ANNULATION, sur le pourvoi formé par la Compagnie d'assurances contre l'incendie, dite le Monde, d'un Arrêt rendu, le 30 novembre 1887, par la Cour d'appel de Bourges, au profit des sieurs Z..., X... et autres.
NOTICE.
Dans l'espèce, l'incendie s'était concentré au second étage de la maison, qu'il avait consumé, ainsi que la toiture. Ce second étage était divisé en quatre chambres ou mansardes, dont une était vacante, dont deux étaient louées pour un prix modique aux nommés X... et Z..., et la quatrième était occupée par un sieur Y..., qui ne fut pas mis en cause.
Le dommage ayant été évalué à 6271,25 francs, la prétention de Z... et de X... était qu'ils ne devaient supporter ce dommage que dans la proportion de la valeur locative de leur appartement, le bailleur devant supporter le déficit résultant de l'irresponsabilité des autres locataires, notamment de ceux du rez-de-chaussée et du premier étage.
ARRET.
Du 4 Juin 1889.
LA COUR,
Ouï publiquement, à l'audience d'hier, M. le président Merville, en son rapport ; Maître Morillot, avocat de la compagnie demanderesse, en ses observations ; M. le procureur général Ronjat, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré en la chambre du conseil et vidant le délibéré ;
Donne défaut contre les parties défenderesses et statuant sur les deux moyens de cassation réunis :
Vu l'article 1734 du Code civil ;
Attendu que le rapprochement des articles 1732, 1733 et 1734 du Code civil fait ressortir entre eux une différence essentielle ; que l'article 1732, application pure et simple au contrat de louage de l'article 1302 du même code, restreint la responsabilité du preneur aux seules dégradations et pertes de la chose qui lui a été donnée à bail et qu'il s'est obligé à restituer intacte ; qu'au contraire, en cas d'incendie, le preneur, aux termes des articles 1733 et 1734, répond, vis-à-vis du bailleur, de l'incendie lui-même et de toutes ses conséquences, par rapport à la totalité du bâtiment incendié, quand même il n'en avait reçu à bail qu'une partie ;
Attendu que cette responsabilité anormale, fondée à la fois sur une présomption de faute et sur le danger des incendies, n'aurait pu prendre fin que par l'abrogation des articles de loi qui l'ont établie ; que, loin que la loi du 5 janvier 1883 ait ainsi procédé, elle a, au contraire, laissé subsister sans aucune modification l'article 1733, qui pose le principe de la responsabilité spéciale ci-dessus définie, et que, dans l'article 1734, elle a uniquement modifié le premier paragraphe, en substituant une obligation proportionnelle et divise à une obligation solidaire ; qu'il suit de là qu'au cas où, comme dans l'espèce, des locataires occupant l'étage où le feu a commencé ne démontrent pas qu'il a commencé chez l'un d'eux, ils sont tenus, comme avant la loi de 1883, d'indemniser le bailleur de la totalité du dommage causé par l'incendie, à quelque partie de l'immeuble qu'il se soit étendu qu'ils cessent seulement d'en être tenus solidairement, pour ne l'être plus que divisément et à proportion de la valeur locative de la portion d'immeuble par eux occupée ; que vainement la thèse contraire invoque en sa faveur les travaux préparatoires ; qu'il ne suffit pas qu'une opinion se soit produite dans la discussion d'une loi, si le vote d'aucun texte conforme n'est venu l'appuyer ;
D'où il suit qu'en établissant, pour la réparation du dommage de l'espèce par les locataires responsables, une répartition dont l'effet est d'en laisser une partie à la charge du bailleur ou de son ayant droit, l'arrêt attaqué a violé, par fausse interprétation, l'article 1734 du Code civil :
Par ces motifs, CASSE,
Ainsi jugé, Chambre civile.