ANNULATION, sur le pourvoi du sieur Z..., d'un Arrêt rendu par la Cour impériale de Caen, le 4 juillet 1862, en faveur du sieur Y....
Du 22 Juin 1864.
LA COUR,
Ouï M. le conseiller Renouard, en son rapport ; Maître Dareste, avocat du demandeur, et Maître Groualle, avocat du défendeur, en leurs observations ; ensemble M. le premier avocat général de Raynal, en ses conclusions, et après en avoir immédiatement délibéré ;
Vu les articles 711 et 1165 du X... Napoléon ;
Attendu qu'il a été reconnu, en fait, par les deux jugements de première instance dont l'arrêt attaqué a adopté les motifs, qu'à consulter l'acte de partage du 15 octobre 1812 et l'adjudication du 25 novembre 1855, titres invoqués par Z..., la réclamation par laquelle il revendique cette portion de haie séparant sa propriété de celle de Y... se trouve clairement établie et devrait être accueillie ;
Attendu que, s'appuyant sur ce que le partage de 1812, étranger à Y... et à ses auteurs, ne ferait pas absolument foi contre eux, le jugement préparatoire a admis les parties à faire preuve des faits de possession et de prescription, respectivement invoqués par elles, et subsidiairement par le demandeur ;
Attendu que le jugement définitif, en reconnaissant des actes de jouissance de la part de l'une et l'autre partie, a déclaré insuffisante l'enquête du demandeur, préférable celle du défendeur, et a, en conséquence, rejeté comme mal fondée la demande en revendication formée par Z... ;
Attendu qu'il ne résulte, ni du dispositif, ni des motifs de ce jugement, que la possession de Y... ou de ses auteurs ait été, pendant une durée de trente années, continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ;
Attendu que la possession de Y... n'aurait pu prévaloir sur les titres de Z... que si elle avait eu soit ce commencement, soit cette durée ; que ni l'un ni l'autre de ces caractères ne lui sont attribués par l'arrêt attaqué, et que, dans l'état des faits déclarés par cet arrêt, l'unique question qui reste à examiner est celle de savoir si les titres de Z..., quoique reconnus probants en eux-mêmes, ont à bon droit été écartés par le motif qu'ils étaient étrangers à Y... et à ses auteurs ;
Attendu qu'aux termes de l'article 711 du X... Napoléon, la propriété des biens s'acquiert et se transmet par l'effet des obligations, et que les contrats qui lui servent de titre et de preuve sont ceux qui sont passés entre l'acquéreur et le vendeur ;
Que le droit de propriété serait perpétuellement ébranlé si les contrats destinés à l'établir n'avaient de valeur qu'à l'égard des personnes qui y auraient été parties, puisque, de l'impossibilité de faire concourir les tiers à des contrats ne les concernant pas, résulterait l'impossibilité d'obtenir des titres protégeant la propriété contre les tiers ;
Attendu que, déclarer opposables aux tiers les titres réguliers de propriété, ce n'est aucunement prétendre qu'il peut résulter de ces titres une modification quelconque aux droits des tiers, et qu'ainsi la règle de l'article 1165, qui ne donne effet aux conventions qu'entre les contractants, est ici sans application ;
D'où il suit qu'en faisant prévaloir, sur les titres produits par Z..., les faits de possession tels qu'ils sont constatés dans l'espèce, et en rejetant ainsi la demande en revendication formée par Z..., l'arrêt attaqué a faussement appliqué l'article 1165 du X... Napoléon, et violé tant ledit article que l'article 711 du même code,
CASSE,
Ainsi jugé et prononcé, Chambre civile.