REJET du pourvoi du sieur Y... contre un Arrêt rendu par la Cour impériale de Paris, le 23 juin 1865, en faveur de dame veuve de Z... et consorts.
Du 29 Janvier 1867.
LA COUR,
Ouï, à l'audience d'hier, M. le conseiller Gastambide, en son rapport ; Maîtres Groualle et Guyot, avocats, en leurs observations ; M. le premier avocat général de Raynal, en ses conclusions, et après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est déclaré, en fait, par l'arrêt attaqué, "que le jour même, et à la suite du prêt de 500000 francs consenti à de Z..., celui-ci a versé une somme de 90000 francs ; que le versement de ladite somme de 90000 francs, dont la restitution est demandée par la dame de Z..., n'a pas constitué, dans la pensée des parties, un intérêt des sommes prêtées ; qu'en effet X..., qui fournissait la plus grande partie de la somme prêtée, n'a rien reçu des 90000 francs ; que cette somme, rapprochée de celle de 160000 francs réellement comptée par Y... pour trois mois, eût constitué un intérêt de plus de 200 p. 100 ; que, quelles que fussent et la situation de Z... et l'exigence de Y..., l'emprunteur n'eût pas consenti un pareil sacrifice ;"
Attendu que l'arrêt conclut des faits par lui constatés que c'est, non le prêteur, mais le négociateur de l'emprunt, qui a été rémunéré par la prime de 90000 francs, et que cette commission, pour être exorbitante, n'a point changé de nature ;
Attendu que, dans ces circonstances, l'arrêt attaqué a décidé à bon droit que la demande en restitution de la prime dont s'agit ne pouvait être écartée par la prescription triennale ;
Sur les deuxième et troisième moyens :
Attendu, en droit, que le mandat est un contrat gratuit de sa nature, et que, dans le cas de convention contraire, il appartient aux tribunaux, à la différence du contrat de louage, de réduire le salaire convenu, lorsqu'il est hors de proportion avec le service rendu ;
Attendu qu'il résulte des déclarations de l'arrêt attaqué et du jugement confirmé par ledit arrêt "que, de Z... ayant donné mandat à Y... de négocier pour lui un emprunt de 500000 francs ce dernier se fit remettre par de Z..., à titre de rémunération, une somme de 90000 francs, et ce le jour même et à la suite du prêt ; que Y... a montré comment il fallait apprécier cette perception ; qu'il en a soigneusement dérobé la connaissance au notaire rédacteur de l'acte et à son coprêteur, le sieur X..., qui fournissait cependant la plus grande partie de la somme prêtée ; qu'après avoir, à deux reprises, reconnu qu'il avait reçu cette somme, mais, disait-il, pour règlement d'autres affaires qu'il aurait eues avec de Z..., il a nié, dans son interrogatoire sur faits et articles, qu'il eût reçu ladite somme, et a affirmé qu'il ne s'était jamais occupé d'affaires pour de Z... ; qu'il le soutient encore en présence de la preuve contraire, reconnaissant ainsi qu'il a reçu illégitimement et sans cause une commission aussi exorbitante ; que le payement dont il s'agit a été opéré sous le poids d'une contrainte morale de la nature de celle qui préside aux engagements usuraires ; que, si le fait ne constitue pas un délit, il n'en est pas moins, au point de vue civil, une cause d'absence de consentement libre;"
Attendu que, dans ces circonstances, l'arrêt a pu ordonner, comme il l'a fait, sous la déduction du prix légitime de la négociation, la restitution de la somme de 90000 francs versée par de Z... à Y..., au moment même où venait de se consommer l'opération ; que l'arrêt n'a donc violé aucun des articles
invoqués ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'aux termes de l'article 1378, s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer tant le capital que les intérêts ou les fruits du jour du payement ;
Attendu que l'arrêt attaqué, ayant déclaré que Y... avait reçu de mauvaise foi, n'a fait qu'une juste application dudit article, en ordonnant la restitution des intérêts du jour du payement.
REJETTE,
Ainsi jugé et prononcé, Chambre civile.