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11/02/1873 | FRANCE | N°JURITEXT000006952938

France | France, Cour de cassation, Chambre civile, 11 février 1873, JURITEXT000006952938


Par acte notarié du 12 août 1860, les époux Z... ont reconnu devoir aux consorts X... une somme de 6000 francs pour prêt.

Aux termes de l'une des clauses de l'acte, "tous les payements en principal et intérêts doivent être faits en espèces d'or et d'argent, et non en aucune valeur ou papier-monnaie, représentatif de numéraire, dont le cours forcé serait introduit en France en vertu de lois ou décrets, auxquels les débiteurs déclarent renoncer de bonne foi et d'honneur."

Postérieurement, et par acte également notarié du 20 avril 1867, une partie de cette créance

(2000 francs) fut cédée par les consorts X... à Léon Scouttetten, qui fut su...

Par acte notarié du 12 août 1860, les époux Z... ont reconnu devoir aux consorts X... une somme de 6000 francs pour prêt.

Aux termes de l'une des clauses de l'acte, "tous les payements en principal et intérêts doivent être faits en espèces d'or et d'argent, et non en aucune valeur ou papier-monnaie, représentatif de numéraire, dont le cours forcé serait introduit en France en vertu de lois ou décrets, auxquels les débiteurs déclarent renoncer de bonne foi et d'honneur."

Postérieurement, et par acte également notarié du 20 avril 1867, une partie de cette créance (2000 francs) fut cédée par les consorts X... à Léon Scouttetten, qui fut subrogé jusqu'à concurrence de cette somme dans tous les droits des cédants.

Le 6 novembre 1871, les époux Z..., voulant se libérer envers le cessionnaire Scouttetten, lui firent des offres réelles de la somme de 2055 francs 55 centimes, dont 2050 francs en billets de la Banque de France et 5 francs 55 centimes en monnaie.

Refus par ce dernier de recevoir en payement les billets, par suite consignation des offres et assignation en validité à la requête des époux Z.... Saisi de cette demande, le tribunal civil de Lille rendit, à la date du 23 décembre 1871, un jugement par lequel il décida que les débiteurs n'avaient pas, nonobstant le décret du 12 août 1870, qui a donné cours forcé aux billets de la Banque de France, le droit de se libérer qu'en espèces d'or ou d'argent, et les débouta de leur action en validité des offres par eux faites.

Sur leur appel, la cour de Douai, par arrêt du 18 mars 1872, confirma ce jugement avec adoption de ses motifs ;

C'est contre cet arrêt que les époux Y... se sont pourvus en cassation.

Leur pourvoi se fonde sur un moyen unique, ainsi formulé :

Violation de l'article 6 du Code civil et de la loi du 12 août 1870, en ce que la cour de Douai a déclaré que, nonobstant la loi de 1870, qui décrète le cours forcé des billets de la Banque de France, Scouttetten a pu refuser un payement offert en ces billets, par le motif que les débiteurs étaient obligés envers lui par une convention formelle à se libérer en monnaie d'or ou d'argent, et avaient renoncé d'avance à l'application des lois ou décrets qui pourraient ultérieurement donner cours forcé aux billets de banque.

ARRET.

Du 11 Février 1873.

LA COUR,

Ouï M. le conseiller Henriot, en son rapport ; Maître Brugnon, avocat du demandeur, en ses observations, et M. le premier avocat général Blanche, en ses conclusions ; après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur le moyen unique du pourvoi :

Vu les articles 1er de la loi du 12 août 1870 et 6 du Code civil, ainsi conçus :

Article 1er. Loi de 1870. "A partir du jour de la promulgation de la présente loi, les billets de la Banque de France seront reçus comme monnaie légale par les caisses publiques et par les particuliers."

Article 6. Code civil : "On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs."

Attendu que les lois monétaires qui, en vue de conjurer une crise imminente, décrètent le cours forcé d'un papier de crédit, participent du caractère des lois de police et de sûreté ; qu'à ce titre elles intéressent incontestablement l'ordre public, et rentrent, dès lors, dans la classe de celles auxquelles l'article 6 du Code civil défend de déroger par des conventions particulières ;

Attendu qu'une telle dérogation en cette matière est illicite, non seulement après la promulgation et sous l'empire de l'acte législatif qui, dans l'intérêt général, établit le cours forcé de valeurs fiduciaires représentatives du numéraire, mais aussi lorsque, faite à l'avance, en prévision de circonstances qui rendraient nécessaire un pareil mode de circulation monétaire, elle se formule par une stipulation ayant pour but d'autoriser, ce cas advenant, le créancier à s'affranchir de l'obéissance aux dispositions légales qui l'auraient introduit ;

Attendu qu'il importe peu que la loi du 12 août 1870, à l'application de laquelle le défendeur au pourvoi a prétendu pouvoir se soustraire sur le fondement d'une clause conventionnelle de cette dernière sorte, n'ait pas expressément déclaré que ses prescriptions devraient être exécutées nonobstant toutes conventions contraires :

qu'en effet, en imposant aux particuliers, en termes absolus et sans admettre aucune exception, l'obligation de recevoir comme monnaie légale les billets de la Banque de France, elle a suffisamment exprimé que sa disposition s'étendait à ceux qui, antérieurement à sa promulgation, auraient stipulé que leurs créances ne pourraient leur être remboursées qu'en espèces d'or ou d'argent ; que, sans doute, cette stipulation est valable et obligatoire pour le débiteur, en l'absence ou après abrogation de lois décrétant le cours forcé des valeurs qu'elle exclut des payements à faire, mais qu'elle cesse d'être exécutoire dès l'instant où le législateur a établi ce cours forcé, et qu'aussi longtemps que cette mesure est maintenue le créancier ne peut légalement se refuser à recevoir en payement un papier de crédit auquel la loi a attribué une valeur obligatoirement équivalente à celle des espèces métalliques ;

Attendu que de ce qui précède il résulte qu'en invalidant, par confirmation du jugement de première instance de Lille, les offres de payement faites par les demandeurs, le 6 novembre 1871, en billets de la Banque de France, dont le cours était alors et est encore aujourd'hui forcé, l'arrêt attaqué a formellement violé les textes de loi ci-dessus visés :

Par ces motifs, donnant défaut contre le défendeur non comparant, CASSE et ANNULE,


Synthèse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006952938
Date de la décision : 11/02/1873
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

BANQUE DE FRANCE - Billets - Cours forcé - Loi du 12 Août 1870

La loi du 12 août 1870, qui établi le cours forcé des billets de la Banque de France, est une loi de police et de sûreté publique à laquelle il n'a pu être valablement dérogé à l'avance par des conventions particulières. La clause par laquelle les parties ont stipulé, même antérieurement à la promulgation de cette loi, que les payements seraient faits en espèces d'or et d'argent et non autrement, doit, en conséquence, être considérée comme illicite.


Références :

LOI du 12 août 1870

Décision attaquée : Cour d'appel Douai, 18 mars 1872


Publications
Proposition de citation : Cass. Chambre civile, 11 fév. 1873, pourvoi n°JURITEXT000006952938, Bull. civ. N. 16
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles N. 16

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1873:JURITEXT000006952938
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