CASSATION, sur le pourvoi de la demoiselle X..., d'un arrêt rendu, le 29 décembre 1930 par la cour d'appel de Besançon, au profit du sieur Y....
ARRET
du 11 juillet 1935.
La Cour,
Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Regnault, en son rapport ; Maîtres Labbé et Célice, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions ;
Et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;
Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi :
Attendu d'après la défense que l'arrêt d'avant dire droit du 29 janvier 1930, par lequel la cour de Besançon avait autorisé la demanderesse à faire la preuve par témoins de certains faits tendant à établir la participation de Y... à l'entretien de son enfant en qualité de père, et avait en outre ordonné d'office que la peuve devrait être faite du caractère public de cette participation, était par le fait même qu'il préjugeait de la décision à intervenir sur le fond, un arrêt interlocutoire , que n'ayant fait l'objet d'aucun pourvoi dans les délais légaux, il avait comme tel acquis l'autorité définitive de la chose jugée et que la demoiselle X... serait par suite irrecevable à attaquer l'application faite par la décision entreprise des principes de droit posés par cet arrêt ;
Mais attendu que, s'il est vrai que les arrêts interlocutoires peuvent être attaqués par la voie du recours en cassation, il n'en résulte pas qu'à défaut de pourvoi, ils aient, en ce qui concerne la portée des mesures d'instructions qu'ils prescrivent, force de chose jugée à l'égard de la décision à intervenir sur le fond ; qu'ainsi le pourvoi est recevable ;
Au fond :
Sur le moyen unique ;
Vu l'article 340, paragraphe 1er, n° 5 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée dans le cas où le père prétendu a pourvu ou participé à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en qualité de père ; que la loi n'exige pas que cette participation ait eu un caractère public ;
Attendu que la demoiselle X... ayant intenté une action à l'effet de faire déclarer Y... père de l'enfant dont elle est accouchée le 30 mai 1927, l'arrêt attaqué, tout en constatant qu'il est établi par l'enquête à laquelle il a été procédé, que ledit Y... avait, les 17 juillet et 13 août 1927, remis à un tiers diverses sommes d'argent, en qualité de père, pour les soins à donner à l'enfant dont s'agit, et pour son entretien, se fonde pour repousser la demande sur ce motif de droit que la disposition de l'article 340, paragraphe 1er, n° 5 du Code civil a pour objet de consacrer la possession d'état résultant de l'attitude volontaire et publique prise par le père prétendu à l'égard d'un enfant, dont il assure ouvertement et vis-à-vis de tous l'entretien et l'éducation ; que les faits de participation établis par l'enquête ayant eu un caractère voulu de clandestinité exclusif de cette publicité essentielle, la demande de la demoiselle X... n'est pas fondée juridiquement ; qu'en statuant ainsi l'arrêt a violé le texte ci-dessus visé ;
Par ces motifs ;
Casse.