CASSATION, sur le pourvoi des sieurs X... et Cie, d'un jugement rendu, le 13 février 1912, par le Tribunal de commerce du Havre, au profit des sieurs A... et Y....
ARRET.
Du 9 Novembre 1915.
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Feuilloley, en son rapport ; Maître B..., susbtituant Maître Z..., retenu sous les drapeaux, en ses observations, ainsi que M. Lombard, avocat général, en ses conclusions ;
Et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre les défendeurs non comparants ;
Sur le moyen unique du pourvoi :
Vu l'article 1382 du Code civil,
Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, pour repousser la demande de dommages-intérêts formée par A... et Y..., en réparation de la perte, par suite de vol, de trois sacs de café qu'ils avaient remis à titre de dépôt à X... et Cie, agents maritimes au Havre, ceux-ci excipaient d'une clause du récépissé de dépôt les exonérant de toute responsabilité à raison des incendies, mouilles, pertes, déchets, ou tous autres accidents qui surviendraient aux colis déposés dans leurs tentes et dont le gardiennage n'est fait par eux qu'à titre de bons offices et sans aucun principe d'obligation ;
Attendu que si, en principe, une telle clause d'exonération n'a pas pour effet d'affranchir le dépositaire de toute responsabilité à raison des fautes commises par lui ou par ses agents, elle a, tout au moins, pour résultat d'en mettre la preuve, contrairement aux règles du droit commun, à la charge du déposant ;
Attendu que, sans méconnaître ces principes, le jugement attaqué a néanmoins accueilli la demande de A... et Y... en payement de la valeur des sacs disparus ; que, pour statuer ainsi, il se borne à déclarer que la faute se trouve démontrée par le fait même que la marchandise a été volée, le vol, exception faite pour le cas où il est constant qu'il s'est produit dans des circonstances exclusives de toute espèce de faute, devant être considéré comme le résultat d'un défaut de surveillance ;
Mais qu'en déduisant la faute de l'événement lui-même, sans apporter à l'appui de sa décision, l'affirmation d'aucun fait précis et déterminé constitutif d'une faute imputable au dépositaire ou à ses agents, le jugement attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision et a, par suite, violé la disposition de loi ci-dessus
visée ;
Par ces motifs, CASSE,