RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 23 AOÛT 2024
Minute N°
N° RG 24/02148 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBQO
(1 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 21 août 2024 à 16h19
Nous, Alexandre David, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Hermine Bildstein, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
LA PRÉFECTURE DU LOIRET
non comparante, représentée par Me Wiyao Kao du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau du Val-de-Marne ;
INTIMÉ :
M. X se disant [W] [I]
né le 16 Octobre 2001 à [Localité 2], de nationalité algérienne
libre, sans adresse connue,
convoqué au centre de rétention d'[Localité 1], dernière adresse connue en France,
comparant, assisté de Me Bérengère Dufour, avocat au barreau d'Orléans ;
en présence de M. [U] [J], interprète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenueau Palais de Justice d'Orléans, le 23 août 2024 à 14 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 21 août 2024 à 16h19 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans disant n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. X se disant [W] [I] ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 22 août 2024 à 14h04 par La préfecture du Loiret ;
Vu les conclusions du conseil de M. X se disant [W] [I], reçues au greffe le 22 août 2024 à 17h24 ;
Après avoir entendu :
- Me Wiyao Kao, en sa plaidoirie ;
- Me Bérengère Dufour, en sa plaidoirie ;
- M. X se disant [W] [I], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
Aux termes de l'article L. 742-5 du CESEDA : « À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ".
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention ».
Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel de la préfecture du Loiret du 22 août 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :
1. Sur la menace à l'ordre public
Une troisième prolongation de la rétention administrative constitue une mesure exceptionnelle qui peut être ordonnée si les conditions prévues par l'article L. 742-5 du CESEDA sont remplies, notamment en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public, qu'il appartient à l'autorité administrative de caractériser.
La notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national.
Le juge apprécie in concreto la caractérisation de la menace pour l'ordre public, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé et, le cas échéant, sa volonté d'insertion ou de réhabilitation.
Dans ce contexte, l'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public et il y a lieu de considérer, à l'instar du juge administratif, que la commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l'intérieur, n° 365644, A ).
Il apparaît certes que M. [W] [I] est mentionné à plusieurs reprise, en tant que mise en cause, dans le système de traitement des antécédents judiciaires. Cependant, les informations figurant dans ce fichier ne permettent pas d'établir la culpabilité de la personne mentionnée. A cet égard, l'autorité administrative se prévaut de multiples interpellations de l'intéressé mais n'invoque aucune condamnation pénale qui aurait été prononcée à son encontre. Il y a lieu de relever que les faits d'agression sexuelle commis le 22 juin 2024 invoqués par l'autorité administrative ont donné lieu à une décision de classement sans suite par le parquet (page n° 256 de la requête). Il s'en évince que la menace pour l'ordre public n'est pas caractérisée.
2. Sur la possibilité d'une délivrance à bref délai des documents de voyage
La préfecture du Loiret justifie de plusieurs diligences accomplies auprès des autorités consulaires algériennes. Ainsi, elle a obtenu une copie de l'acte de naissance de M. [W] [I] et l'a transmis le 20 août 2024 au consulat d'Algérie.
Elle a réalisé les diligences qui s'imposaient à elles, étant rappelé qu'elle ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de délivrance de laissez-passer.
Cependant, nonobstant l'absence de carence de l'administration, il n'est pas démontré, à défaut de réponse des autorités algériennes, que la délivrance d'un laissez-passer puisse survenir à bref délai. C'est pourquoi il ne saurait être fait droit à la demande de prolongation sur le fondement de l'article L. 742-5 3° du CESEDA.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS recevable l'appel de la préfecture du Loiret ;
DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;
CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 21 août 2024 ayant dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [W] [I] ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture du Loiret à M. [W] [I] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Alexandre David, président de chambre, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le VINGT TROIS AOÛT DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hermine BILDSTEIN Alexandre DAVID
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 23 août 2024 :
La préfecture du Loiret, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. X se disant [W] [I] , copie remise en personne
Le cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne, par PLEX
Me Bérengère Dufour, avocat au barreau d'Orléans, par PLEX
L'interprète L'intéressé