REJET du pourvoi formé par la dame veuve Y... contre un Arrêt rendu, le 30 mai 1894, par la Cour d'appel de Paris, au profit de la dame X....
LA COUR,
Ouï, M. conseiller Crépon, en son rapport ; les avocats des parties, dans leurs observations respectives ; M. l'avocat général Sarrut, dans ses conclusions, et après en avoir délibéré en la chambre du conseil conformément à la loi ;
Sur le premier moyen du pourvoi :
Attendu, en droit, que le contrat d'assurance sur la vie, par lequel il est purement et simplement stipulé que, moyennant le payement des primes annuelles, une somme déterminée sera, à la mort du stipulant, versée à une personne spécialement désignée, doit avoir pour effet, au cas où le contrat a été maintenu, par le payement régulier des primes, d'autre part, d'obliger, à la mort du stipulant, le promettant à verser le capital assuré entre les mains du tiers désigné, et, d'autre part, de créer, à ce même instant, un droit de créance contre le promettant ;
Attendu que ce droit est personnel au tiers bénéficiaire, ne repose que sur sa tête et ainsi ne constitue pas une valeur successorale ; qu'en effet le capital assuré n'existe pas dans les biens du stipulant durant sa vie, puisque ce capital ne se forme et ne commence d'exister que par le fait même de la mort du stipulant, et que, d'un autre côté, le contrat n'en attribue à celui-ci ni le bénéfice personnel, ni la disposition et ne lui laisse que la faculté de rendre nuls les effets de la convention par le non payement des primes, au cas où elles ne seraient pas payées par d'autres, ou de révoquer la stipulation, si elle n'avait pas été acceptée par le tiers bénéficiaire ;
Attendu que le capital stipulé, n'ayant jamais fait partie du patrimoine du stipulant, ne constituant pas une valeur successorale, ne saurait, par suite, entrer en compte pour le calcul de la réserve ;
Attendu, en fait, que l'arrêt attaqué constate que la dame X..., veuve du sieur Y..., est bénéficiaire des deux polices d'assurance souscrites par son mari pour une somme de 20000 francs, avec stipulation qu'à son décès cette somme serait versée à sa veuve ; que, par l'acceptation de cette dernière, le capital stipulé, devant être considéré comme n'ayant jamais fait partie du patrimoine du mari, l'arrêt déclare que la somme de 20000 francs, montant des assurances ne doit pas entrer en compte pour l'établissement de la réserve à laquelle avait droit la mère du stipulant ; qu'en statuant ainsi il n'a fait qu'une juste application de la loi ;
Par ces motifs, REJETTE.