ANNULATION, sur le pourvoi de la Compagnie le Soleil, d'un Arrêt rendu, le 7 février 1888, par la Cour d'appel de Toulouse, au profit des sieurs Z..., Y... et X....
ARRET.
Du 13 Janvier 1892.
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique du 12 janvier, M. le conseiller A. Monod, en son rapport ; Maîtres Frénoy et Morillot, en leurs observations ; ouï, en l'audience publique du lendemain 13, M. Ronjat, procureur général, en ses conclusions ; et après en avoir immédiatement délibéré ;
Sur le moyen unique ;
Vu l'article 1733 du Code civil ;
Attendu que les dispositions de cet article sont fondées sur la présomption que l'incendie qui a éclaté dans une maison est arrivé par la faute des personnes qui l'habitent et auxquelles incombe l'obligation de veiller à sa conservation en leur qualité de
preneurs ; que, dans la généralité de ses termes, cet article comprend aussi bien ceux qui demeurent dans la maison à titre de sous-locataires que les locataires principaux eux-mêmes ; que les uns comme les autres sont tenus de rendre l'immeuble en bon état à l'expiration du bail et, notamment, d'exercer la surveillance nécessaire pour empêcher les incendies de se produire ;
Que, d'autre part, il résulte des termes de l'article 1733 que les sous-locataires sont, vis-à-vis du propriétaire, bailleur originaire, dans la situation d'obligés personnels ;
Attendu qu'il suit de là que le propriétaire, pour agir contre les sous-locataires, n'est pas réduit à exercer les droits du locataire principal ; qu'il puise dans le contrat de bail et dans le fait de l'habitation le droit de les poursuivre directement pour faire valoir contre eux la responsabilité établie par l'article 1733 du Code civil ;
Attendu que des constatations de fait de l'arrêt attaqué il résulte que l'usine appartenant à Cousin de Lavallière a été louée par lui à Meynadier, lequel a sous-loué diverses portions dudit immeuble à Manenc, à X... et à Y... qui y ont chacun installé des ateliers ;
Que, dans la nuit du 7 au 8 janvier 1884, les bâtiments ont été détruits par un incendie ;
Attendu que la Compagnie le Soleil, subrogée aux droits du propriétaire, a introduit une instance tant contre le locataire principal, Meynadier, que contre les trois sous-locataires susnommés, réclamant au premier la réparation de la totalité du dommage éprouvé, et aux trois autres une indemnité proportionnelle à la valeur locative de la partie de l'immeuble occupée par chacun d'eux ;
Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré cette dernière demande non recevable, sous prétexte que le propriétaire n'avait pas d'action directe contre les sous-locataires ;
Qu'en statuant ainsi il a violé l'article de loi susvisé ;
Par ces motifs, statuant par défaut à l'égard de Meynadier,
CASSE,
Ainsi jugé, Chambre civile.