ANNULATION, sur le pourvoi de Rogé (Madeleine), d'un Arrêt rendu, le 16 décembre 1898, par la Cour d'appel de Paris, au profit de Dorange (François) et autres.
ARRET.
Du 11 Juin 1902.
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique d'hier, M. le conseiller Faure-Biguet, en son rapport, Maîtres Lecointe, Devin et Maurice Bonnet, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. l'avocat général Sarrut, en ses conclusions, et après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;
Statuant par défaut à l'égard de Marquis ès-qualités,
Sur le premier moyen du pourvoi :
Vu l'article 970 du Code civil ;
Attendu que, sauf le cas de fraude, le testament olographe fait par lui-même foi de la date qu'il énonce ; que si les faits et circonstances qui lui sont intrinsèques peuvent être invoqués comme preuve de l'inexactitude de sa date, c'est à la condition que cette preuve ait son principe et sa racine, soit dans les autres énonciations, soit dans l'état matériel du testament ;
Attendu, dans l'espèce, que le testament litigieux, écrit sur du papier timbré au filigrane de l'année 1895, porte la date du 27 janvier de la même année ; qu'il a donc concordance entre la date exprimée par la testatrice et le filigrane du papier dont elle a fait usage ;
Attendu que pour déclarer que la date susdite est inexacte, l'arrêt attaqué se fonde uniquement sur les documents versés aux débats par la Régie, desquels il résulterait que le papier au filigrane de 1895 n'aurait été mis à la disposition du public que plusieurs jours après le 27 janvier de ladite année ;
Mais attendu que les juges du fond n'ont relevé dans le testament l'existence d'aucun indice de nature à rendre suspecte la concordance de la date et du filigrane ;
Que, dès lors, en accueillant la preuve de la tardiveté de l'émission et en statuant comme il l'a fait, l'arrêt a faussement appliqué et par suite a violé l'article de loi susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi,
CASSE,