ANNULATION, sur la demande de M. le Procureur général près la Cour impériale de Rennes, d'un Arrêt rendu le 22 août 1855, au profit du sieur Pottier.
Du 21 Mai 1856.
NOTICE ET MOTIFS.
Le sieur Pottier désirait contracter mariage avec Rose Louvigné. Il déclarait n'avoir jamais été marié. Cependant les registres de l'état civil de la commune de Chaumeré contenaient l'acte de naissance d'un enfant déclaré né de Pottier et de Françoise R ..., son épouse. M. le procureur impérial de Vitré forma opposition au nouveau mariage de Pottier, jusqu'à ce que celui-ci administrât la preuve qu'il n'était pas marié avec Françoise R....
Pottier demanda mainlevée de cette opposition, par le motif que l'acte de naissance dont il s'agit contenait une erreur ou une déclaration inexacte.
Par jugement du 18 juillet 1855, le tribunal civil de Vitré, sans aborder l'examen du fond, déclara le procureur impérial non-recevable dans son opposition au mariage.
Sur l'appel, arrêt confirmatif de la cour de Rennes.
M. le procureur général près cette cour s'est pourvu en cassation.
Sur quoi, LA COUR,
Ouï M. le conseiller Grandet, en son rapport ; M. Nicias Gaillard, premier avocat général, en ses conclusions ; après en avoir immédiatement délibéré ;
Donne défaut contre René-François Pottier, non comparant, ni personne pour lui ; et pour le profit :
Vu les articles 46 de la loi du 20 avril 1810, 147 et 184 du Code Napoléon ;
Attendu que l'article 46 de la loi du 20 avril 1810 charge le ministère public de surveiller l'exécution des lois et de poursuivre d'office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l'ordre public ; que la disposition de la loi qui défend de contracter un second mariage avant la dissolution du premier intéresse l'ordre public au plus haut degré ; que le ministère public, qui, aux termes de l'article 184 du Code Napoléon, a le droit d'agir pour faire prononcer en justice la nullité du second mariage, doit avoir, à plus forte raison, le droit de s'opposer à l'accomplissement de ce mariage, et de prévenir ainsi la consommation d'un crime dont il pourrait être obligé plus tard de poursuivre la répression devant les tribunaux criminels ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a formellement violé l'article 46 de la loi du 20 avril 1810, et les articles 147 et 184 du Code Napoléon ;
CASSE,
Fait et prononcé, Chambre civile.