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21/08/2024 | FRANCE | N°24/01448

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Référés, 21 août 2024, 24/01448


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



Chambre des référés - Première Présidence





Ordonnance de référé du 21 AOUT 2024



/ 2024





N° RG 24/01448 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAGU



S.A.S. ONET TECHNOLOGIES TI

C/

[B] [P]



Expéditions le : 21 AOUT 2024

la SELARL JEROME LETANG

la SELARL ARGUMENTS

Chambre sociale









O R D O N N A N C E









Le vingt et un août deux mille vingt quatre,



No

us, Catherine GAY-VANDAME, première présidente de la Cour d'appel, assistée de Marie-Claude DONNAT, greffier lors des débats et de Fatima HAJBI, greffier lors du prononcé,



Statuant en référé dans la cause opposant :



I - S.A.S. ONET TECHNO...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Chambre des référés - Première Présidence

Ordonnance de référé du 21 AOUT 2024

/ 2024

N° RG 24/01448 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAGU

S.A.S. ONET TECHNOLOGIES TI

C/

[B] [P]

Expéditions le : 21 AOUT 2024

la SELARL JEROME LETANG

la SELARL ARGUMENTS

Chambre sociale

O R D O N N A N C E

Le vingt et un août deux mille vingt quatre,

Nous, Catherine GAY-VANDAME, première présidente de la Cour d'appel, assistée de Marie-Claude DONNAT, greffier lors des débats et de Fatima HAJBI, greffier lors du prononcé,

Statuant en référé dans la cause opposant :

I - S.A.S. ONET TECHNOLOGIES TI, anciennement dénommée TECHMAN INDUSTRIES, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 388 035 107, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Jérôme LETANG de la SELARL JEROME LETANG, avocat au barreau de LYON

Demanderesse, suivant exploit de Me [N] [B], commissaire de justice associé de la SAS H20 [B] à [Localité 6] en date du 11 juin 2024,

d'une part

II - [B] [P]

né le 19 Juin 1963 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant

assisté de Me Christophe GEORGES de la SELARL ARGUMENTS, avocat au barreau de TOURS

d'autre part

Après avoir entendu les conseils des parties à notre audience publique du 24 juillet 2024, il leur a été indiqué que l'ordonnance serait prononcée , par mise à disposition au greffe le 21 août 2024 .

ONET constitue un groupe de service et d'ingénierie qui exerce différents métiers (ONET PROPRETE ET SERVICES, ONET LOGISTIQUE, ONET AIRPORT SERVICES, ONET TECHNOLOGIES, ONET SECURITE, etc.)

Au sein de ce groupe, la société ONET TECHNOLOGIES TI (anciennement TECHMAN INDUSTRIE) exerce essentiellement des activités d'assistance chantier en logistique nucléaire.

A compter de l'année 2008, la société TECHMAN INDUSTRIE a été sollicitée par EDF en vue d'assurer le démantèlement de chacun des deux échangeurs de la centrale nucléaire de [Localité 5] A3. Le travail consistait dans la dépose et l'évacuation de la tuyauterie métallique du circuit d'eau chaude en commençant par le bas de chaque échangeur pour monter ensuite progressivement jusqu'au plafond et vider ainsi chaque bâtiment de l'ensemble de son équipement.

EDF a alors remis à la société TECHMAN INDUSTRIE un cahier des charges auquel était annexé le dossier technique amiante réalisé par un prestataire extérieur en 2005 selon lequel aucune présence d'amiante n'avait été identifiée dans les parties dans lesquelles la société TECHMAN INDUSTRIE était appelée à intervenir.

Les travaux de démantèlement ont débuté en octobre 2012.

A partir du mois de mars 2014, des débris de matériaux fibreux suspects ont été découverts sur le site à plusieurs reprises. Après analyse, certains de ces matériaux constituaient des matériaux amiantés.

Après plusieurs arrêts successifs du chantier et plusieurs campagnes de dépollution initiées par EDF, le chantier a repris à l'été 2017 pour le local sud puis à l'automne 2018 pour le local nord.

Certains salariés de la société TECHMAN INDUSTRIE ont demandé l'établissement de fiches d'exposition aux risques amiante pour le personnel concerné. Un de ces salarié était Monsieur [X] [P]. Il avait été embauché par la société TECHMAN INDUSTRIE dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé du 15 janvier 2001 en qualité d'agent de maintenance.

Monsieur [P] a mis fin à son contrat de travail par la signature d'un protocole de rupture transactionnel entre les parties du 14 avril 2016.

