ANNULATION, sur le pourvoi des sieurs Y..., d'un Arrêt rendu, le 28 juillet 1862, par la Cour impériale de Grenoble, au profit des sieurs Z....
Du 27 Décembre 1865.
LA COUR,
Ouï le rapport de M. Paul Pont, conseiller ; les observations de Maître Tenaille-Saligny, avocat des demandeurs ; celles de Maître Bozérian, avocat des défendeurs, et les conclusions de M. de Raynal, premier avocat général ;
Après en avoir immédiatement délibéré ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1165, 1315, 1350 et 1351 du X... Napoléon ;
Attendu que, par arrêt du 28 août 1851, rendu entre les habitants du hameau de Colletières et les demandeurs, ceux-ci ont été déclarés propriétaires de la totalité du lac de Paladru ; que cet arrêt a été invoqué, entre autres titres, par les demandeurs à l'appui de l'action par eux formée au pétitoire contre Tripier père et fils, et de faire interdire à ceux-ci la faculté de pêcher et de tenir bateau dans la partie litigieuse du lac ; et que cette action a été rejetée par l'arrêt attaqué, le motif pris de ce que l'arrêt du 28 août 1851 était étranger à Tripier père et fils, et ne leur était pas dès lors opposable ;
Attendu, en droit que, la propriété étant un droit réel, l'arrêt qui déclare un individu propriétaire équivaut nécessairement à un titre susceptible, comme tout autre titre, d'être opposé à tous par celui qui l'a obtenu ; que, sans doute, l'autorité de la chose jugée étant limitée par l'article 1351 du X... Napoléon aux seules parties en cause, un tel arrêt ne saurait être opposé aux tiers avec le caractère de la chose jugée ; mais qu'il n'en est pas moins un titre, et que les tiers contre lesquels il est invoqué, s'ils peuvent l'attaquer au moyen de la tierce opposition ou même directement, ne peuvent du moins détruire la preuve qui en résulte qu'à la charge de faire la preuve contraire, et d'établir, à leur profit, soit un droit de propriété préférable, soit une possession antérieure légalement acquisitive ;
Attendu, dans l'espèce, que les consorts Y... avaient fait leur preuve en produisant l'arrêt de 1851, par lequel ils étaient déclarés propriétaires de tout le lac de Paladru ; que l'action par eux dirigée contre Tripier père et fils ne pouvait donc être écartée qu'autant que ces derniers auraient détruit cette preuve en faisant la preuve contraire ; que, cependant, l'arrêt attaqué a déclaré l'action non recevable en se fondant uniquement sur ce que les demandeurs ne justifiaient d'aucun titre de propriété, et qu'ils étaient, par conséquent, sans qualité et sans droit pour interdire aux défendeurs la faculté prétendue par ceux-ci de pêcher et de tenir bateau dans la partie litigieuse du lac ; et qu'en jugeant ainsi, ledit arrêt a violé, soit directement, soit par fausse application, les dispositions de loi ci-dessus visées ;
Attendu, quant aux dépens, que Th. Tripier doit s'imputer à lui-même d'avoir, par la notification tardive de la cession à lui faite par J.B. Tripier, laissé les demandeurs en cassation dans la persuasion que ses cohéritiers étaient intéressés au maintien de l'arrêt attaqué, et devaient être assignés comme défendeurs au pourvoi :
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi,
CASSE,
Ainsi jugé, Chambre civile.