CASSATION, sur le pourvoi des Etablissements Mignot et de la Compagnie d'assurances "La Préservatrice", d'un arrêt rendu, le 8 janvier 1931, par la cour d'appel de Paris, au profit du sieur X... et de la Société d'assurances "La Mutuelle générale française".
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Hugot, en son rapport ; Mes Coutard et Chalvon-Demersay, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Bloch-Laroque, avocat général, en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;
Donne défaut contre la Société "La Mutuelle générale française".
Sur le moyen unique :
Vu la loi du 2 janvier 1902, ensemble l'article 3 de la loi du 13 juillet 1930 qui l'a remplacée ;
Attendu qu'il résulte des dispositions ci-dessus visées que le législateur a entendu attribuer une compétence exclusive au tribunal du domicile de l'assuré ou du lieu de l'accident pour fixer les indemnités dues par l'assureur ;
Attendu cependant que l'arrêt attaqué a déclaré le tribunal de commerce de la Seine, lieu du domicile de l'assureur, compétent pour connaître d'une action en réparation des conséquences d'un accident, dirigée contre l'auteur dudit accident et son assureur, alors que ni le domicile de l'assuré ni le lieu de l'accident ne se trouvraient dans le département de la Seine ;
Qu'il se fonde, pour décider ainsi, sur ce que la victime de l'accident a, en vertu de la loi du 28 mai 1913, une action directe contre l'assureur et qu'en matière personnelle, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut, aux termes de l'article 59, paragraphe 2, du Code de procédure civile, les assigner tous devant le tribunal de l'un d'eux ;
Mais attendu que, si la victime d'un accident a une action directe contre l'assureur, du fait du privilège à elle accordé par la loi du 28 mai 1913 sur l'indemnité dont ledit assureur se reconnaît ou a été judiciairement reconnu débiteur à raison de la convention d'assurance, ce droit ne saurait avoir pour conséquence de modifier les règles de compétence fixées tant par la loi du 2 janvier 1902 que par celle du 13 juillet 1930 qui l'a remplacée, à l'effet de faire fixer contradictoirement entre l'assuré, l'assureur et la victime, d'abord, l'existence et le montant de la créance de réparation et, en second lieu, les indemnités dues par l'assureur ;
Que les termes de la loi ne comportant aucune distinction, il ne saurait appartenir à la victime de soustraire la connaissance d'un litige concernant la responsabilité de l'assuré et les obligations de l'assureur aux juges que le législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, a spécialement désignés à cet effet, en appelant l'assuré et l'assureur devant le tribunal de ce dernier pour voir statuer sur un recours subordonné à la fixation préalable des responsabilités et obligations susénoncées ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé les textes ci-dessus visés ;
Par ces motifs ;
CASSE.