CASSATION, sur le pourvoi de l'Administration des Douanes, d'un arrêt rendu, le 30 juin 1930, par la cour d'appel de Caen, au profit du sieur X....
ARRET
du 14 mars 1934.
La Cour,
Ouï, en l'audience publique du 13 mars 1934, M. le conseiller Albert Legris, en son rapport ; Maîtres Dambeza et Coutard, avocats des parties, en leurs observations respectives, et à l'audience publique de ce jour, 14 desdits mois et année, M. Sens-Olive, avocat général, en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré en la chambre du conseil conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que l'auteur, ou celui qui est civilement responsable d'un délit ou d'un quasi-délit est tenu, envers toute personne, de réparer le dommage, quelle qu'en soit la nature, qui lui a été causé par le fait illicite ;
Attendu que Victor Y..., préposé des douanes, est décédé des suites des blessures à lui causées par l'automobile de X... ;
Attendu que ce dernier a été actionné par l'Administration des Douanes en réparation du préjudice résultant pour l'Etat de ce que l'accident mortel, dont Y... a été victime dans son service, avait ouvert, au profit de sa veuve et de son fils mineur, un droit au versement immédiat d'une pension ;
Attendu que l'arrêt attaqué a repoussé cette demande pour l'unique motif que les obligations de l'Etat envers les ayants-droit de ses préposés comportent, comme celles des compagnies d'assurances, "un caractère aléatoire correspondant aux bénéfices résultant des retenues faites sur les traitements et les soldes", et que la loi ayant fondé le droit aux pensions accordées aux veuves et aux orphelins sur l'événement seul du décès, quelle qu'en soit la cause, il ne pouvait y avoir de lien direct de cause à effet entre l'accident dont a été victime Y... et le versement d'une pension, par l'Etat, à sa veuve et à son fils ;
Mais attendu que, sans qu'on puisse assimiler les obligations de l'Etat envers ses agents ou leurs ayants-droit à celles dérivant du jeu normal des risques prévus, évalués et acceptés par les parties dans un contrat d'assurance, il est certain que c'est la faute imputable à X... qui a eu pour conséquence de susbtituer une dette immédiatement exigible à l'obligation simplement conditionnelle existant auparavant à la charge de l'Etat ; que cette faute, au cas où il est constaté qu'elle a eu pour effet de rendre plus onéreuses les obligations incombant à l'Etat, lui a donc causé directement un préjudice dont il est en droit de demander la réparation ;
D'où il suit qu'en jugeant le contraire l'arrêt attaqué a violé le texte ci-dessus visé ;
Par ces motifs ;
Casse.