Le 19 février 2016, la société TECHMAN INDUSTRIE leur a répondu en expliquant qu'il convenait d'évaluer la nature et les niveaux d'exposition le plus exactement possible avant d'établir ces fiches d'exposition.

Ultérieurement, par l'intermédiaire de leur conseil, le 19 avril 2017, 8 salariés de TECHMAN INDUSTRIE TI dont Monsieur [P] ont mis en demeure la société de leur adresser une fiche d'exposition à l'amiante.

Des fiches étaient transmises le 5 mai 2017.

Le conseil de Monsieur [P] et des autres salariés ont adressé une nouvelle mise en demeure aux fins de modification de la fiche transmise. La société TECHMAN a refusé cette demande le 21 juillet 2017.

Par requête du 26 juillet 2018, Monsieur [P] et les autres salariés concernés ont saisi le conseil de prud'hommes de Tours afin que la modification de la fiche d'exposition soit ordonnée. Ils ont également demandé la condamnation de la société TECHMAN de leur payer des dommages et intérêts au titre du préjudice subi par le retard de la délivrance de la fiche d'exposition ainsi qu'au titre de leur préjudice moral d'anxiété subi lié à l'exposition à l'amiante.

Par jugement du 16 juin 2022, le CPH de Tours a débouté Monsieur [P] de ses demandes au titre de son préjudice d'anxiété du fait de sa prescription.

Le CPH a par ailleurs condamné la société ONET TECHNOLOGIES TI à remettre à Monsieur [P] :

- La fiche d'exposition aux travaux pénibles,

- La fiche d'exposition à l'amiante modifiée conformément à l'exposition réelle du salarié sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la notification du jugement.

Cette décision n'a pas été frappée d'appel.

Par lettre du 9 août 2022 la société ONET TECHNOLOGIES TI a adressé au conseil de Monsieur [P] une fiche 'd'enregistrement d'exposition anormale à l'amiante' et une fiche de 'prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels'.

Le 28 septembre 2022, le conseil de Monsieur [P], estimant ces fiches incomplètes, a adressé par LRAR à ONET TECHNOLOGIE TI le détail pour chaque salarié concerné les manquements constatés selon les salariés concernés dans les fiches livrées.

Le 14 octobre 2022, le conseil d'ONET TECHNOLOGIE TI a adressé à chacun des salariés :

- Une fiche d'exposition non accidentelle à l'amiante,

- Une fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels,

- Une note de commentaires relative aux modifications effectuées.

Aucune modification n'étant intervenue sur ces fiches, par requête du 17 février 2023, Monsieur [B] [P] a saisi le CPH de Tours d'une demande de liquidation de l'astreinte infligée par le précédent jugement et demandé la condamnation de ONET TECHNOLOGIE TI à lui payer la somme de 47 800 € au titre de cette liquidation, arrêtée au jour du dépôt de la requête. Il a également demandé, toujours en exécution du jugement du 16 juin 2022 la condamnation de ONET TECHNOLOGIE TI au paiement d'une astreinte définitive de 250 € par jour de retard et par fiche à compter du jugement à intervenir.

A titre subsidiaire, il sollicite la liquidation de l'astreinte à la date de remise des fiches modifiées soit le 14 octobre 2022 et la condamnation de ONET TECHNOLOGIE TI à lui verser la somme de 24 200 € à ce titre.

Par jugement rendu le 30 avril 2024, le conseil de prud'hommes de Tours a au visa de la non-conformité de la fiche d'exposition aux travaux pénibles et de la fiche d'exposition à l'amiante modifiée conformément à l'exposition réelle du salarié remise par ONET TECHNOLOGIES TI à Monsieur [B] [P],

- Ordonné la liquidation de l'astreinte mentionnée dans le jugement rendu par le CPH de Tours le 16 juin 2022 ;

- Condamné ONET TECHNOLOGIES TI à payer à Monsieur [B] [P] la somme de 87 800 € au titre de la liquidation de cette astreinte,

- Ordonné à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre à Monsieur [B] [P] la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et la fiche d'exposition à l'amiante modifiée conformément à l'exposition réelle du salarié sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la mise à disposition du jugement ;

- Condamné la société ONET TECHNOLOGIES TI à verser à Monsieur [P] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- Ordonné à la société ONET TECHNOLOGIES TI de consigner auprès de la caisse des dépôts et consignation dans un délai de 15 jours à compter de la mise à disposition de la décision, l'intégralité du montant des condamnations article 700 inclus.

La société ONET TECHNOLOGIES TI a interjeté appel de cette décision le 24 mai 2024.

