La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/1856 | FRANCE | N°JURITEXT000006951611

France | France, Cour de cassation, Chambre civile, 26 février 1856, JURITEXT000006951611


ANNULATION, sur la demande des héritiers de la dame Y..., d'un Arrêt rendu, le 28 juin 1853, par la Cour impériale de Douai, au profit de François Y....

Du 26 février 1856.

NOTICE ET MOTIFS.

Par leur contrat de mariage, du mois de novembre 1844, les époux Y... se sont fait respectivement donation, au profit du survivant, de tous les biens meubles et de l'usufruit des biens immeubles qui composeraient la succession du prémourant.

La dame Y... est décédée en janvier 1853. Elle n'avait, de son vivant formé aucune plainte contre son mari, ni intenté aucu

ne demande en séparation de corps. Cependant il fut établi que Y... s'était livré e...

ANNULATION, sur la demande des héritiers de la dame Y..., d'un Arrêt rendu, le 28 juin 1853, par la Cour impériale de Douai, au profit de François Y....

Du 26 février 1856.

NOTICE ET MOTIFS.

Par leur contrat de mariage, du mois de novembre 1844, les époux Y... se sont fait respectivement donation, au profit du survivant, de tous les biens meubles et de l'usufruit des biens immeubles qui composeraient la succession du prémourant.

La dame Y... est décédée en janvier 1853. Elle n'avait, de son vivant formé aucune plainte contre son mari, ni intenté aucune demande en séparation de corps. Cependant il fut établi que Y... s'était livré envers sa femme à des excès et sévices, à raison desquels il fut condamné, par jugement du tribunal correctionnel d'Avesnes, du 21 juin 1853, à six mois de prison.

Peu de jours après ce jugement, Y... demanda l'exécution de la donation contenue au contrat de mariage. Les héritiers de la dame Y... y répondirent en concluant à la révocation de cette donation pour cause d'ingratitude.

Le tribunal civil d'Avesnes, et, sur appel, la Cour impériale de Douai, par arrêt du 28 juin 1854, refusèrent de prononcer la révocation, appliquant aux donations faites entre époux par contrat de mariage la disposition de l'article 959 du X... Napoléon, aux termes duquel les donations en faveur de mariage ne sont pas révocables pour cause d'ingratitude.

Les héritiers de la dame Y... se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.

Sur quoi, la Cour, ouïs M. le conseiller Grandet, en son rapport, Maître Hardouin, avocat des demandeurs ; Maître Carette, avocat du défendeur, en leurs observations ; M. Sevin, avocat général, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;

Vu les articles 953, 955 et 959 du X... Napoléon ;

Attendu, en principe général, que les donations entre-vifs sont révocables pour cause d'ingratitude ; que, si, sous l'ancienne législation, il avait été introduit une exception à ce principe à l'égard des donations faites en faveur de mariage, cette exception ne s'appliquait qu'aux donations faites aux époux par les tiers ; que les donations faites par les époux l'un à l'autre restaient soumises à la révocation ; que le X... Napoléon s'est approprié cette jurisprudence ; qu'en présentant au Corps législatif le projet de loi qui établissait la révocabilité des donations pour cause d'ingratitude, l'orateur du Gouvernement s'exprimait en ces termes :

"Les donations en faveur de mariage sont exceptées, parce qu'elles ont pour objet les enfants à naître, qui ne doivent pas être victimes de l'ingratitude du donataire ;"

Attendu que ces motifs ne peuvent s'appliquer qu'aux donations faites aux époux par les tiers ; que les donations entre époux n'ont nullement pour objet les enfants à naître ; qu'elles ne sont stipulées qu'en vue de l'attachement que les époux se

promettent ; qu'elles sont déclarées révocables par l'article 299 du X... Napoléon, applicable à la séparation de corps comme au divorce, aux termes duquel l'époux contre lequel le divorce a été admis perd tous les avantages que l'autre époux lui avait faits, soit par contrat de mariage, soit depuis le mariage contracté ; que cette révocation n'est pas fondée sur la rupture ou le relâchement du lien conjugal, puisque la loi ne la prononce qu'au profit de l'époux demandeur, et qu'elle ne la prononçait pas dans le cas où le divorce avait lieu par consentement mutuel ; que cette révocation a pour unique motif l'ingratitude du donataire ; qu'ainsi que le disait l'orateur du Gouvernement, lors de la présentation du projet de loi, l'époux convaincu de faits de nature à motiver le divorce ne peut jouir d'un bienfait qui devait être le prix d'une constante affection ; qu'il s'est mis au rang des ingrats, et doit être traité comme tel ; qu'il a violé la première condition du contrat et ne doit pas être reçu à en réclamer l'exécution ; que c'est par suite du même principe qu'aux termes de l'article 1518 du X... Napoléon l'époux qui a obtenu soit la séparation de corps soit le divorce conserve seul ses droits au préciput en cas de survie ;

Attendu qu'on oppose en vain la généralité de ces expressions de l'article 959, donations en faveur de mariage, que le projet primitif du code, qui n'admettait pas la séparation de corps, contenait, et la disposition de l'article 299, qui portait que l'époux contre lequel le divorce a été admis perd tous les avantages que l'autre époux lui avait faits, et l'article 959, qui portait que les donations faites en faveur de mariage en sont pas révocables pour cause d'ingratitude ; que, du rapprochement de ces deux articles, résultait la conséquence nécessaire que, dans l'article 959, ces

mots : "Les donations en faveur de mariage, ne pouvaient, dans l'intention du législateur s'entendre, comme ils s'entendaient sous l'ancien droit, que des donations faites par les tiers, puisque, par l'article 299, la révocabilité des donations entre époux avait été prononcée ; que le sens de ces expressions ne peut avoir changé par cela que l'époux offensé a été autorisé à choisir entre le divorce et la séparation de corps ; qu'on ne peut supposer une pareille antinomie entre l'article 959 et les articles 299 et 1518 du même code ;

Attendu que, lorsque l'époux offensé est décédé dans l'année du délit, l'action en révocation des donations par lui faites peut être intentée par les héritiers ; qu'on ne saurait admettre que l'époux coupable puisse trouver dans la gravité des sévices et dans la mort de la victime l'espoir et quelquefois le moyen de s'assurer le profit de son crime ; que l'arrêt attaqué, en déclarant en droit que les donations faites entre époux par contrat de mariage n'étaient pas révocables pour cause d'ingratitude, a faussement appliqué l'article 959 du X... Napoléon, et, par suite, formellement violé tant ledit article que les articles 953, 955 et 957 du Code

Napoléon ;

Casse,

Fait et prononcé, Chambre civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951611
Date de la décision : 26/02/1856
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Civile

Analyses

Les donations faites entre époux par contrat de mariage sont soumises à la révocation pour cause d'ingratitude. Lorsque l'époux offensé est décédé dans l'année du délit, l'action en révocation peut être intentée par les héritiers.


Références :

Code Napoléon 953, 955, 959

Décision attaquée : Cour impériale de Douai, 28 juin 1853

Cour de Cassation (Chambre civile) 1826-02-13 Bulletin N. 17


Publications
Proposition de citation : Cass. Chambre civile, 26 fév. 1856, pourvoi n°JURITEXT000006951611, Bull. civ. N. 15 p. 40
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles N. 15 p. 40

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1856:JURITEXT000006951611
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award