COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Chambre des référés - Première Présidence
Ordonnance de référé du 21 août 2024
/ 2024
N° RG 24/01735 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAXF
S.A.S. WELCOMR C/ [U] [G] exerçant sous la dénomination FBN Conseils
Expéditions le : 21 AOUT 2024
la SELARL LX POITIERS-ORLEANS
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES
chambre commerciale
O R D O N N A N C E
Le vingt et un août deux mille vingt quatre,
Nous, Catherine GAY-VANDAME, première présidente de la Cour d'appel, assistée de Marie-Claude DONNAT, greffier lors des débats et de Fatima HAJBI, greffier lors du prononcé,
Statuant en référé dans la cause opposant :
I - S.A.S. WELCOMR, immatriculée au RCS de TOURS sous le n° 794 923 300, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me Stéphanie BAUDRY de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOURS.
Demanderesse, suivant exploit de la SCP FIDARE, huissiers de justice associés à PARIS en date du 2 juillet 2024,
d'une part
II - [U] [G], entrepreneur individuel immatriculé au répertoire SIREN sous le n° [Numéro identifiant 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Sophie GATEFIN de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me ATTAL substituant Me Vincent SCHMITT de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIÉS, avocat plaidant au barreau de PARIS
d'autre part
Après avoir entendu les conseils des parties à notre audience publique du 24 juillet 2024, il leur a été indiqué que l'ordonnance serait prononcée, par mise à disposition au greffe le 21 août 2024.
La société WELCOMR est une société créée le 16 septembre 2013 avec pour activité le développement d'un système de contrôle d'accès dans l'immobilier tertiaire.
L'activité de cette société et son développement sont basés sur la fabrication d'un appareil électronique et le développement d'un logiciel associé permettant aux professionnels d'accéder de manière sécurisée à des bureaux. Les premières années de l'activité de la société ont été consacrées au développement du logiciel sans pour autant avoir une activité permettant sa commercialisation. Entreprise innovante nouvellement crée, la société WELCOMR a développé son modèle économique sur celui d'une 'start up' soit au moyen d'investissements importants sans avoir en corrélation immédiatement des résultats commerciaux de nature à faire face à ses charges courantes.
Après arrivée à maturité du logiciel développé par cette société, elle s'est rapprochée de Monsieur [G] pour l'accompagner dans l'organisation et le développement de son offre de contrôle d'accès. Le 13 février 2023, la société WELCOMR a conclu avec une société FBN CONSEIL représentée par Monsieur [U] [G] en sa qualité de dirigeant, un contrat de conseil et d'assistance pour notamment l'assistance au développement commercial des produits WELCOMR au niveau national et international.
En contrepartie de la prestation fournie, Monsieur [G] bénéficiait aux termes de la convention d'une rémunération mensuelle de 12 500 € HT soit 15 000 € TTC.
Par courriel du 2 janvier 2024, le dirigeant de la société WELCOMR a notifié à Monsieur [G] la suspension du contrat.
En retour, celui-ci a sollicité l'application de l'article 2 du contrat, soit la convention prévue en cas de résiliation de celui-ci. Il a sollicité le paiement de la somme de 75 412,70 € correspondant à quatre mois d'activité outre l'indemnité due au titre du mois de décembre 2023, ainsi qu'une note de frais impayés.
Le 27 février 2024, la société WELCOMR a fait assigner Monsieur [G] aux fins de voir à titre principal :
- Prononcer la résolution de la convention de conseil et d'assistance aux torts de Monsieur [G] ;
- Condamner Monsieur [G] à lui restituer la somme de 121 000 € HT correspondant aux prestations payées mais non exécutées.
Le même jour, soit le 27 février 2024, Monsieur [G] a fait assigner la société WELCOMR devant le président du tribunal de commerce de Tours statuant en référé aux fins de d'obtenir le paiement par provision des sommes qu'il estimait dues par son cocontractant.
Par ordonnance rendue le 17 mai 2024, le tribunal de commerce de Tours statuant en référé a :
- Condamné par provision la SAS WELCOMR à payer à Monsieur [U] [G] la somme de 75 412,70 €, majorée des intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter de l'assignation et de l'indemnité forfaitaire de
40 € pour frais de recouvrement ;
- Condamné la SAS WELCOMR à payer à Monsieur [U] [G] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC outre sa condamnation aux dépens.
La société WELCOMR a interjeté appel de cette décision le 28 mai 2024.
Par exploits du 2 juillet 2024, la société WELCOMR a fait assigner Monsieur [U] [G] devant la première présidente de la Cour d'appel d'Orléans aux fins de voir :
- Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance rendue par madame la présidente du tribunal de commerce de Tours le 17 mai 2024 ;
- Condamner Monsieur [G] à verser à lui verser la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC outre sa condamnation aux dépens.
Elle fonde ses demandes sur les dispositions de l'article 514-3 du code civil et expose l'existence de moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision de première instance ainsi que les conséquences manifestement excessives que risquent d'entrainer l'exécution provisoire manifestées postérieurement à la décision de première instance.
S'agissant des moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision, elle soulève en premier lieu l'absence de qualité pour agir de Monsieur [G] à titre personnel, la convention ayant été signée entre elle et une société FBN conseil qui à priori n'est pas Monsieur [G]. Elle souligne par ailleurs une contradiction entre les moyens et le dispositif de la décision attaquée équivalant à un défaut de motivation justifiant une annulation ou une réformation par la cour d'appel.
