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15/05/1872 | FRANCE | N°JURITEXT000006952894

France | France, Cour de cassation, Chambre civile, 15 mai 1872, JURITEXT000006952894


Les époux X... se sont mariés sous le régime dotal, avec stipulation d'une société d'acquêts. La dame X... est décédée sans enfants au mois d'avril

1864 ; elle avait par son testament légué tous ses immeubles aux enfants Daviel, et tous ses meubles à son mari ; celui-ci est décédé lui-même peu de mois après sa femme et est représenté par ses trois soeurs, les demoiselles X....

Des contestations se sont élevées à l'occasion de la liquidation et du partage tant de la succession de la dame X... que de la société d'acquêts ; plusieurs décisions de justice

sont intervenues, par suite desquelles il a d'abord été procédé à des opérations d'ex...

Les époux X... se sont mariés sous le régime dotal, avec stipulation d'une société d'acquêts. La dame X... est décédée sans enfants au mois d'avril

1864 ; elle avait par son testament légué tous ses immeubles aux enfants Daviel, et tous ses meubles à son mari ; celui-ci est décédé lui-même peu de mois après sa femme et est représenté par ses trois soeurs, les demoiselles X....

Des contestations se sont élevées à l'occasion de la liquidation et du partage tant de la succession de la dame X... que de la société d'acquêts ; plusieurs décisions de justice sont intervenues, par suite desquelles il a d'abord été procédé à des opérations d'expertise qui ont fixé la valeur des immeubles à

320313 francs et celle des meubles à 87746 ; un notaire a ensuite été nommé pour procéder aux opérations de liquidation et partage.

Il a, dans une première partie de son travail, établi que les reprises de la dame X... dans la société d'acquêts étaient de 84290 francs et les récompenses dues par elle à cette même société de 37361 francs.

Il a pensé que ces 37361 francs formaient une dette de la succession, et qu'elle devait être supportée par les légataires à titre universel des immeubles et par ceux des meubles, chacun dans la proportion de leur émolument.

Les légataires des immeubles ont soutenu qu'ils ne devaient supporter aucune portion des récompenses, attendu qu'elles devaient se balancer avec les reprises, et que jamais elles n'avaient constitué une dette de la succession.

Le notaire dressa un procès-verbal des contestations, et elles furent déférées au tribunal de Pont-Audemer, qui rendit, le 5 mai 1868, un jugement par lequel il accueillit le système des légataires des immeubles et décida que la somme de 37361 serait déduite avant toute liquidation de la succession du montant des reprises.

Sur l'appel des demoiselles X..., la cour de Rouen rendit, le 10 avril 1869, un arrêt infirmatif. Suivant cet arrêt, les récompenses dues par la femme n'ont pu se compenser avec les reprises avant l'ouverture de la succession, parce qu'elles n'étaient ni liquides ni exigibles ; elles ont donc constitué au jour du décès une dette non payée de la succession, que les légataires des immeubles comme les légataires des meubles devaient acquitter dans la proportion de ce qu'ils touchaient dans la succession.

Pourvoi en cassation par les enfants Daviel pour fausse application des articles 1289 et suivants du Code civil, et violation des articles 1468 à 1470 du Code civil, 533 et 535 du Code de procédure civile.

ARRET.

Du 15 Mai 1872.

LA COUR, Ouï M. Greffier, conseiller, en son rapport ; Maître Bosviel, avocat des demandeurs, et M. Pinel, avocat des défenderesses, en leurs observations, et M. Charrins, avocat général, en ses conclusions, après en avoir délibéré ;

Vu les articles 1012, 1468, 1470 et 1474 du Code civil, ainsi conçus :

Art. 1012. Le légataire à titre universel sera tenu, comme légataire universel, des dettes et charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion, et hypothécairement pour le tout. Article 1468. Les époux ou leurs héritiers rapportent à la masse des biens existant tout ce dont ils sont débiteurs envers la communauté, à titre de récompense ou d'indemnité, d'après les règles ci-dessus prescrites à la section II de la première partie du présent chapitre. Article 1470. Sur la masse des biens, chaque époux ou son héritier prélève : 1°, 2°, 3° les indemnités qui lui sont dues par la communauté. Article 1474. Après tous les prélèvements des deux époux ont été exécutés sur la masse, le surplus se partage par moitié entre les époux ou ceux qui les représentent.

Attendu, en droit, que lorsqu'une communauté ou une société d'acquêts, ayant existé entre deux époux, se trouve à partager en même temps que la succession de l'un des époux, on doit d'abord établir la masse active et la masse passive de la communauté, telles qu'elles étaient composées au moment de la dissolution, afin d'attribuer, s'il y a lieu, à la succession la part qui lui revient dans cette communauté ; Que parmi les éléments de la masse active ou passive figurent nécessairement les sommes dont les époux sont ou créanciers de la communauté, ou débiteurs envers elle ;

Qu'une liquidation doit donc, au préalable, établir cette qualité soit de créancier, soit de débiteur ; qu'elle ne peut résulter que de la balance faite entre le total des reprises et le total des récompenses ; d'où il suit que, si la balance démontre qu'au moment de la dissolution de la communauté, le montant des reprises excédait la somme des récompenses dues par la femme, il est impossible de reconnaître qu'il existait, en ce moment, une dette envers la communauté, dont aux termes des articles 870 et 1012 du Code civil, les légataires d'ordres divers devraient supporter une part proportionnelle à leur émolument ; Que le reliquat du compte de la communauté a pour effet, en ce cas, d'établir la somme qui, seule, devra entrer dans l'actif de la succession à partager entre les légataires, suivant leurs droits ;

Attendu, en fait, qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que les reprises de la dame X... contre la société d'acquêts s'élevaient à 84290 francs 93 centimes tandis que les récompenses auxquelles avait droit la communauté étaient seulement de 37361 francs 91 centimes ; qu'il est donc manifeste qu'au moment de la dissolution de la société d'acquêts, la dame X..., loin d'être débitrice de cette société, en était créancière d'une somme importante ; D'où il suit qu'en mettant à la charge des légataires des immeubles partie d'une dette qu'une opération complète et régulière eût fait disparaître, avant toute liquidation de la succession, l'arrêt attaqué a fait à la cause une fausse application de l'article 1012 du Code civil, et violé les dispositions des lois relatives à la liquidation et au partage de la communauté :

Par ces motifs, CASSE et ANNULE l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rouen, le 10 avril 1869, remet les parties au même état où elles étaient avant ledit arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006952894
Date de la décision : 15/05/1872
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE - Liquidation de la succession - Société d'acquêts - Liquidation - Récompense - Contribution des légataires

Les récompenses dues par un époux décédé à la société d'acquêts qui a existé entre lui et son époux ne constituent une dette de la succession, dont les légataires d'ordres divers qu'a institués ledit époux doivent, conformément à l'article 1012 du Code civil, supporter chacun une part dans la proportion de leur émolument, qu'autant que par la balance établie lors de la liquidation de la société d'acquêts, il est montré que ces récompenses excédaient les reprises de l'époux dans ladite société, au jour de l'ouverture de la succession. La liquidation de la société d'acquêts doit donc précéder celle de la succession, et c'est par la balance entre les reprises et les récompenses que s'établit, pour la succession, la qualité de créancière ou de débitrice de la société d'acquêts.


Références :

Code civil 1012

Décision attaquée : Cour d'appel Rouen, 10 avril 1869


Publications
Proposition de citation : Cass. Chambre civile, 15 mai. 1872, pourvoi n°JURITEXT000006952894, Bull. civ. N. 86
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles N. 86

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1872:JURITEXT000006952894
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