RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 22 AOÛT 2024
Minute N°
N° RG 24/02114 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBOU
(1 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 20 août 2024 à 11h07
Nous, Alexandre David, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [C] [Y]
né le 28 Février 1997 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne,
actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 3] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,
comparant par visioconférence, assisté de Me Anne-Catherine Le Squer, avocat au barreau d'Orléans,
en présence de M. [D] [T], interprète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;
INTIMÉ :
LA PRÉFECTURE DE LA SEINE-MARITIME
non comparante, non représentée ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 22 août 2024 à 14 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 20 août 2024 à 11h07 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant l'exception de nullité soulevée, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [C] [Y] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt six jours à compter du 21 août 2024 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 20 août 2024 à 16h01 par M. [C] [Y] ;
Après avoir entendu :
- Me Anne-Catherine Le Squer, en sa plaidoirie,
- M. [C] [X], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.
Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet ».
Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 20 août 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :
1. Sur la régularité de la procédure
S'agissant des conditions d'interpellation, M. [C] [Y] soutient que le contrôle d'identité opéré sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale est irrégulier, à défaut de caractérisation d'une infraction. Il déclare être sorti avec un ami, qui a entrepris de détruire une voiture en stationnement, mais n'avoir pas participé à la commission de ce délit. Il estime que son interpellation était dès lors injustifiée.
Les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale permettent notamment aux officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, aux agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° du même code de contrôler l'identité de toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.
Ainsi, la caractérisation de l'infraction et les suites judiciaires réservées à l'affaire ne remettent pas en cause la régularité du contrôle dès lors qu'il existait, au moment où il a été opéré, des indices laissant présumer la commission d'une infraction par la personne concernée.
En l'espèce, il ressort du procès-verbal de saisine que les agents interpellateurs ont été destinataires d'un appel radio leur signalant un vol à la roulotte au [Adresse 1] à [Localité 4]. Arrivés sur les lieux, les policiers ont remarqué la présence de deux individus, qui seront identifiés comme étant M. [G] [F] et M. [C] [Y], à proximité d'un véhicule à la vitre brisée. À la vue des agents, M. [G] [F] s'est jeté au sol au niveau de la voiture avec deux sacs à ses pieds et M. [C] [Y] a décidé, subitement, de prendre la direction opposée aux forces de l'ordre d'un pas rapide.
Il se déduit de ces éléments qu'il existait à ce moment précis des raisons plausibles de soupçonner que les deux individus venaient de commettre une infraction, en l'espèce un vol à la roulotte. Dès lors, le contrôle mené en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale était justifié.
En outre, en présence d'indices apparents d'un délit qui se commettait ou venait de se commettre, les policiers ont pu agir dans le cadre de la flagrance et appréhender, en vue de sa remise à un officier de police judiciaire, M. [C] [Y], en application des articles 53 et 73 du code de procédure pénale. La procédure est donc régulière. Le moyen est rejeté.
2. Sur la contestation de l'arrêté de placement
Dans la mesure où M. [C] [Y] a entendu reprendre les moyens de nullité soulevés en première instance, il convient de relever que le premier juge a également été saisi du moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté de placement en rétention du 17 août 2024.
Sur le défaut de motivation invoqué, la cour rappelle au préalable que le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention, qui est la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité de la décision de placement.
En l'espèce, le préfet de la Seine-Maritime a notamment justifié sa décision de placement en rétention du 17 août 2024 par le défaut de présentation d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité, par le fait que l'intéressé s'est déclaré sans domicile fixe, et par le non-respect des obligations de pointage d'une assignation à résidence lui ayant été notifiée le 11 juillet 2024.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, vérifiés grâce aux pièces transmises par la préfecture, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentations effectives propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet depuis le 11 juillet 2024, de sorte qu'une assignation à résidence est une mesure insuffisante. Le préfet de la Seine-Maritime a donc motivé sa décision de placement, comme l'article L. 741-6 du CESEDA l'y oblige, et n'a commis aucune erreur d'appréciation. Le moyen est rejeté.
