REJET du pourvoi d'Eugène-Pierre-Marie Lafosse contre un Arrêt rendu, le 27 décembre 1873, par la Cour d'assises de la Seine, qui l'a condamné à cinq ans de prison, etc..
LA COUR,
Ouï M. le conseiller Robert de Chenevière, en son rapport ; Me Brugnon, en ses observations pour le demandeur en cassation ; M. l'avocat général Bédarrides, en ses conclusions ;
Sur l'unique moyen du pourvoi, pris de la violation prétendue de l'article 147 du Code pénal, et divisé en deux branches ;
Sur la première branche, prise de ce que la question soumise aux jurés impliquait une alternative qui ne permettait pas de distinguer si, dans la perpétration du crime de faux à lui reproché, le demandeur avait agi comme auteur principal ou comme complice, et, dans ce dernier cas, si le fait incriminé présentait les éléments légaux de la complicité ;
Attendu que le jury était interrogé sur le point de savoir si l'accusé, en vue de dissimuler des détournements par lui commis au préjudice de la compagnie générale des Messageries, dont il était employé, avait inscrit ou fait inscrire sur les registres de ladite compagnie de fausses énonciations indicatives de prétendus déboursés qu'il n'avait pas réellement effectués ;
Attendu que, si la question ainsi posée et affirmativement résolue était alternative, elle n'impliquait pas moins, dans chacun de ses termes, l'existence du crime de faux, puisque ce crime existe également, soit que son auteur ait fabriqué ou altéré lui-même la pièce incriminée, soit que, pour opérer cette altération, il se serait servi de la main d'un tiers, ramené au rôle de simple instrument , qu'il n'y avait donc pas lieu de soumettre au jury une question subsidiaire de complicité qui ne résultait d'aucune des circonstances de la cause ;
Sur la seconde branche, prise plus spécialement de la fausse application de l'article 147 prérappelé du Code pénal, en ce que la question posée au jury n'exprimerait pas suffisamment que les registres falsifiés par l'accusé étaient des livres de commerce ;
Attendu que de l'ensemble des questions résolues contre le demandeur, et se rattachant l'une à l'autre par voie de référence, il résulte que les registres par lui falsifiés, en vue de masquer ses détournements, étaient ceux d'une maison de commerce dont il était commis, et qu'il ne détenait qu'en cette qualité ; que le caractère commercial desdits registres se trouve par là même établi, et suffit pour justifier le titre de l'incrimination, alors même que ces livres ne rentreraient pas dans la classe de ceux énumérés dans l'article 8 du Code de commerce ; qu'ainsi, sur ce chef comme sur le précédent, il n'y a lieu de faire droit aux griefs relevés par le demandeur ;
Par ces motifs, REJETTE.