Par exploits du 11 juin 2024, la société ONET TECHNOLOGIES TI a fait assigner Monsieur [B] [P] devant la première présidente de la Cour d'appel d'Orléans aux fins de voir, au dernier état de ses demandes,

A titre principal,

- Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le CPH de Tours du 30 avril 2024 en ce qu'il a ordonné à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre à Monsieur [B] [P] la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et la fiche d'exposition à l'amiante modifiée conformément à l'exposition réelle du salarié sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la mise à disposition du jugement ;

- Dire et juger que le jugement du CPH de Tours en ce qu'il a condamné la société ONET TECHNOLOGIES TI à payer à Monsieur [P] la somme de 87 800 € au titre de la liquidation de l'astreinte n'est pas assorti de l'exécution provisoire ;

- Dire et juger que le jugement du CPH de Tours en ce qu'il a condamné la société ONET TECHNOLOGIES TI à payer à Monsieur [P] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC n'est pas assorti de l'exécution provisoire ;

- Dire et juger que le jugement du CPH de Tours en ce qu'il a condamné la société ONET TECHNOLOGIES TI de consigner auprès de la caisse des dépôts et consignation dans un délai de 15 jours à compter de la mise à disposition de la décision, l'intégralité du montant des condamnations article 700 inclus n'est pas assorti de l'exécution provisoire ;

Subsidiairement,

- Ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ensemble des dispositions du jugement rendu par le CPH de Tours du 30 avril 2024.

Elle demande également la condamnation de Monsieur [P] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

Elle fonde ses demandes sur les dispositions de l'article 514-3 du code civil et expose l'existence de moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision de première instance ainsi que les conséquences manifestement excessives que risquent d'entrainer l'exécution provisoire manifestées postérieurement à la décision de première instance.

Elle souligne en liminaire que le dispositif de la décision rendue par le CPH de Tours ne comporte aucun chef relatif à l'exécution provisoire. En application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations à l'exception d'une seule ne sont pas exécutoire de droit par provision. L'exécution provisoire facultative prévue par le même texte n'a pas été ordonnée, en conséquence, seul le chef de jugement ordonnant à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre aux salariés la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et à la fiche d'exposition à l'amiante modifiée apparaît exécutoire de droit par provision.

A titre principal, elle appuie sa demande aux fins de suspension de l'exécution provisoire de ce seul chef de condamnation

S'agissant des moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision, la société ONET INDUSTRIES TI soutient que le conseil de prud'hommes a commis une erreur d'appréciation des faits entachant sa décision. Dans la partie de la décision relative aux faits constants, le CPH a commis une erreur en écrivant que la société ONET a adressé une seule fiche incomplète et comportant de nombreuses erreurs.

Le conseil n'a pas indiqué dans son jugement ni son calcul, la date à laquelle la liquidation a été arrêtée et les éléments pris en considération pour liquider l'astreinte. En outre, le terme de la consignation ordonnée n'a pas été précisé.

S'agissant des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance, la société ONET INDUSTRIES TI explique que du fait du différend entre les parties sur la nature et le contenu des documents communiqués, l'astreinte attachée à la communication des documents pourrait courir jusqu'à l'exécution de la décision de la Cour d'appel dans le cas où il serait considéré que les documents communiqués ne sont pas conformes au jugement du CPH de Tours du 16 juin 2022.

Le montant journalier de l'astreinte concernant 9 salariés peut être évalué à 1 800 €. Etant donné le délai moyen de traitement des dossiers devant la chambre sociale de la cour d'appel d'Orléans, le montant de l'astreinte peut d'ores et déjà être évalué pour les 9 salariés concerné à la somme de

1 198 800 €, somme qui ne peut qu'entrainer des conséquences manifestement excessives et des difficultés de trésorerie.

Monsieur [B] [P] s'oppose à l'ensemble des demandes. Par la voix de son conseil, il affirme que l'intégralité du jugement rendu par le CPH de Tours le 30 avril 2024 est assortie de l'exécution provisoire de droit. La condamnation de la société ONET à verser la somme de 87 800 € au titre de la liquidation de l'astreinte est exécutoire en raison de la fonction de juge de l'exécution exercée par le CPH en l'espèce, qui s'était réservé le pouvoir de liquider l'astreinte.

Conformément à l'article R. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision. La décision est également exécutoire en raison du caractère accessoire de la liquidation de l'astreinte à la condamnation de la société ONET TECHNOLOGIES à remettre les fiches d'exposition. Le chef de jugement ordonnant la liquidation de l'astreinte est lié à l'absence d'exécution de l'appelant qui n'a pas remis les documents imposés.

