ANNULATION, sur le pourvoi des consorts X..., d'un Arrêt rendu, le 1er juillet 1864, par la Cour impériale de Douai, au profit des consorts X....
Du 22 Janvier 1867.
LA COUR,
Ouï M. le conseiller Le Roux de Bretagne, en son rapport ; Maître Z..., pour les demandeurs, en ses observations, et M. le procureur général Delangle, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré en la chambre du conseil,
Donne défaut contre les défendeurs non comparants, et pour le profit ;
Vu les articles 331 du Y... Napoléon et unique de la loi du 16 avril 1832 ;
Attendu que les liens, plus ou moins étroits, que la nature ou la loi établit entre deux personnes, peuvent avoir pour effet, ou de rendre leur mariage absolument impossible, ou de ne le permettre qu'à certaines conditions ;
Que quand, dans l'ancien droit, des dispenses étaient accordées pour cause de parenté, elles effaçaient l'empêchement pour le passé comme pour l'avenir ; que les parents au degré prohibé étaient considérés comme ayant toujours été libres, et que, par suite, leurs enfants pouvaient être légitimés par le mariage subséquent ;
Attendu que la loi nouvelle n'est pas, à cet égard, plus sévère que l'ancienne ; qu'à la vérité, l'article 331 n'admet à jouir du bienfait de la légitimation que les enfants nés hors mariage, autres que ceux nés d'un commerce incestueux ou adultérin ; mais que ces dernières expressions, qui ont été ajoutées à la rédaction primitive de cet article pour le mettre en harmonie avec l'article 335, n'ont en vue que ceux qui doivent le jour à des personnes entre lesquelles le mariage est absolument interdit, ou qui n'ont pas obtenu du Gouvernement la permission de le contracter ;
Qu'en déclarant que les enfants adultérins ou incestueux ne peuvent être légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère, l'article 331 a posé un principe de haute moralité, mais qu'il ne faut pas en exagérer les conséquences ;
Que, si cette règle est générale et absolue quand il s'agit d'enfants nés d'un commerce adultérin, il en est autrement quand il s'agit d'enfants nés d'un commerce incestueux ;
Qu'en effet, ceux dont les père et mère ont obtenu du Gouvernement les dispenses qui leur étaient nécessaires pour se marier, dans les cas prévus par les articles 162 et 163 du Y... Napoléon et par la loi du 16 avril 1832, ne peuvent être mis sur la même ligne que ceux dont les père et mère n'ont pas obtenu ces dispenses, et que le droit nouveau n'a pas, plus que l'ancien, privé les premiers du bénéfice de la légitimation qu'il a refusé aux seconds ;
Qu'on objecte en vain les termes de l'article 335, puisque ce n'est pas au fruit de l'inceste, mais d'une union purgée, par l'effet des dispenses, de son vice originel, que la reconnaissance et la légitimation profitent ;
Qu'on objecte encore que cette interprétation est contraire à l'article 331, qui a pour but de conserver intacte la pureté des relations de famille ; mais que cet intérêt est protégé bien mieux par la sévérité que le Gouvernement apporte dans l'octroi des dispenses que par le refus qu'on ferait d'appliquer à un mariage qu'il a permis l'un de ses effets les plus salutaires ;
Qu'on ne peut admettre que, quand les dispenses ont été accordées, le législateur ait voulu réhabiliter les auteurs de la faute, sans effacer la tache qui en est résultée pour ceux qui lui doivent l'existence, et introduire, dans la nouvelle famille qu'il permet de créer, des causes incessantes de division, en assurant les honneurs et les avantages de la légitimité aux enfants nés depuis le mariage, et en ne laissant à ceux qui sont nés antérieurement que la flétrissure et les incapacités de recevoir qui dérivent d'une origine incestueuse ;
Qu'il importe peu que les enfants dont il s'agit dans la cause soient nés avant la loi du 16 avril 1832, qui a étendu au beau-frère et à la belle-soeur la possibilité d'obtenir les dispenses que le Code limitait à l'oncle et à la nièce, à la tante et au neveu, puisque, ces dispenses ayant pour effet de lever l'empêchement, même pour le passé, et de faire considérer les personnes qui les ont obtenues comme ayant toujours été libres, leurs enfants ont pu, quelle que soit l'époque de leur naissance, être légitimés par le mariage subséquent ;
Qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a faussement appliqué le texte et méconnu l'esprit des articles ci-dessus visés,
CASSE,
Ainsi jugé, Chambre civile.