CASSATION, sur le pourvoi de la dame veuve X..., d'un arrêt rendu, le 2 décembre 1930, par la cour d'appel de Montpellier, au profit du sieur Y....
ARRET.
Du 20 Mars 1933.
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique du 15 mars 1933, M. le conseiller Hugot, en son rapport ; Maîtres Feldmann et Alphandéry, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Mancel, avocat général, en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que la présomption de responsabilité établie par cet article à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ; qu'il ne suffit pas de prouver que le gardien de la chose n'a commis aucune faute ;
Attendu qu'une collision s'est produite, le 29 juin 1928, sur la route de Béziers à Narbonne, entre une automobile dirigée par Y... et une bicyclette conduite par X..., lequel a trouvé la mort dans cet accident ; que, poursuivi, sous prévention d'homicide par imprudence, devant la juridiction répressive, Y... a été acquitté, mais que la veuve X... l'a assigné en dommages-intérêts devant la juridiction civile, en vertu de l'article 1384 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt attaqué constate que l'automobile a causé la mort de X... et mis sa bicyclette hors d'usage sans relever expressément une faute à la charge de la victime ; que, néanmoins, il rejette la demande de la veuve pour le motif que la voiture a été détériorée par le choc de la bicyclette et que les deux véhicules s'étant réciproquement causé des dommages, les présomptions de responsabilité qui pèsent sur les conducteurs des voitures se neutralisent ;
Mais attendu que la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384 du Code civil à l'encontre du gardien de la chose est subordonnée dans son application à la seule condition que le dommage ait été causé par le fait de celle-ci ; qu'elle ne saurait être détruite en tout ou en partie, du fait que les deux gardiens se sont réciproquement causé des dommages ;
Attendu qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le dommage subi par la veuve X... l'a été par le fait de l'automobile conduite par Y... et qu'il résulte implicitement mais nécessairement des termes de l'arrêt que la cour ne s'est pas préoccupée de rechercher si l'accident était dû ou non à la faute de la victime ; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé le texte ci-dessus visé ;
Par ces motifs ;
CASSE,