ANNULATION, sur le pourvoi du sieur Y... (Ignace), d'un Arrêt rendu, le 15 janvier 1883, par la Cour d'appel de Bastia, au profit des consorts Z....
ARRET.
Du 1er Décembre 1885.
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique du 30 novembre 1885, M. le conseiller Tappie, en son rapport ; Maîtres Brugnon et Aguillon, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Charrins, premier avocat général, en ses conclusions, et après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 474 du Code de procédure civile, 1351, 2021 et 1208 du Code civil, ainsi conçus :
Article 474 du Code de procédure civile. "Une partie peut former tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits et lors duquel ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été appelés."
Article 1351. "L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même
cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité".
Article 2021. "La caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires."
Article 1208. "Le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs ;"
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 9 avril 1867, le sieur Pierre-Philippe Z... a soucrit sous le cautionnement solidaire du sieur X..., une obligation hypothécaire d'une somme de 12258 francs, productive d'intérêts, en faveur du sieur Ignace Y... ; que les deux engagements ont été contractés dans le même acte et qu'aussi le débiteur principal et la caution solidaire se sont réciproquement constitués mandataires l'un de l'autre pour se représenter en justice ;
Attendu que, par arrêt du 9 août 1882, la cour d'appel de Bastia a condamné X... à payer audit Y... la somme de 13061 francs 95 centimes, montant de la créance cautionnée ; que les consorts Z..., héritiers du débiteur principal, ont formé contre cette décision une tierce opposition qui a été admise par arrêt de la même cour d'appel en date du 15 janvier 1883 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2021 du Code civil, lorsque la caution s'est engagée solidairement avec le débiteur principal, son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires ;
Attendu qu'en matière d'obligations solidaires, et en raison même de la nature de ces obligations, chacun des codébiteurs solidaires qui peut, aux termes de l'article 1203 du Code civil, être poursuivi seul pour la totalité de la dette et qui a le droit, aux termes de l'article 1208 du même code, d'opposer au créancier toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation, doit être considéré comme le contradicteur légitime du créancier et le représentant nécessaire de ses coobligés ; que, dès lors, la chose jugée avec l'un des codébiteurs solidaires est opposable à tous les codébiteurs ; qu'il résulte de ces principes que c'est à tort que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la tierce opposition des consorts Z..., alors qu'ils n'opposaient, du chef de leur auteur, ni une exception personnelle au débiteur principal ni des faits de fraude ou de collusion, par où il a faussement appliqué et par conséquent violé les dispositions de loi précitées :
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen, CASSE et ANNULE,
Ainsi jugé, Chambre civile.