Sur le défaut de compétence du signataire de l'arrêté de placement en rétention, la cour fait sienne l'analyse et la motivation du premier juge qui a relevé à juste titre que M. [O] [S] avait compétence pour signer la décision litigieuse en vertu de l'article 6 de l'arrêté n° 24-022 du 26 avril 2024 portant délégation de signature. Le moyen est rejeté.
3. Sur la requête en prolongation
Sur les diligences de l'administration, M. [C] [Y], se prévalant des dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA, estime ces dernières insuffisantes en l'espèce.
Il résulte des dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA et des termes de l'article 15.1 alinéa 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 qu'un maintien en rétention administrative doit être aussi bref que possible et ne se justifie qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. L'administration est, à ce titre, tenue au respect d'une obligation de moyens.
Pour accueillir une demande de première prolongation, le juge doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration en vue d'organiser le départ de l'étranger. Lorsque l'intéressé est dépourvu de document de voyage, les diligences attendues de l'administration sont une saisine rapide des autorités consulaires.
En l'espèce, la cour constate que M. [C] [Y] a été placé en rétention administrative le 17 août 2024, et que les autorités consulaires algériennes ont été saisies d'une demande de laissez-passer par courriel du même jour.
Ainsi, la préfecture de la Seine-Maritime a réalisé, sans accuser le moindre retard, des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, s'agissant d'une première demande de prolongation. Il est également rappelé qu'elle ne détient aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de réponse du consulat. Le moyen est rejeté.
S'agissant des perspectives raisonnables d'éloignement, M. [C] [Y] soutient que les auditions consulaires et les relations diplomatiques avec l'Algérie sont suspendues. Il en conclut que l'obtention d'un laissez-passer durant le délai légal de sa rétention est improbable.
Aux termes de l'article L. 741-3 du CESEDA doivent être contrôlées d'une part les diligences de l'administration aux fins de procéder à l'éloignement effectif de l'étranger placé en rétention, celle-ci étant tenue à une obligation de moyens et non de résultat, et d'autre part l'existence de perspectives raisonnables d'éloignement.
Ces dispositions trouvent leur traduction en droit de l'Union au sein de l'article 15 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008, dites directive retour :
Selon l'article 15.1, quatrième alinéa : « Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise ».
Aux termes de l'article 15.4 : « Lorsqu'il apparait qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté ».
Le juge est donc tenu d'apprécier in concreto l'existence de perspectives raisonnables d'éloignement, ces dernières devant se distinguer des perspectives d'éloignement à bref délai, qui ne concernent que la situation prévue à l'article L. 742-5 3° du CESEDA.
Il est constant que ces perspectives raisonnables d'éloignement doivent être appréciées en fonction de la durée totale de la rétention, cette dernière pouvant être portée à quatre-vingt-dix jours sous réserve de l'appréciation du juge des libertés et de la détention lors de l'examen des conditions relatives aux différentes prolongations.
En l'espèce, il ne ressort d'aucun élément du dossier de M. [C] [Y] que les relations diplomatiques entre la France et l'Algérie seraient de nature à empêcher son éloignement durant le temps de sa rétention administrative.
Il est également rappelé que ces relations ont été et demeurent fluctuantes et susceptibles d'évolutions rapides, de sorte qu'il apparait prématuré, à ce stade de la procédure administrative de rétention, de conclure à l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement. Le moyen est rejeté.
En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. [C] [Y] ;
CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 20 août 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture de la Seine-Maritime, à M. [C] [Y] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Alexandre David, président de chambre, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le VINGT DEUX AOÛT DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hermine BILDSTEIN Alexandre DAVID
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 22 août 2024 :
La préfecture de la Seine-Maritime, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. [C] [Y] , copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Anne-Catherine Le Squer, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé / par PLEX
, copie remise en main propre contre récépissé / par PLEX
L'avocat de la préfecture L'interprète L'avocat de l'intéressé