES - ACTIONS NOUVELLES D'AUGMENTATION DE CAPITAL SOUSCRITES PENDANT LE MARIAGE EN VERTU DU DROIT DE PREEMPTION ATTACHE A DES ACTIONS ANCIENNES PROPRES - ACQUISITION AVEC DES DENIERS DE COMMUNAUTE - BIENS COMMUNS.

Lorsque l'un des époux apporte à une société un fonds de commerce à lui propre, les actions d'apport qui lui sont attribuées en contre-partie prennent directement et immédiatement, dans son patrimoine, la place du propre objet de l'apport et elles lui sont également propres par application de l'article 1407 du Code civil sans qu'il ait à faire les déclarations prévues par l'article 1434 du Code civil pour le cas seulement de remploi de sommes provenues de la vente d'un propre mais soumises au quasi-usufruit et au droit de disposition en résultant pour celle-ci. Mais il en est autrement des actions nouvelles d'augmentation de capital que l'un des époux souscrit, pendant le mariage, en vertu du droit de préemption attaché à la possession d'actions anciennes, propres, et qu'il libère au moyen de fonds puisés dans la caisse de la communauté ; en ce cas, ce qui est l'accessoire des actions anciennes, propre comme celles-ci, c'est seulement le droit de préemption ou d'option accordé au titulaire des actions anciennes et qui est susceptible, d'ailleurs, d'être aliéné par lui à titre onéreux. Quant aux actions nouvelles elles-mêmes, acquises en vertu de cette faculté d'option, mais avec des deniers de la communauté, elles tombent en communauté, conformément à la règle générale de l'article 1498 du Code civil.


Références :

Code civil 1407
Code civil 1434
Code civil 1498

Décision attaquée : Cour d'appel Paris, 22 février 1930


Publications
Proposition de citation : Cass. Chambre civile, 18 déc. 1935, pourvoi n°JURITEXT000006952829, Bull. civ. des arrêts Cour de Cassation Chambre civile N. 209 p. 369
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles des arrêts Cour de Cassation Chambre civile N. 209 p. 369

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1935:JURITEXT000006952829
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