Elle relève enfin l'inexécution ou l'exécution de mauvaise foi par Monsieur [G] de son obligation de conseil au détriment de son cocontractant.
S'agissant des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance, la société WELCOMR explique être une petite société en développement dont le financement du développement de l'activité s'est réalisé au moyen,
- D'investissements du fondateur et son entourage familial à hauteur de 150 000€
- Des investissements des associés à hauteur de 150 000 €
- D'une levée de fonds à hauteur de 1 300 000 €
- De prêts bancaires pour lesquels la somme de 1 700 000 € reste due à ce jour.
La société WELCOMR affirme ne pas avoir de disponibilité lui permettant de verser les sommes auxquelles elle a été condamnée par l'ordonnance du tribunal de commerce de Tours, tout en faisant face à ses charges courantes dont le paiement de ses 16 salariés.
Le paiement de cette somme la conduirait à terme à être en cessation de paiement et à se placer sous le bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire.
Monsieur [U] [G] s'oppose à l'ensemble des demandes. Par la voix de son conseil, il conteste l'existence de moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision attaquée. Il soutient que par une décision qualifiée de limpide, le président du tribunal de commerce de Tours n'a en aucun cas caractérisé la moindre contestation sérieuse.
S'agissant des conséquences manifestement excessives, il affirme que l'attestation émise par l'expert-comptable de la société a été établie par pur complaisance. Il souligne la contradiction entre la communication de la société WELCOMR sur sa forte croissance dans la presse spécialisée et les chiffres présentés dans la présente procédure et soutient que celle-ci dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant de régler la condamnation.
Reconventionnellement, Monsieur [G] sollicite la radiation de l'appel sur le fondement des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile.
Monsieur [U] [G] sollicite la condamnation de la société WELCOMR à lui verser la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
SUR QUOI :
- Sur la demande en suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé
L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives.
Par ailleurs, la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
S'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il convient de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction de la situation personnelle et financière du débiteur, ainsi que des facultés de remboursement du créancier si la décision devait être infirmée par la cour statuant au fond.
Ainsi les conséquences manifestement excessives doivent être examinées notamment au regard de leur caractère disproportionné ou irréversible.
L'ordonnance de référé rendue étant exécutoire par provision, il appartient à la société WELCOMR de rapporter la preuve de moyens sérieux à l'appui de l'appel interjeté et de manière cumulative des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance que l'exécution provisoire risque d'entraîner.
Il résulte des dispositions de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder en référé une provision au créancier.
Aux termes de la motivation développée par le président du tribunal de commerce de Tours dans sa décision du 17 mai 2024, ce dernier a mentionné l'existence de « nombreuses contestations sérieuses s'opposant aux demandes de Monsieur [G] » développées par la société WELCOMR en réponse aux demandes présentées. Les moyens présentés par la WELCOMR et détaillés par le juge des référés du tribunal de commerce dans sa motivation ont expressément été qualifiées par lui de 'contestations sérieuses'. Il ne pouvait en conséquence considérer la créance certaine liquide et exigible comme il l'a fait aux termes du dispositif de la décision.
Cette contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision rendue constituent, selon une jurisprudence constante une absence de motivation au sens de l'article 455 du code de procédure civile. Par ailleurs, l'existence d'une instance au fond pendante devant la même juridiction aux fins de résolution du contrat s'analyse en une contestation sérieuse ne permettant pas de qualifier la créance de certaine et exigible par le juge des référés. Ces éléments constituent un moyen sérieux d'annulation ou de réformation au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile.
La société WELCOMR produit aux débats un certain nombre d'éléments financiers dont notamment l'exercice comptable 2023 permettant de justifier sa situation financière. Elle produit également une attestation de son expert-comptable établissant la réalité de sa trésorerie disponible au 19 juillet 2024. Le qualificatif avancé d'attestation de complaisance par Monsieur [G] ne repose sur aucun élément sérieux produit aux débats et ne peut être retenu.
Les documents produits par la société WELCOMR établissent en l'espèce des conséquences manifestement excessives générées par l'exécution provisoire de la décision attaquée qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance et justifiant la suspension de celle-ci, au sens des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile.
Il sera fait droit à la demande de suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Tours le 17 mai 2024.
- Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [U] [G]
L'article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
Au visa des développement précédents, la preuve de conséquences manifestement excessives générées par l'exécution provisoire de la décision attaquée ayant été rapportée par la société WELCOMR, la demande aux fins de radiation sera rejetée.
- Sur l'article 700 du CPC
Il n'apparaît pas équitable au vu des circonstances de la cause de faire supporter à la SA WELCOMR les frais engagés par elle dans la présente procédure et non compris dans les dépens, il convient de lui allouer à ce titre la somme de
2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en matière de référé et en dernier ressort,
ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance rendue par madame la présidente du tribunal de commerce de Tours le 17 mai 2024 ;
DEBOUTONS Monsieur [U] [G] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNONS Monsieur [U] [G] à verser à la SA WELCOMR la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
Et la présente ordonnance a été signée par Madame Catherine GAY-VANDAME, première présidente et Madame Fatima HAJBI, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PREMIERE PRÉSIDENTE
Fatima HAJBI Catherine GAY-VANDAME