Il conteste par ailleurs l'existence de moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision attaquée. Il reprend son argumentation sur la non-conformité des fiches remises par la société à ses salariés et sur le fait que les fiches remises le 9 août 2022 n'étaient pas conformes à celles objet du jugement de condamnation du 16 juin 2022.

Monsieur [B] [P] affirme l'absence de risque ou de conséquence manifestement excessive générée par la décision attaquée. Il explique que ONET TECHNOLOGIES TI ne formule aucune précision quant au potentiel risque de conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution de la décision, constituant en la remise des fiches, se contentant de s'attacher aux conséquences purement financières.

Il rappelle que la société ONET TECHNOLOGIES TI est une société d'ampleur nationale qui dispose de ressources conséquentes.

Monsieur [B] [P] sollicite la condamnation de la société ONET TECHNOLOGIES TI à lui verser la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

SUR QUOI :

- Sur l'exécution provisoire attachée aux condamnations prononcées par le CPH de Tours dans sa décision du 30 avril 2024

L'article R. 1454-28 du code du travail prévoit que à moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.

Sont de droit, exécutoires à titre provisoire, notamment :

1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;

2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.

Il est constant que la question de l'exécution provisoire de la décision à venir a été évoquée dans les écritures et arguments de chacune des parties dans l'instance qui les opposait et qui a donné lieu au jugement du 30 avril 2024 attaquée. Le CPH de Tours a été saisi de la question d'une exécution provisoire de droit ou non, chacune des parties ayant développée l'argumentation évoquée dans la présente instance.

Le CPH de Tours n'a pas statué sur le sujet de l'exécution provisoire et n'a pas ordonné l'exécution provisoire de l'intégralité de la décision comme il en avait la possibilité.

Il résulte de l'article L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution que l''astreinte est indépendante des dommages-intérêts, qu'elle est provisoire ou définitive.

L'article L. 131-3 du même code dispose, que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.

C'est le code de l'organisation judiciaire qui aux termes de l'article L. 213-5 et L. 213-6 définit les attributions du juge de l'exécution, juridiction à juge unique exercée par le président du tribunal qui connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

En outre l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit qu'en matière de compétence d'attribution, tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence.

En l'espèce, il est constant que par jugement rendu le 16 juin 2022, le CPH de Tours a condamné la société ONET TECHNOLOGIES TI à remettre à Monsieur [P] :

- La fiche d'exposition aux travaux pénibles,

- La fiche d'exposition à l'amiante modifiée conformément à l'exposition réelle du salarié sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la notification du jugement.

Le conseil s'est par ailleurs réservé la faculté de liquider ladite astreinte.

Par jugement du 30 avril 2024, le conseil de prud'hommes a statué en sa qualité de juge s'étant expressément réservé le pouvoir de liquider l'astreinte qu'il avait ordonné au sens des dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution.

L'argument selon lequel le CPH de Tours a dans son jugement rendu le 30 avril 2024, statué en qualité de juge de l'exécution, ne peut être retenu.

Si l'article R. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit effectivement que la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision, cette disposition renvoie à la décision du juge ayant prononcée l'astreinte dans la suite des dispositions des article R. 131-1 et suivant et non à celle ayant ordonné sa liquidation.

L'argument selon lequel une décision ordonnant la liquidation d'une astreinte est exécutoire de plein droit, ne peut être retenu.

En application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail précitées, la décision rendue par le CPH de Tours le 30 avril 2024 n'est pas assortie de l'exécution provisoire de droit.

L'exécution provisoire facultative prévue par le même texte n'ayant pas été ordonnée, seule la disposition du jugement ordonnant à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre aux salariés la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et à la fiche d'exposition à l'amiante modifiée apparaît exécutoire de droit par provision.

- Sur l'arrêt de l'exécution provisoire de la disposition du jugement ordonnant à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre aux salariés la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et à la fiche d'exposition à l'amiante modifiée

L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives.

Par ailleurs, la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

S'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il convient de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction de la situation personnelle et financière du débiteur, ainsi que des facultés de remboursement du créancier si la décision devait être infirmée par la cour statuant au fond.

Ainsi les conséquences manifestement excessives doivent être examinées notamment au regard de leur caractère disproportionné ou irréversible.

Il appartient à la société ONET TECHNOLOGIES TI de rapporter la preuve de moyens sérieux à l'appui de l'appel interjeté et de manière cumulative des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance que l'exécution provisoire risque d'entraîner.

- Sur les moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision

La lecture de la décision rendue le 30 avril 2024 montre que le conseil de prud'hommes a expressément consacré une partie de la décision aux 'éléments constants du dossier', c'est-à-dire des éléments de souffrant aucune contestation de chacune des parties à l'instance.

Le CPH a relevé au titre de ces éléments constants que 'par courrier en date du 9 août 2022, la société ONET TECHNOLOGIES TI a adressé au conseil du requérant une seule fiche intitulée' fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels' incomplète et comportant de nombreuses erreurs'. Il ajoute toujours au titre des faits constants que 'les griefs formulés devant le conseil de prud'hommes de Tours, et qui ont été reconnus par la juridiction, n'ont pas été pris en compte par la société ONET TECHNOLOGIE TI'.

Ces développements ne peuvent être qualifiés 'd'éléments constants' dans la mesure où ils constituent le c'ur même du désaccord entre les salariés et la société ONET INDUSTRIES TI.

Le CPH de Tours a dans cette décision du 30 avril 2024 commis une erreur d'appréciation des faits qui ont été soumis à son examen qui a pu influer le dispositif de la décision dans son principe et dans ses conséquences.

L'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Le CPH de Tours dans sa décision du 30 avril 2024 constate la non-conformité des fiches communiquées sans spécifier l'absence ou les éventuelles difficultés rencontrées pour les communiquer.

Ces éléments constituent des moyens sérieux d'annulation ou de réformation au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile.

- Sur le risque de conséquences manifestement excessives de l'exécution de la décision

Il convient de rappeler que le CPH de Tours dans sa décision du 30 avril 2024 a ordonné à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre aux salariés la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et à la fiche d'exposition à l'amiante modifiée ; qu'il a affirmé que les fiches d'ores et déjà transmises ne correspondaient pas à celles visées par la décision du 16 juin 2022 et qu'en conséquence la société ne s'était pas conformé au jugement rendu en 2022.

Le CPH de Tours n'a pas exposé les raisons de la non-conformité des fiches communiquées postérieurement à la décision alors qu'il ressort pourtant des débats que la teneur de ces fiches constitue l'objet même du différend entre les parties.

Le CPH de Tours n'a ainsi pas donné la possibilité à la société ONET de communiquer des fiches correspondant à ses attentes et à celles des salariés.

Pour autant, la juridiction a assorti sa décision d'une nouvelle astreinte de 100 € par jour de retard et par salarié.

Le fait de ne pas avoir donné à la défenderesse la possibilité de communiquer les fiches attendues et d'avoir néanmoins assorti le défaut de communication de ces fiches d'une astreinte suppose que cette astreinte va potentiellement courir jusqu'à la date de l'arrêt qui sera rendu par la cour d'appel saisi au fond. En effet, le conseil ne permet ainsi pas à l'astreinte prononcée de permettre l'exécution de la décision rendue au sens des dispositions de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Cet élément constitue un risque manifestement excessif généré par l'exécution de la décision et révélé postérieurement à la décision rendue.

Il sera fait droit à la demande de suspension de l'exécution provisoire de la disposition du jugement du 30 avril 2024 ordonnant à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre aux salariés la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et à la fiche d'exposition à l'amiante modifiée.

- Sur l'article 700 du CPC

Il n'apparaît pas équitable au vu des circonstances de la cause de faire supporter à la SA ONET TECHNOLOGIES TI les frais engagés par elle dans la présente procédure et non compris dans les dépens, il convient de lui allouer à ce titre la somme de 300 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en matière de référé et en dernier ressort,

CONSTATONS que la décision rendue par le CPH de Tours le 30 avril 2024 n'est pas assortie de l'exécution provisoire de droit ;

CONSTATONS que seule la disposition du jugement ordonnant à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre aux salariés la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et à la fiche d'exposition à l'amiante modifiée est exécutoire de droit par provision ;

ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à la disposition du jugement du 30 avril 2024 rendue par le conseil de prud'hommes de Tours ordonnant à la société ONET TECHNOLOGIES TI de remettre aux salariés la fiche de prévention des expositions aux travaux pénibles et à la fiche d'exposition à l'amiante modifiée ;

DEBOUTONS Monsieur [B] [P] de l'ensemble de ses demandes.

CONDAMNONS Monsieur [B] [P] à verser à la société ONET TECHNOLOGIES TI la somme de 300 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

Et la présente ordonnance a été signée par Madame Catherine GAY-VANDAME, première présidente et Madame Fatima HAJBI, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PREMIERE PRÉSIDENTE

Fatima HAJBI Catherine GAY-VANDAME


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/01448
Date de la décision : 21/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-21;24.01448 ?
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